26 avril 2013 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, notamment sur les relations économiques entre la France et la Chine, à Shangai le 26 avril 2013.
Mes chers compatriotes,
Pardon pour le retard mais nous lavions déjà pris hier soir. Nous terminons donc comme nous avons commencé : en retard, mais heureux de cette visite dEtat !
Je souhaitais vous rencontrer au terme de ce déplacement qui aura duré plus de deux jours, en compagnie de tous ceux qui ont fait partie de la délégation Valérie, les ministres, les parlementaires, les personnalités du monde économique, culturel £ de tous ceux qui concourent (au-delà des clivages politiques, au-delà des séparations qui en Chine, nont plus dactualité) au développement de la relation exceptionnelle qui existe entre la France et la Chine. Cest une amitié ancienne, historique mais elle doit régulièrement être entretenue, amplifiée, concrétisée.
Cest ce que nous avons fait au cours de ces visites, de ces rencontres avec dabord le Président chinois, XI Jinping, et aussi avec le Premier ministre et aujourdhui les autorités de Shanghai. Jai senti un état desprit ouvert à légard de la France. Ouvert, cest ce que nous souhaitons aussi pour le marché. Mais dabord la politique, dabord la relation de confiance, avant de parler contrats, exportations, investissements. Cette relation-là devait être établie dans la cohérence, dans la constance, dans la stabilité.
Nous sommes ici à Shanghai je remercie Monsieur le Consul général de nous accueillir sous cette tente qui a été dressée. Mais il a fait très beau tout au long de cette visite. Il ne fallait donc pas conjurer un certain nombre de sorts. Nous voulions terminer à Shanghai parce que cest une ville exceptionnelle. Nous en avons pris la mesure et vous vivez cette réalité chaque jour. Cest ce quon a appelé une ville pionnière au sens où on pourrait dire quelle est davant-garde. Dans les années 20, elle létait déjà. Elle était considérée comme lexpression du mouvement révolutionnaire chinois.
Ensuite, on la surnommée « le Paris de lOrient », ce qui était un grand hommage pour Paris mais aussi le signe que Shanghai, déjà à cette époque, au début du XXème siècle, représentait un modèle délégance, de raffinement, de dynamisme.
Dans les années 1990, quand la Chine a commencé à amplifier son mouvement douverture et de développement, Shanghai avait déjà pris les devants et elle a retrouvé et avec quelle ampleur ! sa grandeur. Aujourdhui, cest la première destination des investissements étrangers et Shanghai représente le quart du PIB chinois.
Je parlais de tout cela avec le Secrétaire du Parti communiste de Shanghai et je sentais chez lui un peu de regret de voir remonter vers le pouvoir central toutes les recettes quil collectait ici. Mais il comprenait et je pense quil partageait cette volonté du pouvoir central chinois dassurer la répartition des richesses et de permettre que toute la Chine accède au développement. Shanghai y contribue. Shanghai est une ville amie de la France. Là-aussi, depuis longtemps. Un certain nombre dauteurs célèbres sont venus écrire, ici, à Shanghai : Albert LONDRES, André MALRAUX, qui voulaient aussi montrer ce que Shanghai pouvait faire.
La relation entre la France et Shanghai passe aussi par des villes ou des régions. Le lien avec Paris, avec Marseille, avec la région Rhône-Alpes ici représentée par son président il y a tout ce réseau, toute cette coopération décentralisée qui fait que Shanghai est une ville rayonnante bien au-delà de la Chine et notamment en France.
Aujourdhui, cest vous, Communauté française, qui faites vivre la relation entre Shanghai, la Chine et la France. Vous, entrepreneurs, cadres, médecins, journalistes, professeurs, étudiants Tous ceux qui contribuent à la vie de la Communauté française et aussi de la vie de Shanghai.
Mille entreprises françaises sont installées à Shanghai. La moitié de nos investissements directs en Chine sont réalisés ici à Shanghai. Cest vous dire si la responsabilité qui est la vôtre est très grande puisquil nous faut rééquilibrer le commerce extérieur avec la Chine. Cest ce que jétais venu vous dire et vous encourager à faire. Nous avons fait en sorte de fixer le cadre avec les autorités chinoises.
