5 octobre 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration conjointe du Président de la République, Emmanuel Macron, et du Premier Ministre Irakien

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI.

Monsieur le Premier ministre, Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs, je suis très heureux de recevoir aujourd’hui en visite officielle à Paris le Premier ministre de la République d’Irak, Monsieur Haïder Al-ABADI.

Nous nous étions parlé à plusieurs reprises ces derniers mois. Cette visite est la première, et nous avons pu avoir un échange extrêmement direct, fructueux, et, je crois pouvoir le dire, amical.

Nos échanges ont permis justement de poser les bases d’un nouveau partenariat entre l’Irak et la France. Nos deux pays ont des liens anciens, solides, et nous avions, dans le passé, de très nombreuses coopérations avec l’Irak, dans tous les domaines.

La France a suivi de près les soubresauts et les défis de ces deux dernières décennies au Moyen-Orient, pendant lesquelles l’Irak a payé un très lourd tribut à la guerre et aux violences. Nous avons constamment condamné ces violences, déploré ces pertes innombrables, et nous sommes désormais des partenaires. Et je crois qu’aujourd’hui, nous devons ouvrir une nouvelle page de cette relation bilatérale.

Je tiens vraiment à remercier le Premier ministre Al-ABADI d’être présent aujourd’hui à Paris, dans un contexte qui, pour l’lrak, n’est pas simple. Des opérations militaires sont en cours contre Daesh dans la ville de Hawija et dans la province de l’Anbâr. Le référendum au Kurdistan, le 25 septembre dernier, a créé des incertitudes et des tensions réelles. Le décès de l’ancien président irakien et leader kurde historique, Jalal TALABANI, dont nous saluons la mémoire, a secoué également cette semaine les esprits et les cœurs. Et pourtant, vous êtes là, Monsieur le Premier ministre. Vous vous êtes déplacé avec une importante délégation composée de nombreux ministres. Et je vous en remercie chaleureusement.

Cela reflète l’importance de la relation stratégique entre nos pays et du partenariat que nous voulons bâtir.

Le premier élément fondamental à nos yeux, c’est évidemment la lutte contre le terrorisme. Et nous avons, ici, réitéré notre engagement plein et entier dans la durée et dans le cadre de la coalition, pour justement aider l’Irak à vaincre Daesh, et toutes les formes de groupes terroristes.

Les prochaines semaines et les prochains mois seront déterminants pour gagner sur le terrain cette bataille. Dès l’automne 2014, la France est intervenue en Irak, dans ce cadre multilatéral, et elle est aujourd’hui l’un des principaux pays de la coalition, menée par les Etats-Unis.

Nous continuerons jusqu’au bout, et aussi longtemps qu’il apparaîtra essentiel à votre pays d’être présents. Et je veux ici redire que nos soldats sont engagés avec vos soldats en première ligne, qu’ils se battent avec efficacité, et que la détermination de notre pays à se tenir aux côtés de l’Irak, jusqu’à la défaite complète de Daesh, est entière.

Au-delà de notre coopération militaire, qui est une priorité, nous avons également parlé de notre implication dans la région, et j’ai évidemment expliqué au Premier ministre notre volonté de constituer et de conforter un groupe de contact sur la Syrie, initiative politique qui avance. Nous avons pu réunir les directeurs politiques, puis, les ministres des Affaires étrangères au niveau du P5 à New York, et nous allons continuer avec, à la fois l’ensemble des forces politiques et l’ensemble des dirigeants de la région, à consolider cette initiative politique indispensable, pour stabiliser politiquement la Syrie dans la durée ; ce qui constitue un sujet essentiel aussi pour la stabilité de l’Irak.

Au-delà, nous avons également discuté des défis que l’Irak doit relever. Ils sont multiples sur le plan politique, économique ou sectoriel. J’ai souligné, lors de notre entretien avec le Premier ministre, le souhait profond de la France de voir l’Irak s’engager dans la voie de la réconciliation nationale. Il s’agit d’établir – comme vous l’avez dit, Monsieur le Premier ministre – une gouvernance inclusive, qui réponde aux aspirations de l’ensemble des composantes de la société irakienne, y compris des Kurdes d’Irak, avec qui la France entretient des liens d’amitié.

