17 décembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le pacte de compétitivité et de croissance et les PME, à Château-Renault (Indre-et-Loire) le 17 décembre 2012.


Merci dabord pour votre accueil, cher Yvon GATTAZ,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Messieurs les présidents,
Je suis venu en compagnie de deux ministres : la ministre « régionale de létape » mais également intéressée par les questions dont nous parlons car quel serait lavenir de la Sécurité sociale sil ny a pas demplois ? £ et le ministre du Redressement productif, pleinement concerné par le sujet.
Je suis venu à votre invitation parce que, recevant moi-même Yvon GATTAZ à lElysée, jai été saisi, je ne dis pas à la gorge, mais au moins par le veston, car il a une capacité de persuasion et de conviction. Il est remonté loin pour justifier lopportunité de ma venue, il ma rappelé ce quétaient ses rapports avec le Président François MITTERRAND, rapports faits à la fois de tumultes lépoque était propice et en même temps de confiance. Vous avez su, à cette période importante pour notre pays, trouver des compromis. Nous devons à chaque fois au-delà de nos sensibilités, de nos intérêts différents trouver la voie qui permet à la France de poursuivre son destin.
Votre invitation me fournit loccasion de saluer une grande entreprise la vôtre , une grande réussite celle dune famille, la famille GATTAZ qui depuis 60 ans permet de contribuer au dynamisme de léconomie française £ celle dune entreprise qui produit, exporte, innove, crée des emplois 2 500 salariés de Radiall qui participent tous à cette aventure collective dans des secteurs dactivité qui correspondent le plus à notre avenir : laéronautique, les télécommunications, le spatial, lautomobile. Vous participez donc à votre manière, chacun et chacune à votre place au redressement de notre pays.
Cette visite me permet aussi à travers vous, de saluer les PME et les ETI dont la famille GATTAZ sest faite porte-parole avec un argument majeur : nous avons 4 000 ETI en France quand nos voisins allemands en ont le double. Ceci explique aussi que nos concurrents et amis allemands aient aussi une industrie supérieure au double de la nôtre, avec un excédent commercial quand nous avons un déficit.
Lobjectif du Gouvernement est donc daugmenter le nombre des ETI, de faire grossir les PME. Vous avez rappelé lhistoire de ce lieu même qui était une PME et qui, par vous, est devenue une ETI. La France ne retrouvera sa place dans la mondialisation que si elle capable de sappuyer sur ce réseau dentreprises. Cest le sens du pacte de compétitivité et de croissance que le Gouvernement a présenté et que le Parlement va adopter dans les jours qui viennent.
Ce pacte permet de répondre aux quatre grandes questions que vous avez posées et qui étaient contenues dans les recommandations du rapport Gallois. « Gallois » : le nom maintenant est reconnu de tous. Je recevais, il y a quelques jours, la Présidente du Brésil qui ma dit : « quest-ce donc le rapport Gallois, nous voulons aussi avoir notre rapport Gallois ! ». Nous avons donc déjà au moins exporté le rapport Gallois, ce qui nest déjà pas mal ! Mais cétait aussi pour dire combien ces exigences de compétitivité sont maintenant partagées par des pays de tailles différentes et qui veulent assoir leur capacité de produire.
Vous avez donc évoqué, Monsieur Pierre GATTAZ, dabord la nécessité dun cap industriel pour notre pays autour de filières dexcellence. Quest-ce que nous sommes capables de produire, nous, en France ? Ce constat je lai fait dès mon élection. Notre industrie na cessé de reculer depuis ces dernières années en tombant à 12% seulement de la production nationale contre 24% en Allemagne.
Ma volonté est donc que la France comme elle a su le faire dans le passé pour le nucléaire, les transports ferroviaires, laéronautique soit capable maintenant pour les 30 ans qui viennent de définir les secteurs dexcellence, là où lon va être les meilleurs et que lon sache y mettre tous les moyens nécessaires.
Jai identifié trois domaines où nous pouvons, à condition de mobiliser tous les moyens, être les premiers de la classe. La transition énergétique, cest-à-dire, tout ce qui va nous permettre dadapter nos bâtiments, de changer nos modes de transport, nos réseaux dénergie mais également de traiter nos déchets. Là, nous pouvons prendre de lavance.
Deuxième domaine : la santé et léconomie du vivant au sens le plus large, cest-à-dire le secteur du médicament que nous connaissons bien, les biotechnologies mais aussi la nutrition, lagroalimentaire Sur ces sujets, les attentes et les habitudes des consommateurs changent et nous devons nous y adapter en permanence.
