5 mai 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et le Japon, à Paris le 5 mai 2014.

Monsieur le premier ministre, cher Shinzo,
Madame,
Je suis heureux de vous accueillir pour cette visite, qui vient presque un an après le voyage que j'avais moi-même effectué au Japon et qui confirme l'étroitesse des liens entre nos deux pays. Nous avions pris un engagement vous et moi. C'était de donner plus de force à notre partenariat d'exception. Et votre présence aujourd'hui avec votre épouse, comme celle de nombreuses personnalités qui sont ici représentatives de l'économie, de la culture, des arts, du sport et de la gastronomie, le confirment puissamment.
Les relations entre nos deux pays sont très anciennes, puisque les rapports diplomatiques avaient été établis au milieu du XIXème siècle. Et vous avez pu constater, cette après-midi, en visitant le musée Guimet, que Georges CLEMENCEAU avait été un des promoteurs de la relation entre la France et le Japon. Georges CLEMENCEAU tombait rarement amoureux mais il l'a été du Japon incontestablement. Bien plus tard, c'est en 1982 que François MITTERRAND a effectué la première visite d'Etat d'un président de la République au Japon.
Ensuite, Jacques Chirac avait une passion, c'était de venir régulièrement dans votre pays, et c'est d'ailleurs lui qui vous avait invité et vous avait accueilli ici, en janvier 2007.
Le partenariat avec le Japon est donc au-delà des alternances politiques une priorité constante de la France. Il y a des raisons qui expliquent ce rapprochement. D'abord, nous sommes deux grandes puissances économiques. Le Japon, la troisième économie du monde, la France, la cinquième. Nos échanges sont intenses, 15 milliards d'euros en 2013, plus de 400 entreprises japonaises sont installées en France, à peu près autant d'entreprises françaises sont implantées au Japon, faisant vivre dans chacun de nos pays plus de 80 000 personnes. Nous avons aussi une même volonté, vous et moi, de réformes économiques à engager pour nos pays respectifs. Vous voulez une politique de croissance, nous aussi, fondée sur l'innovation, nous partageons cet objectif, et vous vous êtes assigné également la modernisation de vos structures. C'est le cas de la France.
Nous sommes confrontés, le Japon et la France, aux mêmes défis. Nous avons à rétablir nos comptes publics, nous avons à améliorer notre compétitivité et à donner une perspective à nos deux grands pays. C'est pourquoi nous avons décidé d'agir ensemble. D'abord, la France soutient l'objectif qui est le vôtre d'une négociation équilibrée et ambitieuse entre l'Union européenne et le Japon. Et la France utilisera toute son influence pour que nous puissions aboutir dans un délai qui sera raisonnable. Au plan bilatéral, nous avons également l'objectif de faciliter les flux commerciaux et financiers entre nos deux pays, et je constate, avec plaisir, qu'une trentaine d'investissements nouveaux venant du Japon ont été concrétisés depuis ma visite l'an dernier.
Nous avons fait la démonstration, enfin les entreprises qui sont ici présentes, que des alliances sont possibles. RENAULT et NISSAN, AREVA et MITSUBISHI, AIR LIQUIDE et DENKA, TOTAL et INPEX, ESSILOR et NIKON, autant d'exemples qui peuvent inspirer d'autres rapprochements. Nous avons également deux grandes coopérations que nous avons renforcées avec des accords qui ont été signés aujourd'hui dans l'aéronautique et dans le nucléaire civil puisque nous préparons ensemble le réacteur de 4ème génération. Nous avons également insisté pour dire notre disponibilité après la catastrophe de FUKUSHIMA, de contribuer au démantèlement des vieilles centrales et de faire en sorte que nous puissions, selon les choix du Japon, être un partenaire.
Mais la relation entre la France et le Japon est également politique, nous partageons des valeurs communes, et nous avons convenu de les défendre sur la scène internationale.
D'abord, par rapport à la crise ukrainienne, nous n'avons qu'une seule préoccupation en cet instant :faire que l'élection présidentielle du 25 mai puisse se tenir, et éviter toute provocation, tout affrontement meurtrier, toute déstabilisation qui empêcheraient la tenue de ce scrutin. C'est l'intérêt de tous, des Ukrainiens, mais aussi des autorités russes, parce que seul un président légitime pourra engager le dialogue et faire la révision de la constitution avec le parlement ukrainien qui est attendue pour respecter les minorités. Nous travaillons également, monsieur le Premier ministre, à prévenir les risques liés à la prolifération nucléaire, et nous mettons en garde la Corée du Nord contre cette tentation d'accéder à l'arme nucléaire. C'est aussi ce que nous cherchons avec l'Iran dans le cadre d'un accord qui devrait être global et définitif.