Je ne parle pas du partenariat politique même si cest la condition. Je parle de la volonté commune que nous avons posée de rééquilibrer par le haut notre commerce extérieur. Nous avons un déficit de 26 Milliards, cest-à-dire presque la moitié de notre déficit global. Le Premier ministre chinois nous a confié quil ne voulait pas que lon considère que la Chine voulait faire des excédents. Cela tombe bien, parce que je ne voudrais pas que lon considère que la France veuille faire des déficits. Nous avons une ambition commune.
Un rééquilibrage ne peut pas se faire par la réduction de nos ambitions respectives. Le rééquilibrage, ce nest pas la peur, ce nest pas la frilosité, ce nest pas le repli. Cest au contraire la conquête. Cest la victoire de certaines entreprises pour gagner des marchés. Cest la stimulation de nos investissements ici. Cest la promotion dun certain nombre de secteurs.
Justement, nous avions deux grands secteurs qui contribuaient à notre commerce extérieur en Chine : le nucléaire et laéronautique. Nous avons renforcé cette coopération. Mais nous avons identifié cinq autres domaines dans lesquels nous pouvons faire davantage et qui peuvent vous intéresser ici à Shanghai.
Lagroalimentaire : il ne faut pas le réduire à la gastronomie même si cest une vitrine très importante et je salue ici tous ceux qui y contribuent. La gastronomie y compris dans sa version haut de gamme doit servir à faire venir dautres produits, doù limportance de la filière alimentaire et beaucoup de chefs dentreprises qui maccompagnent aujourdhui participent de cette volonté daccéder au marché chinois. Nous en connaissons les difficultés, parfois même les résistances, à faire venir la charcuterie, la confiserie et la boulangerie qui trouveraient ici un marché à la mesure de la qualité de nos produits. A nous de convaincre ! Mais cest un secteur sur lequel le Premier ministre chinois sest engagé à ouvrir davantage le marché.
Autre secteur, le numérique c'est-à-dire pas simplement les appareils mais les usages. Une étudiante à lUniversité de Shanghai ma dit « quest-ce que vous voulez faire en matière de réseaux sociaux ? ». Tout simplement offrir du contenu, montrer que notre industrie des programmes, lindustrie culturelle, peut trouver sa place à travers Internet. Le secrétaire du Parti Communiste chinois de Shanghai me disait combien aujourdhui Internet est en train de mettre complètement en cause dans cette grande ville des modes de distribution. Nous le savons. Mais combien cela a aussi généré de nouveaux emplois en matière de transport, de logistique et de fourniture à domicile dun certain nombre de produits ? De ce point de vue-là, il y a aussi à prendre des leçons. A nous dinvestir cette nouvelle économie.
Autre secteur je nirai pas beaucoup plus loin il y a lénergie nouvelle, il y a tout ce qui a trait aussi à certaines industries de consommation et à la santé.
Nous avons lancé un club santé, tout à lheure à lInstitut Pasteur, avec des entreprises de toutes tailles dont les plus grandes je salue ici Monsieur MERIEUX qui a joué un rôle tout à fait essentiel pour la présence du secteur de la santé en Chine et qui la fait patiemment. Cela fait 30 ans quil sy consacre et ce nest pas terminé. Nous avons lancé ce club santé avec des grandes entreprises, des petites, des moyennes et des entreprises intermédiaires. Parce que, là aussi, lampleur de la population, les besoins en matière sanitaire, mais aussi la prévention, laccès au soin, la coopération hospitalière, tout cela offre des perspectives considérables. Mais à condition que nous soyons partie prenante des programmes de recherche. Cest ce que nous allons faire.
Je voulais vous donner tous ces éléments dinformation que vous puissiez maintenant vous déployer à la mesure de vos talents et de vos compétences. Pourquoi je plaide dans ce sens ? Non pas simplement par rapport à un objectif de réduction de notre déficit du commerce extérieur même si cest très important parce que lorsque nous avons un déficit du commerce extérieur, nous avons un déficit de la balance des paiements, donc nous sommes plus vulnérables, il ny a pas que les comptes publics qui doivent être redressés, il y a aussi la compétitivité du pays !