Le troisième domaine qui correspond à ce que vous faîtes, cest la technologie générique, cest à dire les numériques, le secteur électronique, les télécoms, la « connecting », tout ce qui permet de relier les instruments les uns aux autres et daller plus vite.
Cest pourquoi, je veux résumer mon point de vue : il ny a pas dindustries dépassées, il y a des technologies qui sont passées. Nous devons donc, à chaque étape, à chaque génération, inventer de nouvelles technologies pour garder et augmenter notre potentiel industriel.
Ces filières dexcellence telles que je les ai définies seront appuyées par la Banque publique dinvestissement dont je vous annonce aujourdhui le nom : BPI France. Cest simple : Banque publique dinvestissement pour la France. Ce nouvel établissement ne devra pas simplement aider les entreprises dans leurs projets en même temps que le secteur bancaire. Ce nouvel établissement devra contribuer à appliquer la stratégie industrielle nationale. Non pas du haut, parce que je sais quici vous vous méfiez du « colbertisme » - même si COLBERT était un grand ministre - mais cest, je crois, du bas que nous devons porter les stratégies industrielles.
Quest-ce que nous sommes capables de faire ? Ce sont les entreprises qui vont nous le dire et nous, nous devons les appuyer avec les partenaires sociaux, avec les collectivités locales, et notamment la région, c'est-à-dire tous ceux qui concourent au développement du pays.
BPI France la banque publique dinvestissement - pourra ainsi financer, garantir, investir en fonds propres pour linnovation, pour lexportation, pour lembauche, avec une capacité d'intervention de plus de 40 milliards d'euros.
Voilà ce que nous avons à faire, non pas distribuer de largent, mais savoir exactement le cap que nous suivons.
De la même façon, ce quon appelle les pôles de compétitivité tout ce qui permet justement dinventer les produits, de mobiliser les entreprises - seront évalués, concentrés, renforcés et les investissements davenir ceux qui avaient été mobilisés au cours du grand emprunt - seront très rapidement mis en place, beaucoup plus promptement quaujourdhui.
La deuxième préoccupation que vous avez évoqué, cest ladaptation des entreprises à la mondialisation. Nous sommes dans une concurrence mondiale, vous-même vous nous rappeliez que vous étiez installés sur dautres zones que lEurope parce que vous devez aller au plus près de vos clients. Et à linverse, nous sommes concurrencés nous aussi par des productions qui viennent de lextérieur, même si nous défendons la production nationale. Nous devons nous mettre en situation dêtre compétitifs mais pas pour baisser les salaires, pas pour diminuer notre protection sociale. Dans quel pays serait-on ? Nous ne serions plus la France. Nous devons dabord faire en sorte que nous modernisions notre marché du travail. Cest lenjeu de la négociation qui est ouverte depuis déjà plusieurs semaines et qui nest pas achevée.
Jai dit quelle pouvait être historique, parce que si nous arrivons à lever les doubles peurs - celles dont vous avez parlé : la peur du salarié dêtre licencié en cas de difficultés économiques £ la peur de lentrepreneur ou de lemployeur lorsquil embauche du personnel et quil ne sait pas de quoi demain sera fait. Si nous arrivons donc à donner plus de souplesse et plus de protection, plus de mobilité et en même temps plus de sécurité, alors la France pourra emmener ses salariés et ses entrepreneurs dans une perspective stable et solide. Je veux saluer les partenaires sociaux et je leur fais confiance. Je sais que cest difficile de trouver léquilibre et le compromis, mais sils y arrivent, ce sera effectivement historique.
Et puis, il y a les réglementations - vous ne me lavez pas dit mais vous lavez pensé tellement fort que je vous ai entendu -. Les chefs dentreprises pensent quil y en a trop £ les salariés pensent quelquefois quil ny en a pas assez sur le plan du droit du travail ou de la protection sanitaire £ les consommateurs veulent plus de sécurité pour lenvironnement. Lidée même de règlementation nest donc pas en cause.
En revanche, il y a un abus de règlementation, une superposition, une accumulation, une illisibilité, ce qui fait que même pour défendre ses droits, on ne sait plus exactement ce que lon peut faire. Je propose donc cétait dailleurs contenu dans le rapport Gallois que toute nouvelle disposition législative ou règlementaire, toute nouvelle politique lancée par lEtat sera désormais accompagnée dune évaluation sur limpact en matière de compétitivité et notamment pour les entreprises. Lorsque limpact sera négatif, lEtat devra compenser leffet de cette législation.