La France et le Japon se préoccupent aussi de la sécurité dans le monde. Au moment où un de nos compatriotes a été tué au Yémen. Une fois encore le terrorisme a frappé et tous les pays doivent être solidaires par rapport à ce fléau et engager la lutte, chacun avec sa responsabilité. C'est ce que la France a fait en Afrique, et je salue une fois encore l'appui que le Japon a prodigué et prodigue encore aux pays africains, notamment du Sahel.
Enfin, nous partageons un autre objectif qui est celui de la réussite de la conférence sur le climat qui se tiendra à la fin de l'année prochaine, et nous en avons discuté, je sais que le Japon est pleinement impliqué dans la réussite de cette échéance. Vous savez aussi l'attachement que la France porte aux financements qui permettent de trouver des solutions pour le développement ou pour la prévention d'un certain nombre de fléaux sanitaires, et je vous remercie de l'attention que vous portez à la taxe sur les billets d'avion qui a été introduite par Jacques CHIRAC et qui permet aujourd'hui de dégager des financements importants et d'autant plus importants que des pays adhérent à ce projet.
Je veux terminer sur la culture, parce que le Japon et la France ont cette même ambition, nous avons des traditions, nous avons une histoire et nous avons une conception qui est celle de donner à la culture toute sa place, de ne rien craindre de l'ouverture, de l'échange. . Le Japon et la France accueillent des créateurs venant de tous les pays du monde et c'est ce qui fait que nous pouvons non seulement préserver notre influence mais faire prévaloir un modèle de liberté culturelle. Nous allons fêter les 90 ans de la maison franco-japonaise, la réouverture de la villa Kujoyama qui accueille, je le rappelle, au Japon, les créateurs, les artistes.
Et dans la culture il y a la gastronomie, nous avons, au moment du déjeuner, partagé autant de plats qu'il a été possible, permis l'importation de produits qui jusque-là, n'étaient pas autorisés. Je rassure, ils sont sans danger, et nous avons considéré la gastronomie, non seulement comme un art mais comme un atout sur le plan économique avec une filière agro-alimentaire qui peut là trouver tous ses développements et tous ses prolongements. Et nous avons aussi considéré la gastronomie comme un formidable vecteur touristique et comme une source d'attractivité pour nos pays respectifs. Je rappelle que la France accueille 700 000 touristes japonais et que nous nous sommes dit, pour avoir un chiffre rond, qu'un million serait préférable pour la fin de la décennie. Ce dîner y contribuera, j'en suis sûr. La culture c'est aussi pour nous le sport, parce que le sport au Japon est un art. Vous avez eu cette consécration de pouvoir être considéré comme un pays d'accueil pour deux évènements : la coupe du monde de rugby en 2019, nous avons quelques prétentions, et les Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo de 2020, qui nous serviront de référence, pour d'éventuelles candidatures. La France est donc à votre disposition pour contribuer au succès de ces deux manifestations.
Monsieur le Premier ministre, madame, un grand écrivain japonais, Prix Nobel de littérature, KENZABURÔ OE, posait cette question simple, qui vaut d'ailleurs pour tous les peuples, pour tous les individus. Ces questions s'énoncent ainsi : qu'est-ce que je peux faire pour mon enfant? Que pouvons-nous faire pour l'avenir de la planète ? Je veux créer, disait-il, une littérature qui réponde à ces deux questions. Et bien nous Monsieur le Premier ministre, nous devons proposer une politique qui permette de répondre à ces deux interrogations. Le Japon et la France incarnent et défendent une même idée de l'Homme, nous sommes les foyers de civilisations anciennes mais qui ont su faire le choix de la modernité en restant elles-mêmes. Nous sommes conscients de notre rôle sur la scène internationale, conscients de nos forces, conscients de nos atouts et surtout convaincus de l'amitié qui nous unit, la France et le Japon, et pour laquelle je lève ce soir mon verre.