28 mai 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse conjoint de MM. François Hollande, Président de la République, et Mariano Rajoy, président du Gouvernement du Royaume d'Espagne, sur la politique économique au sein de l'Union européenne, à Paris le 29 mai 2013.

LE PRESIDENT : « Mesdames et Messieurs, jai accueilli une nouvelle fois avec grand plaisir, Mariano RAJOY, le président du gouvernement du Royaume dEspagne.
Cest une journée utile pour lEurope car ce matin et cet après-midi, dans ce colloque où Mariano RAJOY est intervenu, il y a eu une large convergence de vue de tous les chefs de gouvernement ou ministres qui se sont exprimés et qui ont tous insisté sur les enjeux de la période pour la construction européenne.
Nous avons été capables depuis un an de prendre des décisions, notamment en juin dernier, pour mettre de la stabilité en Europe, pour lancer un pacte de croissance, pour définir des instruments. Cette année, au Conseil européen du mois de juin, nous devons donner la même force à nos propositions pour lemploi.
Sur cette question, il y a une large unité de vue. Ce matin, jai moi-même reçu ici le ministre des Finances allemand, Wolfgang SCHAUBLE, la ministre de lEmploi de la République fédérale. Il y avait également le ministre italien de lEmploi et jeudi, je recevrai la Chancelière Angela MERKEL.
Nous ferons une contribution qui insistera sur les questions que nous avons débattues avec Mariano RAJOY ce soir.
Première orientation : tout faire pour lemploi des jeunes. Anticiper même sur ce que prévoit le budget européen, cest-à-dire un plan de 6 milliards deuros pour favoriser la formation, linsertion, la mobilité des jeunes. Si nous pouvons engager une partie de ces sommes dès à présent, quitte ensuite à les imputer sur les budgets des années prochaines, je pense que cela peut-être une bonne formule pour lemploi des jeunes.
Deuxième orientation : faire que les entreprises ce sont elles qui créent des emplois puissent mieux se financer £ et donc mobiliser les fonds de la BEI pour quelle puisse accorder des garanties, faire des prêts directs, soutenir la trésorerie de ces entreprises et également un certain nombre de projet dinvestissements pour quil y ait une création dactivité et demplois plus rapide quil nest prévu aujourdhui.
Enfin, faire que les Etats qui ont des efforts à engager pour le redressement de leurs comptes publics, puissent avoir davantage de temps, dès lors que lEurope connait une récession depuis maintenant deux ans et quil y a toutes les justifications pour continuer à maîtriser la dépense publique mais éviter un certain nombre de prélèvements supplémentaires qui affecteraient la demande et affaibliraient les possibilités dune croissance plus forte, et même la reprise.
Cest sur ces orientations que nous sommes également tombés daccord avec le président du gouvernement espagnol.
Jeudi, je reçois la Chancelière. Il y aura également des réunions qui vont se tenir avec la Commission européenne et le Président VAN ROMPUY. Nous aurons au Conseil européen des décisions à prendre sur lemploi, sur le financement européen, sur la BEI et sur tout ce qui peut favoriser la croissance.
Après, il y aura au début du mois de juillet une réunion de tous les ministres du Travail et de lEmploi. La Chancelière dAllemagne a fait cette proposition, jy ai souscrit et nous nous retrouverons donc à Berlin le 3 juillet.
Il ny a donc pas de temps à perdre. Le calendrier est connu, lEurope est maintenant sortie de la crise financière. Elle doit faire en sorte de sortir de la crise tout simplement. »
MARIANO RAJOY : « Merci beaucoup M. le Président, mesdames et messieurs bonsoir. Encore une fois, je tiens à remercier le président HOLLANDE de maccueillir ici si chaleureusement comme toujours.
Il a très bien expliqué le contenu de notre réunion. Nous sommes daccord sur les questions essentielles, il a très bien expliqué également le contexte dans lequel se tient cette réunion, avant le Conseil européen qui aura lieu fin juin. Un Conseil qui, nous lespérons, nous permettra de résoudre les problèmes essentiels, tangibles, des citoyens européens.
Je souhaiterais commencer par un bref rappel. Cela fait six trimestres consécutifs que lEurope est en récession. Et lEurope est la seule région du monde sans croissance économique, ce quil y a cest une croissance économique négative. Comme la dit le président HOLLANDE, la crise financière ayant été surmontée, nous croyons que le moment est venu pour que les citoyens voient des retombées sur leur vie quotidienne. Nous faisons tous des efforts importants dans nos pays. Ce sont les citoyens surtout, qui doivent faire des efforts : nous avons dû prendre, les dirigeants politiques, des décisions complexes, difficiles, et nous pensons que lEurope doit faire un pas en avant dans la bonne direction.