De la même manière, je veux parler des services publics qui doivent eux-aussi être modernisés, utiliser davantage de moyens technologiques, faire jouer la concurrence et surtout aller vite, parce que lentreprise elle est obligée daller vite. Tout à lheure, Yvan GATTAZ disait cela sest fait en un jour fallait-il encore avoir les fonds £ il les avait mais cela se joue en un jour ! Et ladministration ne peut pas demander des semaines. Si nous étions capables de réaliser plus vite des projets, ce serait autant de plus pour la croissance et pour lemploi. Voilà, nous allons nous permettre ensemble entreprises et administrations dêtre plus souples, plus sûrs et plus rapides.
Vous mavez posé une question sur la compétitivité et notamment les coûts : coût du travail, mais aussi coût du capital laccès au crédit coût de lénergie nous devons réussir cette transition énergétique si nous voulons assurer des prix les plus bas possibles pour lapprovisionnement des entreprises le coût des services, doù les politiques de concurrence.
Puisque vous parlez de coût du travail, parlons-en ! Ce ne sont pas les salaires qui sont en cause et on le sait bien, Marisol TOURAINE pourrait y revenir cest le financement de la protection sociale, puisquil est entièrement basé sur lemploi.
Alors plutôt que de faire de grands changements qui auraient pris beaucoup de temps, jai décidé de mettre en place le crédit-impôts-compétitivité-emploi. Cest un mécanisme très simple qui fait que désormais une partie de la masse salariale sera remboursée par lEtat pour limpôt sur les sociétés. Pour lannée 2013, il y aura donc moins dimpôts sur les sociétés dès lors que les entreprises garderont leurs effectifs, voir même embaucheront. Le lien est donc direct entre emploi et baisse de limpôt sur les sociétés. Cela se fera automatiquement, sans quil soit besoin de changer les feuilles de paye ou toute autre difficulté administrative souvent rédhibitoire. Cela se fera pour lemploi, pour lembauche. Ce sera un mécanisme puissant - 20 milliards deuros en deux ans -. Et cela viendra mécaniquement en déduction dès 2013, donc rapidement. Efficace, puissant, rapide et simple. Souvent quand je visite des entreprises et ici cest encore le cas on me dit « gardez le crédit impôts-recherche parce que cest simple ». Et bien nous avons créé un crédit impôt-emploi-croissance sur le même mode que le crédit impôt-recherche. A propos de ce dernier, nous avons décidé de lélargir aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire pour que linnovation soit également encouragée.
En matière de compétitivité il ny a pas que linnovation économique, les seuls aspects de coût du travail, du capital, de lénergie. Il y a aussi limagination humaine et si je suis venu ici dans cette entreprise, cest parce que vous avez été capables dassocier la participation des salariés à la performance de lentreprise - avec votre vocabulaire très particulier et je ne sais pas sil est parlé comme cela à Chateau-Renault - : « ligne manu-facturing », ce qui est tout simplement en français le fait dassocier les salariés à la décision et lorsquils ont une idée, de pouvoir la livrer à travers des affichages et cela permet daméliorer la performance. Jespère quils en sont récompensés sur le plan financier - mais ils men parleront - parce que cest aussi la participation aux décisions et aux résultats. Je suis favorable à la participation parce que je considère que cest bien pour emmener une collectivité du travail, sans que cela pèse bien sûr sur les salaires.
Le dernier sujet : « la sérénité fiscale ». Vous avez choisi votre jour pour en parler ! Mais le mot sérénité convient bien, parce que ce nest pas pour mettre en cause léquité fiscale que vous êtes vous-même mobilisé. Ici nous sommes pour la justice fiscale : il est normal que celles et ceux qui ont le plus payent davantage. Mais ce que vous vouliez dire par sérénité fiscale, cétait la stabilité fiscale.
Alors un mot dabord cest vrai pour ceux à qui il est demandé beaucoup dans cette période de difficultés économiques et de redressement où nous devons réduire le déficit, désendetter le pays £ et bien plutôt que de blâmer tel ou tel, je veux saluer le mérite de ceux qui ont certes beaucoup, mais qui acceptent de payer leurs impôts en France, de produire en France, de faire travailler en France et de servir leur pays. Cest ceux-là auxquels il faut sadresser, en leur disant merci pour cette conception patriotique, parce que nous avons besoin de tout le monde dans cette période : des salariés, des actionnaires, des dirigeants, de tous ceux qui ont envie que leur pays soit fort et soit juste.
Mais puisque vous me parlez de stabilité fiscale, je suis venu prendre des engagements ici à Chateau-Renault.
Dabord pour dire que le niveau des prélèvements doit être maitrisé et quà lavenir pour réduire le déficit il faudra continuer jusquen 2017 il sera demandé des économies aux administrations et pas dimpôts nouveaux pour les français. Il y aura donc cet effort à engager pour mieux dépenser et parfois moins et pour que nous puissions limiter le niveau des prélèvements et notamment ceux des ménages sans que cela puisse peser sur les entreprises.
