16 janvier 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la politique gouvernementale et sur l'intervention militaire française au Mali, à Paris le 16 janvier 2013.

Monsieur le premier Ministre,
Monsieur le président du Sénat,
Monsieur le président de lAssemblée nationale,
Le président du Conseil économique et social et environnemental,
Monsieur le maire de Paris,
Les ministres du gouvernement,
Mesdames et messieurs les parlementaires de lAssemblée nationale, du Sénat, également du Parlement européen, Mesdames, messieurs.
Cest dans un contexte très particulier que je madresse à vous pour ces vux traditionnels que le président de la République adresse aux représentants de nos Assemblées. Moment exceptionnel puisque à linstant où je parle, une prise dotages a lieu en Algérie sur un site pétrolier avec un nombre de personnes retenues dont nous ne pouvons pas encore connaître le nombre exact avec exactitude, de même que nous ne savons pas si des ressortissants français sont concernés. Je suis en liaison permanente avec les autorités algériennes qui font et feront leur devoir. Nous sommes également en lien avec les chefs dEtat et de gouvernement des pays concernés.
Tout cela nest pas sans lien, chacun laura compris, avec laction que nous menons, - la France mais également les pays africains et tous ceux qui participent à ce que lon appelle la MISMA - afin de permettre au Mali de retrouver le plus tôt possible son intégrité territoriale. La France a fait ce choix dintervenir rapidement. Elle la fait en fonction de ses obligations internationales, celles qui avaient été prévues par des résolutions du Conseil de Sécurité. Sa présence dans la région justifie quelle ait été la première.
La France nest donc pas seule. Elle nest pas seule puisquelle a le concours des Africains qui seront les seuls à déterminer lampleur de lopération £ elle nest pas seule puisquelle a le concours des Européens sur le plan matériel et humanitaire. Enfin, elle a reçu du Conseil de Sécurité le plein appui et la pleine approbation pour laction engagée. Si nous menons cette opération, ce nest pas pour poursuivre je ne sais quel intérêt £ nous nen avons aucun dans cette région. Ce nest pas pour marquer une influence. Si nous sommes présents dans cette opération en première ligne, cest parce que nous luttons contre le terrorisme, que nous répondons à la demande dun pays ami, le Mali, et que nous préparons la constitution dune force, la MISMA, qui doit, elle, réussir à rendre au Mali lintégrité de son territoire et la démocratie.
Je veux dans ce moment aussi exprimer lhommage de toute la Nation, celle que vous représentez, à nos soldats et à celui qui a donné le sacrifice de sa vie, le premier, puisque ça a été au tout début de lopération, Damien BOITEUX, qui dans son hélicoptère a été le symbole de la France venant en secours à un pays ami. Jassocie à cet hommage les deux agents de la DGSE tués en Somalie pour mettre un terme à une prise dotages concernant un de nos ressortissants, lui-même agent de la DGSE, Denis ALLEX qui était retenu dans des conditions effroyables depuis trois ans et demi. Cette opération, je la revendique entièrement. Elle avait été préparée depuis de longues semaines et elle démontre que la France nentend pas céder à quelque pression que ce soit de la part des terroristes.
Dans ces moments, dans ces circonstances, dans cette situation, cest vrai que lunité de la Nation est une force supplémentaire mais elle a une condition, cest que le Parlement soit associé autant quil est possible aux décisions que je prends ou que je pourrai prendre. Cest pourquoi dès lundi soir, le Premier ministre et le ministre de la Défense ont informé les présidents des groupes parlementaires des commissions concernées du Sénat et de lAssemblée nationale. Un débat a eu lieu aujourdhui même dans nos deux Assemblées. Larticle 35 de la Constitution fixe, en effet, un délai de trois jours pour informer le Parlement. Il a été scrupuleusement respecté. Jajoute quun vote du Parlement interviendra si lopération devait se prolonger au-delà de quatre mois. Cest la lettre de notre Constitution. Mais dici là, jai demandé au ministre de la Défense, au ministre des Affaires étrangères de se rendre autant que nécessaire devant les Commissions compétentes des deux Assemblées pour fournir toutes les informations utiles et il ny a rien à cacher sauf le détail et la nature des opérations militaires. Et là-dessus, je lai dit, la France na pas vocation à intervenir au-delà du temps nécessaire. Ce sont les Africains et aussi dautres Nations constituant la force, la MISMA, qui auront le rôle décisif.
