4 septembre 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse conjoint de MM. François Hollande, Président de la République, et Mario Monti, Président du Conseil des ministres de la République italienne, sur la situation de la Zone euro et sur les relations franco-italiennes, à Rome le 4 septembre 2012.

M. Mario MONTI -- Il s'est agi d'une rencontre intéressante, fructueuse, tout à fait positive. Nous avons été accompagnés de nos ministres des affaires étrangères, de l'économie, des finances et des affaires européennes. Nous avons également pu faire des constatations. Nous avons vérifié et constaté encore une fois l'affinité de nos points de vue en ce qui concerne les relations bilatérales, en ce qui concerne le climat qui devrait être rétabli en vue de relancer l'économie européenne dans la stabilité de l'euro-zone et en ce qui concerne un certain nombre d'aspects particulièrement délicats au niveau international.
En ce qui concerne les relations bilatérales, nous sommes satisfaits du fait qu'un certain nombre de dossiers bilatéraux complexes ont été résolus et ceci grâce à la bonne volonté de nos deux pays. Le prochain sommet bilatéral intergouvernemental a été fixé. Il va se tenir en France cette année et Monsieur le Président HOLLANDE va vous le confirmer.
Je suis heureux personnellement d'apprendre que ce sommet aura à lieu à Lyon et de cette manière, je crois que nous allons donner encore davantage de signes concrets quant au fait que nos deux pays ont l'intention de concrétiser le train à grande vitesse Turin-Lyon.
Nous avons parlé en profondeur de la situation économique de la zone Euro et je puis dire que dès l'élection du Président François HOLLANDE et donc à partir de notre première rencontre déjà nous avons constaté l'affinité, l'identité de nos points de vue. Nous avons agi de manière coordonnée et nous avons constaté que nous avons les mêmes objectifs pour ce qui est de pousser l'Union européenne sur la voie d'une croissance plus importante sans inflation et qui ne se base pas sur le déséquilibre des finances publiques. Nous avons développé aussi une synergie entre nous. Quant aux suggestions de stabilité par rapport à la zone euro, comme tout le monde, nous assistons actuellement à ce qui est en cours au niveau opérationnel dans les différents Etats de l'Union européenne, la Banque Centrale Européenne dans sa pleine indépendance par exemple, les gouvernements nationaux avec leurs politiques.
Enfin, l'activité est très intense et ceci en vue d'appliquer les délibérations du Conseil européen du 28 et 29 juin. Voilà donc que chacun d'entre nous est aujourd'hui engagé sur cette voie, sur la voie de la politique économique et financière chacun dans notre pays. La tâche n'est pas facile actuellement mais nous sommes aujourd'hui plus confiants au fur et à mesure que nous voyons que la zone Euro partage ce dessin auquel le Président François HOLLANDE et moi, nous tenons beaucoup. Nous en avons plusieurs fois discuté avec Madame MERKEL, avec le Président RAJOY, avec bien sûr la hiérarchie des institutions communautaires : le Président VAN ROMPUY pour le Conseil, le Président BARROSO pour la Commission. C'est avec une attention toute particulière que nous nous sommes concentrés également sur ce qui se passe ces jours-ci et ce qui est aujourd'hui mis au point concernant la stabilisation des marchés, des titres souverains, des obligations souveraines de la zone Euro et nous avons contribué ensemble et nous en sommes heureux car cela à été à mon avis un pas important au plan intellectuel et politique, à savoir la constatation du fait que faire ses devoirs c'est nécessaire mais ce n'est pas suffisant. Il faut également qu'au fur et à mesure qu'un pays accompli des avancées dans sa politique économique, que l'on ait des axes directeurs établis au niveau européen. Il faut en même temps qu'il y ait une reconnaissance de la part de l'Union européenne. Il faut tenir compte de la manière avec laquelle les marchés fonctionnent pour être sûr que des entraves et des obstacles ne persistent pas par rapport à des écarts et à des différentiels qui seraient complétement déconnectés de la réalité économique.
Je suis sûr que le Président HOLLANDE et moi-même, nos deux gouvernements ont veillé à ceci dans le cadre des institutions communautaires pour faire en sorte de réaliser complétement ce que nous avons conçu à Bruxelles.