La deuxième annonce que je voulais faire cest celle de la stabilité de cinq prélèvements, auxquels vous êtes très attaché. Cest-à-dire tous les prélèvements qui concernent les PME et les Entreprises de Taille Intermédiaire : le crédit dimpôts-recherche qui sera pérennisé tout le quinquennat, la contribution économique territoriale cest le nouveau mot pour dire taxe professionnelle 65 modifications en 35 ans, eh bien pendant les cinq prochaines années, il ny en aura plus une. Je ne me pose pas la question de savoir si cet impôt est bon ou mauvais £ il est là, il concerne les entreprises et elles doivent maintenant savoir quelle est la donne qui leur est faite.
Le troisième impôt qui ne changera pas, ce sont tous les dispositifs en faveur de linvestissement dans les PME, aussi bien pour limpôt sur la fortune que pour limpôt sur le revenu, le régime des pactes dactionnaires favorisant la détention et la transmission, ce que lon appelle la Loi Dutreil et ce point-là est très cher au Président Gattaz. Cela fait à peu près 20 ans que je le connais et cela fait 20 ans quil me dit quil ne faut pas y toucher. Eh bien nous ny toucherons pas parce que cest un élément très important pour la transmission dentreprises. Et enfin, nous maintiendrons les incitations aux jeunes entreprises innovantes.
Voilà ce que jétais venu vous dire aujourdhui.
La reconquête de la compétitivité et de la croissance exige deux grandes qualités pour notre pays.
Dabord la persévérance, parce que les résultats prendront du temps. Je préfère le dire avant quon ait retrouvé le chemin de lemploi et de linvestissement, que les décisions fassent connaitre tous leurs effets, il faut du temps. Toute lannée 2013 devra être consacrée à cela et aucun temps ne sera perdu, pas davantage en 2013 que nous nen avons perdu en 2012. Pendant 6 mois nous avons fait des réformes importantes, nous continuerons en 2013.
La deuxième qualité qui est la nôtre et qui est indispensable, cest le rassemblement, parce que nous avons besoin de tous pour que les efforts soient partagés, pour que chacun soit à sa place, les entrepreneurs, les salariés, les consommateurs, les pouvoirs publics et comprenne le sens de ce que nous voulons faire.
Je veux être confiant pour lavenir, jai deux convictions fortes:
La première, cest que nous sommes en train de sortir de la crise, dabord celle de la zone euro qui nous a, pendant des années, handicapés, alourdis, où on se posait la question de savoir si tel ou tel pays allait sortir de la zone euro. Aujourdhui, les taux dintérêt en France sont les plus bas de notre histoire. Nous avons chassé tous les éléments de spéculation et les capitaux reviennent pour placer leurs fonds ici en France.
Deuxième conviction, la France dispose de nombreux atouts et je viens den avoir encore la preuve, de capacités dinvention, de mobilisation des salariés, de savoir-faire, dinnovation.
Pour cela, nous avons besoin dentreprises, de PME, dentreprises de taille intermédiaire -comme Radiall - mais nous devons aussi les faire travailler ensemble ces entreprises, avec les grandes pour lexportation, avec les banques pour les fonds propres, avec les donneurs dordres pour que les sous-traitants ne soient des variables dajustement et pour que nous puissions aussi faciliter la création dentreprises.
Cest la raison pour laquelle le gouvernement, avec le ministre du Redressement productif, organisera des Assises de lentrepreneuriat au premier trimestre 2013, avec la volonté de faire découvrir les métiers industriels aux jeunes, de diffuser les technologies, délever le niveau des qualifications et de promouvoir lentreprise.
Merci pour cette belle illustration parce que vous êtes un symbole ici, symbole des entreprises de taille intermédiaire, symbole des technologies davenir, symbole de la participation des salariés, symbole aussi de lentreprise familiale parce que nous avons besoin dentrepreneurs qui restent en famille, c'est-à-dire qui permettent de génération en génération nous en avons là lillustration quil y ait une suite. Quand on voit le nombre de fonds dinvestissement qui viennent prendre des entreprises parce quon na pas réussi la transmission, cest une perte, cest une perte de savoir-faire, cest une perte de localisation, parce quà un moment lentreprise est transférée.
Je voulais vous dire merci, merci pour ce que vous avez fait, de génération en génération, et merci pour ce que vous allez faire, ou plus exactement, ce que nous allons faire ensemble.
Sil y a un beau symbole, cest de dire que nous devons rester connectés.