Mesdames, messieurs, la gravité de la situation internationale, je pense donc à ce qui se passe en ce moment même en Algérie et ce qui va durer au Mali, ne peut pas ralentir ou freiner le programme de travail du gouvernement et donc pas davantage lordre du jour du Parlement. Je sais que depuis six mois, députés et sénateurs sont soumis à un rythme intense. Jai entendu dailleurs les observations des deux présidents sur le recours excessif à la procédure durgence. Ce nest pas nouveau mais ce nest pas une raison pour récidiver. Jai donc demandé au Premier ministre de veiller à ce que soit défini pour les prochains mois le bon équilibre entre la volonté qui est la mienne de mettre en uvre rapidement les engagements que jai pris devant les Français et en même temps, la nécessité de permettre une délibération sereine du Parlement par rapport à des textes qui doivent être présentés, certes par le gouvernement mais modifiés, amendés, améliorés, enrichis par le Parlement.
Le calendrier est chargé, je le sais, et des projets de loi importants vont marquer la session qui souvre. Je pense notamment à ces textes qui vont concerner lemploi : le contrat de génération qui, je le rappelle, a fait lobjet dun avis unanime des partenaires sociaux, salariés comme employeurs, ce contrat de génération qui vise à réduire le chômage des jeunes comme celui des seniors en permettant un tutorat, un accompagnement des premiers par les seconds. Toutes les entreprises sont concernées et toutes seront incitées financièrement à favoriser cette transmission dexpérience entre les générations.
Le second texte dont le Parlement sera saisi, cest la transcription législative de laccord majoritaire sur la sécurisation de lemploi qui est intervenu le 11 janvier. Ce texte vise à lever ce que jai appelé la double peur, celle des travailleurs dêtre licenciés et ce nest pas une peur illégitime surtout dans le contexte daujourdhui, et celle des employeurs dembaucher. Il prévoit des droits nouveaux, ce qui est exceptionnel dailleurs dans une période de difficultés économiques £ je pense à laccès universel à une complémentaire santé et aussi à la mise en place de droits rechargeables pour lassurance chômage. Et également, il donne la possibilité aux entreprises de sadapter aux problèmes conjoncturels quelles peuvent rencontrer et donc ce texte, sil est transposé par voie législative, permettra le plus vite possible de préserver lemploi dès lors que nous sommes encore pour quelques mois dans une phase de croissance ralentie. Vous aurez donc, parlementaires, à vous prononcer sur ces évolutions importantes de notre droit social.
Dans un court délai, sera également examinée la réforme bancaire. Elle préfigure les règles que lEurope est en train dintroduire dans le cadre de ce que lon appelle lUnion bancaire : supervision bancaire, résolution des difficultés que les banques peuvent connaître, séparation des activités de dépôt et de crédit des activités dites spéculatives. Ce texte, là encore, sera protecteur pour les épargnants et bénéfique pour les entreprises. Il peut être amélioré, il y a matière, et il doit être un outil pour lemploi.
Enfin, sera prochainement discuté dabord à lAssemblée nationale puis au Sénat le projet de loi ouvrant le mariage à tous les couples. Cest un engagement que jai pris devant les Français. Il était, je crois, le 31ème. Cela ne veut pas dire quil ait moins de valeur que les trente premiers mais il doit être, comme les autres, respecté. Je tiendrai donc cet engagement. Ce texte a été préparé depuis plusieurs mois par la Garde des Sceaux après une large concertation. Le conseil des ministres la adopté le 7 novembre. Je connais les sensibilités sur ce sujet, elles sont diverses et dailleurs une manifestation que jai qualifiée de consistante sest déroulée dimanche. Je la respecte mais cest maintenant au Parlement dintervenir et cest dans ce cadre que la loi sera votée. Le travail en commissions a commencé £ du temps a été réservé aux débats et je considère que sur les sujets de société, la délibération législative est une garantie et quen outre, le champ de larticle 11 de la Constitution est strictement limité et écarte les sujets dits de société.
Le Parlement sera ensuite saisi avant lété de plusieurs textes significatifs : la refondation de lécole, la réforme de lenseignement supérieur, le droit des consommateurs, la réforme de la politique du logement et un nouvel acte de décentralisation et je sais que là encore, le débat notamment au Sénat permettra déclairer les Français.