Je termine en disant que parmi les différents thèmes internationaux qui ont été abordés grâce à l'aide de nos ministres des Affaires étrangères, nous avons également évoqué le problème de la Syrie et ceci avec une inquiétude accrue pour l'évolution de la crise syrienne qui fait des centaines de milliers de personnes déplacées et un nombre toujours accru de victimes. Il est nécessaire d'aller au-delà de l'impasse que connaît actuellement le Conseil de Sécurité. Nous continuons de collaborer avec tous nos partenaires en vue de faciliter une phase de véritable transition politique. La nomination de Monsieur BRAHIMI constitue un développement positif et nous sommes d'accord pour soutenir ces efforts à la lumière d'une situation de plus en plus précaire du régime de Monsieur ASSAD affaibli par des absences qui se vérifient de plus en plus et de haut niveau. Nous avons entamé une concertation sur la période post-ASSAD. L'Italie, la semaine dernière à Rome a accueilli une réunion du « Core group » et ceci pour jeter les bases en vue de l'élaboration d'une stratégie commune.
Nous réaffirmons notre exhortation. Il s'agit de renforcer la cohésion de toutes les forces démocratiques en Syrie en vue de la transition et dans ce sens, nous apprécions particulièrement le pacte national et la vision politique commune pour la transition. Il s'agit là de deux dossiers comme vous le savez qui ont été approuvés par la conférence des oppositions au Caire le 2 et 3 juillet sous l'égide de la Ligue Arabe.
C'est par un fort sentiment de gratitude, de sympathie et de véritable amitié que je prie maintenant Monsieur le Président HOLLANDE de prendre la parole.
LE PRESIDENT -- Mesdames, Messieurs, c'est la troisième fois depuis que je suis devenu Président de la République que je me rends ici en Italie et à Rome. C'est le signe de la relation confiante, sérieuse et en même temps forte que nous avons pu établir entre nos deux pays, l'Italie et la France et entre Mario MONTI et moi-même et une nouvelle fois, nous en avons fait la démonstration. Nous nous retrouvons en convergence sur les grandes questions qui touchent à la zone Euro, à la construction de l'Europe, son avenir mais aussi aux principaux enjeux de l'actualité internationale. Nous avons la même préoccupation, celle de la croissance dans la stabilité. Nous avons la même volonté qui est de faire avancer l'Europe sur un chemin que j'appelle celui de l'intégration solidaire mais nous avons aussi des rapports entre nos deux pays qui exigent de nous retrouver et cela sera le cas à Lyon, au début du mois de décembre. Ce sera le 30ème sommet bilatéral franco-italien. Le premier avait eu lieu entre François MITTERRAND et Giovanni SPADOLINI donc nous sommes dans une continuité et en même temps les situations ont changé, les personnalités ne sont plus les mêmes mais l'amitié, elle, a demeuré.
Nous avons aussi évoqué la situation de la zone Euro et nous avons finalement trois étapes : la première étape, nous y sommes, c'est de faire appliquer les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin. Nous y avions travaillé ensemble et nous avons eu une orientation pour régler les questions de la zone Euro aussi bien pour le volet croissance que pour le volet stabilité qui doit être maintenant pleinement appliqué et mis en uvre. C'est la première étape.
La seconde étape que nous avons maintenant à franchir, c'est de parvenir à régler la question de la Grèce, toujours posée depuis des mois et qui après le rapport de la troïka permettra au Conseil européen des 18 et 19 octobre de poursuivre, en tous cas c'est le vu que je forme dès lors que les Grecs ont fait la démonstration de la crédibilité de leur politique, nous puissions poursuivre le plan tel qu'il avait été prévu pour maintenir la Grèce dans la zone Euro.