Concernant le Conseil européen de juin, il y a plusieurs questions. Le crédit : il faut faciliter la vie des PME, ce sont elles qui avec leurs efforts, leurs investissements, permettent à un pays daller de lavant et ce sont elles qui créent des emplois. Il faut résoudre le problème de lemploi des jeunes : il faut donner un emploi à ces jeunes qui voudraient travailler. Ce sont là les grands objectifs que nous devons atteindre.
Jai dit au président HOLLANDE et je le dirai également au président VON ROMPUY et aux membres de la Commission, que nous voulons que la BEI, qui en ce moment consacre 10 milliards deuros pour le financement des PME, consacre 30 milliards deuros à ce financement. Cela aura des retombées importantes, nous voulons que le financement passe de 10 milliards à 30 milliards, nous voulons que la BEI garantisse les portefeuilles de prêt des PME, elle peut le faire, et cela va permettre de faire circuler le crédit vers les PME.
Ensuite, nous voulons que la BEI garantisse les opérations à lexport et les opérations à linternational de nos entreprises. La BEI peut jouer un rôle plus actif, plus clair, plus catégorique pour appuyer les PME. Et nous pensons que les différents pays européens peuvent se mettre daccord sur ce point, et cest une position que va défendre lEspagne fin juin.
Il ny a pas longtemps, M. DRAGHI, président de la Banque centrale européenne, a reconnu quil y avait des problèmes avec le financement des PME. Et il était en faveur douvrir un dialogue interinstitutionnel pour résoudre les problèmes de financement des PME. Cette affirmation ma plu, je pense quil faut la prendre en compte. Ce qui est important, cest que la Banque centrale européenne applique cette décision, ce qua dit M. DRAGHI.
Quant à lemploi des jeunes, il y a deux questions concrètes, essentielles, dont jaimerais vous parler. Le président HOLLANDE a dit que six milliards deuros avaient été accordés dans le budget européen pour la période 2014-2020, six milliards pour lemploi des jeunes, six milliards pour sept ans. Nous aimerions quavant même le 1er janvier 2014 cet argent puisse être utilisé, parce que la situation est urgente. Jinsiste, ce problème est lun des problèmes les plus importants que connaissent plusieurs pays dEurope, notamment lEspagne.
Par ailleurs, les mesures daide aux entreprises pour lembauche des jeunes ne devraient pas être comptabilisées, ne devraient pas être pénalisées dans la procédure de déficit excessif. Ce serait une mesure temporaire mais une mesure essentielle, parce que durant un certain temps toutes les bonifications que les pays pourraient faire sur les cotisations sociales pour lembauche des jeunes, ne seraient pas comptabilisées dans la procédure de déficit excessif.
Ce sont là les deux questions les plus importantes que nous avons abordées. Je tiens à dire également que tous nous espérons que, lors du Conseil de juin, il y aura des avancées concrètes concernant lunion bancaire, que les décisions prises en juin lannée dernière soient appliquées, quil y ait des avancées dans lunion économique et monétaire, et que les institutions et lensemble des membres de lUnion européenne aient toujours cela à lesprit. Mais pour linstant ce qui est urgent, cest lappui aux PME, laccès au crédit et le chômage des jeunes. Merci. »
QUESTION : « Nous avons parlé dun plan de 60 milliards deuros pour lutter contre le chômage des jeunes. Quand ce plan pourra-t-il être mis en uvre, quand pourra-t-il accéder aux citoyens ? Que pourra faire la France pour lEspagne en ce sens et quelles vont être les contreparties de ce plan ? Est-ce quon va demander à lEspagne plus de réformes du marché de lemploi, est-ce quil y aura des contreparties ?
Maintenant une question pour le président RAJOY, les données du déficit en Espagne aujourdhui sont assez mauvaises, pire que lannée dernière, est-ce quil faudrait plus de coupes, des augmentations dimpôts, plus de réformes, que pensez-vous faire ? »
LE PRESIDENT : « Ce ne sont pas 60 milliards deuros qui étaient prévus par les chefs dEtat et de Gouvernement pour le prochain budget européen, ce sont 6 milliards deuros sur la période 2014-2020 comme la rappelé le président RAJOY et pour les régions où il y a plus de 25% de taux de chômage des moins de 25 ans.
Nous voyons bien que si nous attendons et si nous diluons ce plan sur les cinq prochaines années, il y aura peu dimpact. Ce que nous proposons cest danticiper avant même que le Parlement européen nait adopté le cadre financier - il le fera souverainement dans quelques jours, dans quelques semaines - une fois que ce sera fait, les Etats pourraient anticiper lapplication de ce plan, de façon à prendre des mesures favorables à lemploi des jeunes dès lautomne et trouver les financements correspondants lannée suivante. Les Etats feraient lavance des frais, si je peux mexprimer ainsi.