Je pense quil faut sur ces domaines là faire preuve daudace et en même temps de savoir que tout nest pas à réinventer, quil y a aussi à prendre dans ce qui existe et den faire le meilleur mais de changer ce qui doit lêtre.
Jentends aussi proposer au Parlement de poursuivre la rénovation de notre démocratie. Après la remise du rapport de la Commission JOSPIN, jai engagé une concertation, jai reçu les présidents des Assemblées, sollicité lavis de lensemble des forces politiques il y en a beaucoup et reçu tous les candidats à la dernière élection présidentielle mais le moment de la décision politique est venu. Jai donc demandé au Premier ministre de préparer un projet de loi pour en terminer avec le cumul entre un mandat national et un mandat exécutif local. Cette réforme entrera, si le Parlement en décide, en vigueur pendant le quinquennat. Cette règle concernera lensemble des parlementaires £ elle sappliquera quelle que soit la taille de la collectivité locale concernée. Cette évolution est attendue depuis longtemps. Là encore, elle fait partie des engagements que jai pris devant les Français. Elle permettra une plus grande disponibilité des parlementaires pour remplir leurs missions, cest-à-dire faire la loi, contrôler le gouvernement et évaluer les politiques publiques. Elle nempêchera pas lexercice dun mandat local qui permettra de garder, pour les parlementaires qui le souhaiteront, un lien avec le territoire et elle favorisera le renouvellement, éventuellement le rajeunissement, sûrement la féminisation de la vie politique. Cette réforme néanmoins est inséparable de la définition dun statut de lélu proposée dailleurs par le président du Sénat et de la modernisation de lorganisation des Assemblées souhaitée par Claude BARTOLONE.
La deuxième décision que jai prise est de réviser notre Constitution dans le sens dune plus grande indépendance de la justice et dun approfondissement de notre démocratie. Cest pourquoi là encore, Jean-Marc AYRAULT ouvrira dans les semaines qui viennent des consultations des groupes politiques sur un avant-projet de loi constitutionnelle. Il portera sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, sur la suppression de la Cour de la justice de la République, sur la fin de la présence des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel pour lavenir, sur ladaptation du statut du chef de lÉtat et sur lintroduction de la démocratie sociale de notre loi fondamentale.
Cette concertation permettra parce que ce nest nécessaire de rechercher sur chacun de ces points la majorité requise pour mener à bien cette révision, cest-à-dire la majorité des trois cinquièmes. Et dès lors que ce résultat pourra être envisagé, ce texte sera soumis au vote du Parlement réuni en Congrès dici lété.
Jai évoqué la démocratie sociale. Je voudrais donc saluer le Conseil économique social et environnemental qui aura été au cur des concertations que le gouvernement a lancées sur de nombreux sujets. Je my suis moi-même rendu : conférence sociale (cétait au mois de juillet), transition énergétique (cétait au mois de septembre), Assises sur la pauvreté. Bref, le CESE, comme lon dit, a été le cadre dans lequel nous avons voulu engager le dialogue avec la société. Jai dailleurs modifié son règlement intérieur je ne sais sil aura quelque effet mais je veux le souhaiter parce que vous avez un rôle tout particulier dans notre République. Le Parlement répond souvent à lurgence £ vous, vous êtes sur le temps long. Ce quun parlementaire comme un président de la République ne peut pas forcément espérer. Vous contribuez donc à la représentation des forces vives de la Nation et je suis attentif aux conclusions de vos rapports.
Ce dialogue que jappelle de mes vux aujourdhui, cest la circonstance , nous devons le conduire aussi avec les collectivités locales. La première dentre elles est représentée ici. Monsieur le maire de Paris, Mesdames et Messieurs les conseillers de Paris, votre présence aux côtés des élus de la Nation est un symbole car cest le symbole que la ville-capitale est la ville de la France. Elle reflète son histoire mais aussi son destin. Je rends hommage aux progrès réalisés à Paris depuis bientôt douze ans sous limpulsion de Bertrand DELANOË. Paris a regagné des habitants -cent vingt mille, léquivalent dune grande ville de France-, réalisé une nouvelle unité entre les quartiers de lest et les quartiers de louest et fait un effort exceptionnel en matière de logement social, même si ça ne permet pas de répondre à toutes les demandes parce que le sujet nest pas seulement celui de Paris.