Nous aurons aussi toujours dans cette seconde étape à régler la question de l'Espagne, dès lors que l'Espagne a fait appel pour la recapitalisation de ces banques et que l'Espagne voudra s'inscrire, si elle le souhaite dans tel ou tel programme. C'est au Conseil européen que nous devons trouver les solutions et nous sommes en passe de les faire apparaître pour la Grèce, l'Espagne et donc passer à la troisième étape qui se situera à la fin de l'année et qui sera l'Union bancaire et l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. Les Européens doivent savoir que nous sommes engagés dans ce processus et que nous sommes en train de régler les questions qui nous étaient posées il y a encore quelques mois : le pacte de croissance, la stabilité, les mécanismes d'interventions qui permettent de soutenir des Etats qui bien gérés peuvent avoir des taux d'intérêt que l'on juge excessifs, trouver des solutions définitives pour la Grèce, répondre à des sollicitations notamment l'Espagne et passer à l'approfondissement et à l'union bancaire indispensable si nous voulons mettre en place une supervision et un soutien.
Voilà le sens de ce que nous faisons et c'est pourquoi, je suis très attaché à ce que ces étapes soient clairement exposées et franchies par les Conseils européens à venir dès lors que les conclusions du Conseil européen du 29 juin seront pleinement appliquées. C'est vrai et j'ai entendu une nouvelle fois ce que disait le Président du Conseil des ministres italien, c'est vrai qu'il y a des taux d'intérêt qui sont trop élevés dans un certain nombre de pays sur la dette souveraine alors même qu'il y a toutes les conditions pour démontrer la qualité des plans qui ont été menés et qui sont en train d'être appliqués dans les pays considérés et notamment en Italie. Donc c'est le rôle de tous ceux qui ont vocation à intervenir sur la zone Euro d'y contribuer et notamment la Banque Centrale Européenne, elle va prendre une nouvelle fois des décisions conformément déjà à ce qu'a dit son Président et je ne veux pas ici davantage commenter.
Nous avons aussi évoqué et j'en remercie le Président MONTI un certain nombre de situations internationales, d'abord la Syrie. Nous savons ce qui s'y produit, des massacres, un régime ou plus exactement un clan qui n'est motivé que par son propre avenir, c'est-à-dire la préservation de ses intérêts alors même qu'il se sait condamné. Nous devons donc favoriser la transition politique. C'est la raison pour laquelle j'ai ardemment souhaité qu'il y ait un gouvernement alternatif qui puisse être constitué.
Dans le même temps, le ministre des Affaires étrangères Laurent FABIUS a, au Conseil de Sécurité des Nations Unies, permis qu'il y ait une prise de conscience de ce qui se passe là-bas et d'une aide humanitaire qui doit être apportée et nous devons là-aussi mobiliser tous les concours.
Enfin, nous devons être attentif à ce que, dès lors qu'il y a des réfugiés, qu'il y a des zones qui peuvent être dégagées, apporter la protection, le soutien nécessaire dès lors que la demande nous est faite.
Enfin, il y a un sujet que nous avons abordé qui est le dialogue entre l'Europe et la Méditerranée, ce que l'on appelle le « 5+5 », formule compliquée qui permet de comprendre que des deux côtés de la Méditerranée nous pouvons nous retrouver, et justement au début du mois d'octobre, nous serons présents Mario MONTI et moi-même à un sommet organisé dans ce cadre pour bien marquer l'attachement que nous portons à ce dialogue entre les deux rives de la Méditerranée. Voilà pourquoi une nouvelle fois je me félicite vraiment de la qualité des rapports que nous avons, des relations qui existent entre nos deux gouvernements ici représentés et aussi bien pour les sujets qui intéressent la France et l'Italie, nous les aborderons lors du sommet de Lyon que pour les questions de la zone Euro, de son approfondissement, de sa consolidation, de son intégrité, nous nous retrouvons sur des positions communes. Heureusement que nous ne sommes pas, nous deux seulement, sur les mêmes positions et que nous sommes effectivement à travers toutes ces rencontres que nous avons multipliées Mario MONTI et moi-même ces dernières semaines avec la Chancelière Angela MERKEL, nous sommes en très grande convergence pour que nous puissions justement régler, lors des conseils européens qui vont arriver, les questions qui sont celles de tous les Européens parce que nous devons, une fois pour toutes, apporter les réponses pour la Zone Euro. Si nous voulons que la croissance revienne, nous avons pris des mesures dans cette direction, si nous voulons donner de la confiance, alors, nous avons besoin qu'il n'y ait pas de doute sur la Zone Euro. Moi, je pense que d'ici le Conseil européen du mois d'octobre, vous savez qu'il y a un certain nombre d'échéances qui vont arriver, le Tribunal de Karlsruhe, savoir ce que va être la demande espagnole, si elle vient, le rapport de la Troïka sur la Grèce, tous ces éléments nous permettront d'agir, après un Eurogroupe, au Conseil européen des 18 et 19 octobre. Voilà les étapes, elles seront pour les Européens autant de responsabilités, mais je crois que nous les avons bien préparées.