Il ny aurait aucune condition qui serait posée, si ce nest davoir un taux de chômage des jeunes supérieur à 25%. Mais hélas lEspagne remplit cette condition et la France dans plusieurs de ces régions, aussi.
Voilà lidée. Il y a celle quajoute Mariano RAJOY, cest de pouvoir décompter les sommes qui pourraient être engagées par les Etats en plus du plan européen, du calcul du déficit public pour les recommandations de la Commission européenne. Tout ça sera sur la table au prochain Conseil européen. »
MARIANO RAJOY : « Je crois que le président HOLLANDE a parfaitement répondu à la première question. Je tiens simplement à rappeler que la BEI, la BCE, peuvent agir et cela est important, cest ce que jai dit tout à lheure.
Quant aux données du déficit de cette année, ce sont des données très partielles. On ne peut pas encore faire une évaluation définitive et prévoir ce qui va se passer. Je tiens à dire, je lai déjà dit aux différents présidents de mon parti et je le dirai aux différentes institutions, notre engagement envers le déficit public est un engagement que nous devons respecter avant tout.
Je crois que la Commission européenne soriente vers des mesures plus intelligentes, plus flexibles, elle accepterait une réduction du déficit plus modéré, plus tranquille.
Tous, nous voulons renouer avec la croissance et nous voulons créer des emplois. Pour cela, il faut des comptes publics sains. Le Gouvernement va agir en ce sens, comme il la fait lannée dernière. Les communautés autonomes, les collectivités locales vont également faire les efforts nécessaires, comme elles lont déjà fait, pour respecter les objectifs du déficit, parce que cela est nécessaire afin de renouer avec une croissance durable, soutenable et pour créer de lemploi. Certes il y a dautres mesures qui sont nécessaires comme nous venons de le dire tous les deux à linstant. »
QUESTION : « Monsieur RAJOY, François HOLLANDE a présenté ce matin, un plan daction franco-allemand pour lemploi des jeunes. Or, lEspagne est, avec la Grèce, lun des pays les plus concernés par cette question. Est-ce que vous regrettez de ne pas être associé demblée et pleinement à cette initiative ?
Et vous, Monsieur HOLLANDE, certains disent dès à présent que les 6 milliards deuros prévus par le projet de budget européen sont une goutte deau dans locéan, est-ce quil faut penser dès à présent à y consacrer des sommes plus importantes ? »
MARIANO RAJOY : « Est-ce que jaurais aimé participer à ce plan pour lemploi des jeunes ? Je tiens à vous dire que lEspagne a présenté ses propositions, que je suis là avec le président de la République française et que je vais parler avec dautres personnes qui seront présentes lors du Conseil européen en juin. Je vais également rencontrer les membres de la Commission, je vais rencontrer M. VAN ROMPUY. Ce qui ma rassuré aujourdhui, cest de voir que, sur les questions essentielles, nous sommes daccord et que ce sont ces sujets que nous traiterons au Conseil européen, Monsieur HOLLANDE et moi-même.
Nous voulons que ces mesures soient approuvées le plus tôt possible et quelles commencent à fonctionner tout de suite. Nous avons apporté notre contribution, dautres ont apporté dautres contributions. Ce qui est important, cest que ce soient des mesures utiles, efficaces que tout le monde puisse comprendre et des mesures que lon puisse appliquer maintenant. Le moment est venu dexécuter, de mettre les choses en pratique, de lancer un message clair car évidemment lunion bancaire, lunion fiscale, cest quelque chose de très important mais cela est moins important pour les gens. Aujourdhui la situation presse. Nous avons surmonté une crise financière très importante. Jinsiste, lEurope est la seule région du monde où il ny a pas de croissance et les gens se posent la question. Ils ont raison de se poser la question, pourquoi les autres pays sont-ils en croissance et pas lEurope. Il y a quelque chose que lon fait mal. Il faut répondre à cette question lors du Conseil de juin, la question des PME, lemploi des jeunes, le crédit, ce sont là des questions essentielles et jespère que tous nous serons capables dêtre à la hauteur des circonstances au Conseil de juin. »
LE PRESIDENT : « Quand lAllemagne et la France ne sont pas daccord, vous vous interrogez. Quand lAllemagne et la France sont daccord vous vous inquiétez. Je ne sais pas comment faire. Lessentiel est que sur ces questions-là, comme dailleurs sur dautres, nous puissions, la France et lAllemagne, avancer ensemble. Cest la meilleure façon de parvenir à mobiliser lensemble des Européens.
Il se trouve que les ministres français et les ministres allemands de léconomie et des finances et du travail et de lemploi se sont accordés pour avancer un certain nombre de propositions pour lemploi des jeunes, qui dailleurs rejoignent celles que nous avons nous-même présentées à linstant, le président du Gouvernement espagnol et moi-même. Ce qui veut dire que nous sommes confiants dans lissue du Conseil européen à condition que nous créions une certaine dynamique.