Cest pourquoi une nouvelle étape devra être franchie. Paris doit devenir plus grand que Paris et nous devons donner à lagglomération parisienne les moyens dagir à la bonne échelle. Cest un enjeu national. Loutil peut être PARIS MÉTROPOLE qui rassemble déjà deux cents collectivités. LÉtat fait confiance aux élus locaux pour définir le bon périmètre et le juste contenu mais je souhaite que des avancées significatives soient réalisées en 2013 pour éventuellement trouver leur traduction dans la réforme territoriale. Une métropole parisienne plus forte en France, cest aussi une France plus forte en Europe.
LEurope, certains dentre vous la construisent jour après jour. Je pense aux députés au Parlement européen. Ces huit derniers mois, nous avons consacré les uns et les autres nos efforts pour stabiliser la zone euro cest fait et pour réorienter lEurope cest en train dêtre engagé avec le pacte de croissance, la taxe sur les transactions financières, lunion bancaire. Mais il nous reste à adopter le cadre financier, budgétaire donc de lEurope pour la période 2014-2020. Ce nest pas lexercice le plus facile et les intérêts nationaux ont vite fait de reprendre le dessus.
Mais nous, la France, si nous devons défendre nos intérêts particuliers nous en avons , nous avons une mission plus élevée que dautres parce que nous sommes un pays fondateur de lEurope. Donc nous devons veiller à donner une vision, un projet à lEurope, y compris à travers son budget, les infrastructures, lénergie mais également la politique agricole commune qui nest pas une prétention française mais qui est aussi le moyen dassurer lavenir dun secteur dynamique qui est celui de lagriculture et des industries agroalimentaires avec la sécurité alimentaire et ce rôle que nous avons de nourrir une partie de planète tout en favorisant aussi le développement des agricultures au-delà de lEurope.
Nous avons aussi à avoir une pensée, plus quune pensée, une solidarité à légard des pays dits de la cohésion qui ont fait le choix de nous rejoindre et que nous devons accompagner. Et dailleurs, leurs investissements sont un facteur de croissance pour nos propres économies. Mais le Parlement européen aura à être renouvelé en 2014 et là aussi, je souhaite que ce soit loccasion dun grand débat, pas simplement national il aura lieu mais un grand débat pour lavenir de lEurope et de savoir quelle dimension politique nous devons accorder à cette Union.
Jai plaidé pour que nous puissions avoir une Europe qui soit à plusieurs vitesses, qui noublie aucun pays, qui nécarte aucune bonne volonté, mais qui puisse, par des coopérations renforcées, faire en sorte que nous puissions donner un chemin plus rapide pour certains pays que pour dautres pour atteindre nos objectifs.
Mesdames et Messieurs, chacun dentre nous, à la place qui est la sienne, la mienne, celle des membres du gouvernement, la vôtre, à Strasbourg, capitale de lEurope je le rappelle pour ceux qui seraient tentés de loublier , à Paris dans nos Assemblées, chacun est responsable de lintérêt général et dépositaire dune part de lavenir de la France. Nous représentons tous la Nation et donc nous avons un devoir qui va bien au-delà de la mission qui nous a été confiée, du mandat que nous avons reçu de nos électeurs. Nous devons restaurer la confiance entre le peuple et ses représentants. Cest la condition pour lui demander un effort. Cest la condition pour le redressement. Cest la condition aussi pour préparer notre propre avenir. Personne ne peut imaginer que, quel que soit le talent des uns et des autres, réussir seul. Nous avons besoin du concours de tous.
Mais nous avons parallèlement le devoir de faire avancer la démocratie. Nous ne devons rien craindre des réformes. Le pire, cest le statu quo. Le pire, cest la bonne raison de ne pas avancer. Mais là encore, nous devons le faire dans lapaisement, celui auquel je suis attaché, non pas parce que je craindrais la confrontation ou la division elle existe dans une démocratie , mais parce que cest ce qui nous permet de dépasser nos différences. Je suis pour le respect des sensibilités. Ça ne veut pas dire la dispersion, lincapacité à choisir, ça veut dire quà un moment, ce sont les élus du peuple qui doivent avoir le dernier mot.
Enfin je suis pour le rassemblement sur lessentiel, ce qui fait que nous sommes dans la même Nation, que nous portons les mêmes valeurs et que nous avons un projet qui dépasse nos appartenances. Voilà pourquoi jétais heureux ce soir dadresser mes vux à lensemble des représentants de la Nation que vous êtes.Merci.