M. Mario MONTI - Merci, Monsieur le Président.
QUESTION -- Bonjour Monsieur le Président, je travaille pour le TGA. C'est une question que je vous adresse à tous les deux et le problème que j'aimerais aborder concerne les deux pays, il s'agit du chômage bien que les chiffres soient différents selon les pays. Le président MONTI va rencontrer les partis politiques mais je sais que le président HOLLANDE également a pris des engagements lors de la campagne électorale et le taux de chômage est très préoccupant. Qu'envisagez-vous de faire tous les deux pour inverser la tendance et pour concrétiser des mots que l'on a entendu prononcer à plusieurs reprises qui sont les mots de la croissance.
M. Mario MONTI - En ce qui concerne l'Italie, je n'ai pas fait de promesses au cours de ma campagne électorale par rapport à l'emploi comme vous le savez et toutefois mon gouvernement perçoit bien que le problème de l'emploi, du chômage est un problème tout à fait central pour l'économie et la société italienne. Je vous remercie de votre question, car cela me donne la possibilité de souligner le fait que sur le plan européen ce dont nous avons parlé le président HOLLANDE et moi aujourd'hui apparemment n'évoque que rarement le mot « emploi » mais toutes nos réflexions sont orientées à la création de conditions pour un meilleur emploi car si nous parlons de croissance, nous parlons aussi d'emplois pour tous car un pays pris singulièrement, seulement de manière illusoire pourrait atteindre des résultats, donc si nous parlons de stabilité, nous parlons de quelque chose en l'absence de laquelle les mécanismes de l'économie tombent en panne. Si nous parlons de « spread », et la Banque centrale est en train de travailler là-dessus, nous parlons de mécanismes qui finalement servent à éviter que les trésors des Etats et des entreprises paient des taux d'intérêt élevés ce qui aggraverait la situation de la compétitivité. Bien sûr la croissance c'est un grand phénomène qui requiert une série de conditions nécessaires et propices et qui requiert également que les différents intervenant, les différents acteurs économiques fassent chacun leurs efforts. Donc en ce qui concerne l'Italie, je peux dire que nous avons mis en uvre une série de réformes ponctuelles dont l'objectif est de rendre la croissance plus aisée, les simplifications, les libéralisations, la réforme du marché du travail, nous avons en outre mis en uvre des réformes qui, si elles avaient été conçues il y a quelques années aurait fait en sorte qu'aujourd'hui les jeunes auraient travaillé davantage comme la réforme des retraites pratiquement et demain comme vous venez de le rappeler un cycle de réunions qui va commencer, de rencontres avec les partenaires sociaux et ceci des deux côtés du marché du travail. Ces rencontres ont pour objectif en particulier d'attirer l'attention des partenaires sociaux sur la dynamique de la production, de la compétitivité. Avec l'aide du Parlement le gouvernement n'a de cesse d'essayer d'améliorer la productivité du pays dans son ensemble mais en même temps, il est nécessaire que les représentants des entreprises augmentent également leurs efforts. Le temps est venu de travailler ensemble pour créer de l'emploi.