Et je crois que les choses sont bien engagées. Pourquoi sont-elles bien engagées ? Parce que nous sommes sortis de la crise financière, mais surtout parce que nous sommes conscients de ce quaujourdhui les jeunes vivent en Europe, cest-à-dire des taux de chômage exceptionnellement élevés, une désespérance, une rupture générationnelle. Et cest parce que nous sommes face à cet enjeu-là, à ce risque-là, que nous sommes mobilisés. France et Allemagne, Espagne, Italie également, grands pays qui peuvent être plus concernés que dautres, compte tenu de leur situation économique. Mais jai plus quespoir, jai la certitude quau Conseil européen nous aurons des propositions fortes qui seront dégagées. Sur les six milliards deuros, pour linstant ils ne sont même pas encore votés. Ce que je demande cest que nous puissions même anticiper une fois que le Parlement européen se sera prononcé, et puis ensuite si la situation ne saméliore pas, et que les sommes prévues sont déjà consommées, et bien nous les compléterons. Parce que nous avons obtenu, dans le cadre de la négociation sur le budget européen, la flexibilité, cest-à-dire la possibilité de transférer des sommes dune dépense à une autre. Et moi, je considère que la dépense la plus prioritaire cest la dépense pour lemploi.
QUESTION : « Bonsoir Messieurs les présidents, une question pour le président RAJOY, pour les affaires internes. Nous avons pu remarquer quil y a des divergences entre les « barons », les « éléphants » régionaux du Parti populaire. Si ces divergences se poursuivent, est-ce que vous seriez disposé, monsieur le Président, à imposer votre critère, même si ce critère ne plait pas à toutes les parties ? Que pensez-vous, monsieur RAJOY du rôle des ex-présidents en Espagne ?
MARIANO RAJOY : « Chaque fois quil y a un débat sur le financement des régions, ou des questions en lien avec le financement des régions, il y a des divergences dopinion, cest clair. Mais les divergences dopinion nont rien à voir avec lidéologie de la personne qui est à la tête du Gouvernement. Quand on débat un modèle de financement autonomique, chacun défend sa région. Largent doit être réparti en fonction du nombre dhabitants, dautres disent, non, pas en fonction du nombre dhabitants mais en fonction du vieillissement de la population, de la répartition de la population, il y a toujours des critères divergents. Je ne me suis pas présenté à cette réunion comme un président du Gouvernement, cétait une réunion du Parti populaire, nous avons partagé nos avis, nous avons discuté, et comme je men doutais, mais la décision na pas encore été prise, la décision sera prise en juin concernant lobjectif de déficit de lEspagne. Une fois que nous saurons quelle est cette décision, et bien nous parlerons avec les régions. Cette fois, dun point de vue institutionnel, nous parlerons avec les présidents des régions, quelle que soit leur nature politique, nous verrons quels sont les objectifs que les régions doivent remplir. Il est impossible de faire plaisir à tout le monde, cest clair, mais cela a toujours été le cas. Mais au bout du compte, cest toujours le consensus qui simpose, je ne veux rien imposer, ce que je veux cest obtenir le plus grand consensus possible. Mais en même temps, cest vrai, je dois vous dire quune répartition du déficit par Communauté autonome est quelque chose qui doit exister, il faut le faire. Si les gens travaillent de façon constructive et abordent les questions de façon constructive, et bien nous réussirons à nous mettre daccord. Il y a quelques temps, lobjectif de déficit était de 0,7, maintenant on parle de 1,2. Imaginez si cétait 0,7, nous naurions plus cette discussion mais nous aurions un problème énorme, vous pouvez vous imaginer.
Concernant le rôle des ex-présidents du Gouvernement, quils fassent ce quils veulent voilà, ils agissent comme ils lentendent. Je considère quils veulent les meilleures choses pour leur pays et je suis sûr que si on leur demandait leur aide, ils nous la fourniraient. Merci. »
QUESTION : « Dans laffaire Bernard Tapie / Crédit Lyonnais, un jugement a été rendu, un accord avait été trouvé. Il est aujourdhui contesté, il était favorable à Bernard Tapie. Est-ce que lEtat va se constituer partie civile, comme laffirment certains articles de presse articles, pour le moment non démentis par le gouvernement ? »
LE PRESIDENT : « Je nai pas tous les éléments encore de cette affaire. Mais ce que je veux dire comme principe - et cela vaut pour toutes les situations - cest que lEtat défendra toujours ses intérêts en temps utiles et pour accéder aussi aux informations. Voilà la réponse que je peux vous faire. Merci. »