Mais je le dis aussi pour lemploi, voulant combattre une idée souvent reçue en France qui voudrait que chaque fois quil y a un investissement dans un grand pays comme la Chine cela pourrait être défavorable pour lactivité économique dans notre propre pays et notamment pour lemploi. Mais cest exactement linverse et nous avons démontré que, chaque fois que nous pouvons créer avec des innovations, avec de la qualité, avec du savoir-faire, de linvestissement, de lactivité, de lemploi ici en Chine, cela a un effet direct sur la création demplois en France.
Ce que vous faites, ce nest pas simplement pour vos entreprises, lorsque vous êtes cadres ou techniciens dune entreprise présente à Shanghai et en Chine. Ce que vous faites, vous le faites pour votre pays et pour lemploi en France.
Vous connaissez les chiffres du chômage : 1 million de chômeurs en plus ces cinq dernières années et une augmentation continue avec linquiétude pour beaucoup de savoir sils vont même garder leur propre emploi et langoisse pour ceux et celles qui lont perdu.
Notre premier devoir, notre seul devoir, cest dagir pour lemploi. Nous avons pris des mesures en France, vous les connaissez : emplois davenir, contrats de génération, réforme du marché du travail, pacte de compétitivité, crédit dimpôt pour favoriser lembauche et linvestissement. Tout cela est nécessaire, cest le socle.
Mais ensuite ces instruments, ces outils doivent être au service dune politique. Ce que nous faisons pour le soutien de notre commerce extérieur, ce que nous faisons pour linvestissement de nos entreprises, ce que nous faisons pour conquérir des marchés, nous le faisons pour lemploi. Cest pourquoi je voulais vous remercier ici pour les efforts que vous consacrez.
Nous sommes rassemblés, vous êtes une des communautés françaises les plus importantes à létranger : près de 20 000, beaucoup de jeunes, je le vois ! 3 000 étudiants français sont accueillis par les universités de Shanghai. Jen ai rencontré quelques-uns, cétait pour une belle cérémonie à loccasion de linauguration de lécole dingénieurs Paris TECH au sein de luniversité Jiao Tong. Jai constaté que toutes nos grandes écoles, toutes nos grandes universités sont présentes ici, avec la perspective de diplômer des étudiants chinois avec les mêmes critères dexcellence quen France et avec la même volonté de pouvoir partager un certain nombre de recherches et de technologies.
Ces étudiants français, qui sont ici en Chine, contribuent à améliorer les relations, à faire comprendre ce quest notre pays, à attirer aussi des étudiants chinois en France car cela a été une de mes volontés, au lendemain de lélection présidentielle : faciliter la mobilité £ permettre la circulation £ ne pas avoir de restrictions pour que des jeunes chinois étudiants, chercheurs, artistes, entrepreneurs et même touristes, puissent venir en France sans formalités, sans contraintes.
Beaucoup détudiants chinois mont posé la question « Est-ce que nous pourrons venir faire une partie de nos études en France ? » comme si nous pouvions mettre des obstacles. Les visas seront facilités pour les étudiants chinois qui voudront venir en France. Nous ferons en sorte que ceux qui, après un parcours universitaire en France, veulent travailler pendant une courte période, puissent le faire. Cest pourquoi nous avons abrogé une circulaire qui empêchait ces jeunes étudiants, souvent très brillants, de pouvoir, pour un temps, servir nos entreprises, y compris pour venir accéder au marché chinois.
La mobilité, la circulation, léchange, vous en êtes ici les témoins et les acteurs. Il y a 150 accords de coopération entre les universités françaises et les universités de Shanghai, dans tous les domaines : commerce, management, sciences de lingénieur, économie et même sciences-politiques parce que, là aussi, nous avons à faire la promotion de nos valeurs et de nos principes.
Je voulais terminer par la culture. Mais avant de parler de la culture, par la langue. Vous, vous avez fait, pour certains jimagine, leffort de parler chinois. Nous devons en France former davantage nos lycéens pour lexercice du chinois, lapprentissage du chinois. Il y en a 30 000 aujourdhui, nous pouvons faire davantage. Sans que cette filière puisse être un moyen daccéder aux meilleurs établissements parisiens, essayons de diffuser aussi lapprentissage du chinois partout en France et dans tous les établissements.