LE PRESIDENT - L'Europe est marquée par un niveau de chômage élevé, trop élevé, insupportable, qui dépasse dans la plupart des pays plus de 10% de la population active quand ce n'est pas davantage comme en Espagne, donc il y a une responsabilité. Et c'est parce que les Européens en ont été conscients, qu'au Conseil européen de la fin du mois de juin, il y a eu ce pacte de croissance qui à la fois a mobilisé des financements et marqué aussi une inflexion, une nouvelle orientation. Notre volonté c'est de mettre en uvre ce pacte de croissance le plus rapidement possible, que les fonds qui ont été dégagés, 120 milliards d'euros, puissent être mobilisés partout sur des projets qui peuvent être immédiatement utiles pour la croissance et pour l'emploi. Il y a ce qui relève aussi des politiques structurelles de croissance dans chacun de nos pays, nous les engageons pour ce qui concerne la France. Et ça prendra le temps nécessaire mais c'est ce cap qui a été fixé. Ensuite, si nous voulons de la croissance et donc lutter contre le chômage nous devons faire en sorte que l'Europe soit regardée comme une zone stable où la confiance puisse revenir, elle a été pendant un temps perdue. Et pour que la confiance soit là, nous avons besoin de sérieux budgétaires, l'Italie en a fait la preuve, la France va en faire une nouvelle fois la démonstration dès le projet de loi de finances que nous allons présenter à la fin du mois parce que c'est le sérieux budgétaire qui permet de réduire la dette et de donner de la crédibilité. Je rappelle que la France peut emprunter à court terme pour sa dette à des taux voisins de zéro. Encore hier, ont été levés un certain nombre de fonds avec des taux d'intérêt négatifs à court terme. Nous sommes conscients de ce privilège qui n'est pas, hélas, partagé par tous mais si nous voulons garder cette capacité d'emprunter à des taux faibles, nous devons montrer du sérieux et donner de la confiance. Ensuite, si nous voulons de la croissance pour de l'emploi, nous devons avoir des économies compétitives. Ca ne veut pas dire l'austérité la compétitivité, ça veut dire la capacité que nous pouvons donner à nos entreprises d'affronter les grands marchés avec des conditions qui leur permettent de gagner la compétition par l'innovation, par la recherche, par la qualité des produits, par une maîtrise des coûts, tout cela doit être engagé pour la croissance. Mais, c'est vrai, nous ne pouvons pas attendre, il y a l'urgence, trois millions de chômeurs en France, 14 mois consécutifs de hausse du chômage. Je suis président depuis trois mois et demi, je prends la France telle qu'elle est, je n'ai pas à inventer des chiffres, ils sont là, ce sont des stocks ! Quand je dis des stocks, c'est en fait une somme de personnes qui sont aujourd'hui en demande d'emploi, donc il y a une urgence pour intervenir. Et c'est la raison pour laquelle pour ce qui concerne la France j'ai demandé au gouvernement d'agir vite notamment pour les jeunes à travers ces emplois d'avenir, le contrat de génération, bref, ce que j'avais présenté dans la campagne car j'ai eu cette chance de faire campagne pour être ensuite élu. Mais c'est vrai que chacun doit faire dans son pays ce qu'il pense le plus utile mais nous n'en sortirons qu'ensemble. Parce que c'est aussi ça la leçon, c'est l'Europe qui doit montrer qu'elle peut être une zone de croissance, de compétitivité, de stabilité et de confiance et donc d'emplois. Voilà l'enjeu que nous partageons.
QUESTION -- Vous venez d'évoquer justement les pistes de la prochaine loi budgétaire. Vous êtes accueilli dans un pays où précisément M. MONTI s'est engagé dans un plan d'économie drastique et notamment par des suppressions dans les emplois publics. Est-ce que c'est pour vous un exemple à suivre ? Est-ce que c'est ce à quoi il faut s'attendre dans le prochain budget pour la France ou au contraire vous n'irez pas dans cette voie ?
LE PRESIDENT -- Mais la situation de nos pays n'est pas la même. Ici, en Italie, il y avait, je dis il y avait, car les efforts ont déjà porté, un niveau d'endettement public qui était particulièrement élevé. Même si le déficit était moins important en Italie qu'en France. Chacun doit apporter ces réponses, nous, ce sera la traduction lors du prochain budget pour l'année 2013, il y aura une stabilité de la dépense publique et une stabilité des effectifs dans la fonction publique et une réduction du déficit.
QUESTION -- Une question pour les deux présidents. Vous avez plusieurs fois noté que vous souhaitez une application complète, une mise en uvre complète des décisions du Conseil européen de juin. Le président de la BCE hier a parlé de conditions sévères pour celui qui demandera éventuellement l'aide du mécanisme de secours européen en raison des « spread ». Pensez-vous qu'il faut en rester aux décisions du Conseil européen d'après lesquelles les mesures additionnelles ne seraient pas demandées et pensez-vous que la décision sur les conditionnalités revient à l'Eurogroupe, c'est-à-dire au gouvernement qui finance le fonds de secours ou bien à la BCE ?
Et enfin, au cas où le rapport de la Troïka sur la Grèce ne serait pas négatif, êtes-vous d'accord pour donner plus de temps à Athènes pour qu'elle puisse respecter les engagements pris avec la Troïka, merci.
LE PRESIDENT -- Sur la BCE, je pense que le meilleur commentaire que je puisse faire est de ne pas en faire, parce que ma position c'est celle du Conseil européen du 28 et 29 juin, c'est-à-dire de permettre qu'il puisse y avoir, à travers les mécanismes de stabilité que nous connaissons, et qui seront confirmés une fois que le tribunal de Karlsruhe aura rendu son verdict, et à la Banque centrale européenne d'intervenir ensemble. A la Banque centrale européenne de fixer son orientation, elle en a déjà donné, à travers les déclarations de son président, les principes et aux mécanismes européens d'intervenir rapidement, dès lors qu'ils seront sollicités. Après les conditions peuvent être fixées que par, lorsqu'il s'agit d'un mécanisme européen, ceux qui en ont la charge. Sur la Grèce, je considère en effet que si le rapport de la Troïka va dans le bon sens, c'est-à-dire confirme que des efforts ont été engagés, que d'autres vont venir, qu'il y a des crédibilités qui ont été démontrées, alors, sans qu'il soit d'ailleurs besoin de remettre des fonds, il puisse être prévu d'appliquer le plan de redressement et donc de garder la Grèce dans la zone euro.
M. Mario MONTI -- Pendant que le Président HOLLANDE répondait à cette question, je l'ai écouté avec une attention particulière, car je voulais voir si par hasard, je pourrais ne pas être d'accord avec lui sur quelques points. Mais il n'y a aucun point sur lequel je ne sois pas d'accord avec le Président François HOLLANDE.
QUESTION -- Monsieur le Président, l'agence Moody's vient d'abaisser de stable à négative la perspective de la note de l'Union européenne et n'exclut pas d'abaisser cette note elle-même à moyen terme. Comment interprétez-vous cette vision de la situation et plus généralement la multiplication des sommets bilatéraux en Europe, comme celui auquel vous participez aujourd'hui. Est-elle vraiment de nature à rassurer les marchés. Ces sommets sont-ils suffisants et même d'une certaine façon ne sont-ils pas un peu inquiétants voire contre productifs.
LE PRESIDENT -- Si je vous répondais oui, vous vous rendez compte, qu'est-ce que j'aurais fait depuis la matinée. Et je prendrais l'avion le plus rapidement possible et je vais rester encore quelques temps. Non, je considère que ces rencontres bilatérales sont très utiles. A la condition qu'elles permettent d'arriver aux conclusions lors des réunions de l'Eurogroupe et du Conseil européen. C'est ce que j'ai fait observer. Il ne s'agit pas simplement de faire des conciliabules ou des pourparlers ou de se retrouver sur de vagues considérations de principes. Nous avons à préparer des décisions. Les Conseils européens c'est fait pour prendre des décisions, en tous cas c'est ainsi que je le conçois. Nous sommes réunis pour que, très rapidement, des décisions soient prises, une fois que seront levés un certain nombre d'obstacles qui sont encore sur notre route ou d'interrogations. J'évoquais le verdict du tribunal de Karlsruhe ou le rapport de la Troïka sur la Grèce.
Voilà, dès lors que ces événements auront eu lieu, nous devrons prendre les bonnes décisions. Nous les avons préparées. Comme d'ailleurs je les avais préparées avec Mme MERKEL pour ce qui concerne la Grèce et d'autres sujets, comme Mario MONTI l'a fait avec d'autres chefs d'Etat et de gouvernement. Moi-même j'étais en Espagne il y a quelques jours.