Nous devons aussi faire en sorte quici à Shanghai, en Chine, on apprenne le français. Javoue quà luniversité où jétais, jai eu une belle démonstration - peut-être préparée, cest possible - où les étudiants qui minterrogeaient, parlaient en français même quand ils étaient en première année de linstitut des langues. Jai félicité les enseignants. Cétait impressionnant. Javais limpression quils comprenaient mes réponses, ce qui était encore plus impressionnant. Cest bien que nous puissions favoriser lapprentissage du français, non pas simplement parce que cest notre langue, mais parce que la francophonie fait partie de la diversité culturelle et même de lexception culturelle.
Aujourdhui, il y a 300 millions de personnes dans le monde qui parlent le français. Grâce à laugmentation de la population en Afrique, nous pouvons penser quil y en aura 750 millions dans 30 ans. Ce que nous voulons, cest que lon parle français sur tous les continents et ici en Chine aussi. Jai limpression quon parle un peu plus anglais, cela ne ma pas échappé non plus, y compris dans la formation des élites chinoises. Là-aussi, faisons en sorte de défendre, de promouvoir le français. Pour cela il faut quil y ait Monsieur le ministre des Affaires étrangères ne me contredira pas des instituts qui diffusent la culture et la langue françaises. Nous veillons, malgré les contraintes budgétaires, à préserver ce patrimoine, car cela en est un.
Et puis, nous devons permettre à la Communauté française, très jeune, donc avec des enfants puisque la contrainte de lenfant unique ne pèse pas sur vous nous devons faire en sorte que vous puissiez avoir vos enfants scolarisés dans de bonnes conditions. Ce nest pas facile et je sais ce que cela représente en termes de coût. Il y a le projet dextension du lycée. Madame lambassadeur, Monsieur le Consul général men ont parlé, le ministre des Affaires étrangère a fait encore une démarche exceptionnelle il y a 15 jours, jen ai reparlé aux autorités de Shanghai Nous devons avoir lacquisition dun terrain. Ce nest pas facile mais cela fait partie, là aussi, des obligations qui doivent être les nôtres.
Enfin, un dernier mot sur ce que lon peut imaginer pour la Chine. Cest un immense pays qui va connaître encore une période de croissance et de développement considérable £ une population urbaine qui va continuer de progresser £ des besoins qui vont être de plus en plus ceux de consommateurs £ un potentiel touristique, ici en Chine, mais aussi de touristes chinois qui vont vouloir découvrir lEurope et notamment la France.
Il y a plusieurs manières dappréhender cet avenir de la Chine. Soit le faire avec crainte, en se disant que lEurope, décidément, laisse passer son destin historique : cela en est terminé, le centre du monde se déplace et maintenant, cest ici en Asie que lavenir du monde se dessine. Moi, je pense que ce nest pas la bonne approche.
Il faut avoir, au contraire, grande confiance en nous-mêmes. Il faut que lEurope, dabord lEurope, comprenne quelle est la première puissance économique du monde £ quelle ne peut pas simplement donner le spectacle dune zone euro qui a besoin de stabilité à laquelle dailleurs les Chinois ont contribué £ quelle doit montrer quelle est un continent dynamique, créateur, imaginatif, avec un énorme potentiel de recherche, dinnovation, avec des entreprises de toute taille, performantes.
Nous devons donner la meilleure image de nous-mêmes qui correspond, dailleurs, largement à la réalité : première puissance économique du monde, une grande culture, des valeurs, un système démocratique, une capacité à nous fédérer, nous les pays qui nous nous étions faits la guerre il y a si peu de temps. La France, dans tout cela, a aussi son rôle à jouer.
Si nous sommes reçus aujourdhui avec respect, égard et considération, cest parce que cest la France qui est regardée, cest vous, cest notre histoire, cest notre avenir. Pourquoi on veut regarder la France ? Parce que lon sait quelle est un pays mondial avec des principes et des valeurs qui comptent. Avec un système politique qui a été produit par des grands mouvements, ceux des droits de lHomme, ceux de la démocratie, de la République que nous avons portés. Alors, cest en étant fiers de nous-mêmes que lon arrivera à être plus présents encore sur ce grand continent, sur ce grand pays quest la Chine.
Cest pourquoi je vous appelle, vous qui avez compris depuis longtemps combien notre pays avait datouts, à aborder la relation franco-chinoise, à la fois, avec amitié, confiance et en même temps fierté. Merci.