Ensuite, est-ce que nous ne devrions pas changer nos modes décisions, nos rythmes de rencontres. Je ne parle pas sur le plan bilatéral, je veux parler de la zone euro. Je le crois. Mais pour l'instant il est trop tôt pour faire des changements. Je ne suis pas aujourd'hui dans l'intention de tout bouleverser. Ce serait d'ailleurs le pire moyen de ne pas décider. Mais c'est vrai que nous pouvons nous réunir plus régulièrement et tous ensemble et avec une zone euro qui s'organise davantage. C'est tout l'enjeu de ce que nous allons faire de ce que l'on appelle la feuille de route qui a été déjà présentée et qui sera approuvée, précisée lors du Conseil européen de la fin de l'année. C'est cela l'idée de l'approfondissement de l'union économique et monétaire que je partage complètement, avoir des capacités de décisions qui soient plus grandes et des modalités de décisions qui soient plus simples et plus faciles.
Et sur l'agence Moody's, je prends plutôt la position de ne pas commenter là encore les agences. Parce que ce qu'elle signifie c'est par rapport à une inquiétude, un doute. Et donc c'est à nous d'apporter des réponses. Nous n'avons pas à formuler des commentaires, nous avons à apporter des réponses. Quel est le doute ? Il est à la fois sur notre capacité à décider, nous allons démontrer justement que nous pouvons le faire très rapidement sur les questions de la Grèce notamment, d'autres pays si c'est nécessaire et en même temps sur la croissance. Parce que c'est la croissance qui permettra aussi aux pays de respecter leurs engagements budgétaires. Donc, sérieux budgétaire, stabilité, croissance tout cela doit se faire dans le même mouvement.
M. Mario MONTI -- Je voudrais ajouter un mot pour répondre à votre question sur les sommets européens. Il faut se rendre compte du fait, et Monsieur HOLLANDE vient de l'évoquer, que le Conseil européen que nous devons à un prédécesseur du Président HOLLANDE à savoir le Président GISCARD d'ESTAING, c'est lui qui l'avait conçu. C'est un mécanisme de sommet, certainement, mais avec toute une série de contraintes et de limites. Il y a 27 personnes qui se retrouvent entre 17h00 et 19h00 normalement et on s'attend à ce que, avant la fin de la soirée, éventuellement 5h00 du matin si nécessaire, on attend des conclusions en plusieurs langues qui sont présentées aux journalistes. Heureusement qu'il y un petit peu de travail préparatoire quand même. Je vous voudrais, par exemple, citer la réunion qui s'est tenue un peu avant le Conseil européen, ici même avec le Président HOLLANDE, Angela MERKEL, le Président RAJOY et moi-même . Nous avons eu la possibilité de préparer nos positions qui ne sont pas identiques, mais se sont bien rapprochées au cours de la réunion. A la fin de ladite réunion, j'ai téléphoné au nom des trois collègues au Président BARROSO, au Président VAN ROMPUY pour les informer. Et voilà donc, autant d'étapes d'un long processus de prises de décisions. Après quoi, il y a également d'autres types de rencontres, par exemple, à la fin du mois de juillet, vous vous en souvenez peut-être, je me suis rendu à Helsinki pour un entretien avec le Premier ministre finlandais. Il ne s'agissait pas tellement à ce moment-là de préparer une décision, mais c'était une mission non moins importante. C'est-à-dire qu'il s'agissait de se comprendre, de s'expliquer, car parfois les opinions publiques de nos pays ne se comprennent pas, ce qui crée ensuite des entraves au chef de gouvernement lorsqu'il s'agit de négocier.
Voilà donc quelle est la typologie de ces rencontres. Et puis enfin, avec tout le respect que je dois bien sûr aux journalistes, n'utilisez-vous pas le terme « sommet » un peu trop fréquemment peut-être. Là bien sûr, nous avons avec nous le Président de la République française, mais je m'aperçois que dès que j'ai une rencontre au Palazzo Chigi avec mon ministre pour le Développement économique et le ministre du Travail, les journalistes parlent de sommet immédiatement. Il faut peut-être donc aussi donner leur vrai sens au mot.
Merci