Un référendum a été organisé, et je le dis, la France a toujours été extrêmement sensible et préoccupée par la situation des Kurdes. Mais je l’ai rappelé avant comme après ce référendum, nous voulons la stabilité et l’intégrité territoriale de l’Irak ainsi qu’un Etat fort en Irak. Il est donc indispensable que, dans les prochaines semaines et les prochains mois, il puisse y avoir un dialogue respectueux de l’unité, de l’intégrité et de la souveraineté de l’Irak.

Nous plaidons afin que, dans le cadre de la Constitution, la reconnaissance des droits des Kurdes puisse se faire. Il y a un chemin, le chemin du respect des droits des peuples, de l’inclusivité politique, mais qui permet aussi de préserver le cadre constitutionnel établi, la stabilité et l’intégrité territoriale de l’Irak. C’est sur ce chemin que nous souhaitons pouvoir vous accompagner.

Nous savons que la consultation organisée par le président du gouvernement régional du Kurdistan, le 25 septembre, a créé des tensions politiques. Elles doivent être surmontées. Au lendemain du référendum, j’ai engagé le Premier ministre au dialogue, qui est la seule voie possible, et je me félicite à cet égard que, pour l’heure, le calme et la retenue aient prévalus.

La France est prête, si les autorités irakiennes le souhaitent, à contribuer activement à la médiation enclenchée par l’ONU. Et nous saluons à cet égard les efforts de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l’Irak, Jan KUBIS. Nous sommes prêts à l’aider dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Seules la réconciliation nationale, la reconstruction et la stabilisation permettront d’assurer une paix durable. Et ce qui nous attend, c’est non seulement de finir de gagner la guerre face à Daesh, mais c’est également, dans les prochains mois et les prochaines années, de gagner la paix en Irak. C’est à cette aventure que la France veut pleinement prendre part, à vos côtés.

Vous avez montré votre engagement pour faire de l’Irak un modèle de tolérance et d’ouverture au Moyen-Orient. Je souhaite que la France soit à vos côtés dans cette démarche. A cet égard, vous vous battez pour les libertés religieuses, la protection des minorités, et votre visite, juste après notre entretien, de l’exposition de l’Institut du Monde Arabe « Chrétiens d’Orient. Deux milles ans d’histoire », que j’ai eu l’honneur d’inaugurer la semaine dernière avec le président AOUN, montre à quel point vous êtes sensible à la problématique du pluralisme et de la diversité au Moyen-Orient.

Et je veux vous dire combien ce geste m’importe également, parce que c’est une part de notre héritage commun que nous devons défendre ensemble.

Ensuite la France apportera tout son soutien à l’Irak pour relever les défis fondamentaux pour l’avenir du pays, c’est la raison pour laquelle nous souhaitons être engagés très profondément sur la stabilisation, la reconstruction et la reconquête économique du pays. C’est la raison pour laquelle j’ai confirmé au Premier ministre notre volonté d’accorder en 2017 un prêt budgétaire de 430 millions d’euros à l’Irak. Il sera signé dès cet après-midi par le ministre pour que cet accord puisse prendre une forme complète et définitive.

Au-delà de cet engagement fort de la France, nous avons aussi souhaité déployer des actions concrètes sur le terrain pour aider au déminage, aux actions de santé, au service des personnes à travers une enveloppe spéciale de plusieurs millions d’euros.

Nous souhaitons également renforcer les relations économiques sur le plan bilatéral. Vous aurez l’occasion cet après-midi de rencontrer plusieurs entreprises françaises. Nous souhaitons donner un cadre à cette relation, définir les garanties financières pour accompagner nos entreprises dans votre pays en lien avec vous et, c’est pourquoi, d’ici la fin de l’année, ce cadre économique et financier sera consolidé autour de la commission mixte franco-irakienne. Elle constituera l’occasion de définir les termes de ce nouveau cadre pour que, dans le domaine de l’énergie, de la défense, de l’industrie, de l’agroalimentaire et de l’agriculture, nous puissions fortement développer la relation économique, la structurer, accompagner au maximum nos entreprises.

Vous me l’avez dit en un clin d’œil Monsieur le Premier ministre, peut-être certaines de nos entreprises ont considéré que l’Irak était une chasse gardée de certains. Ca n’est pas une chasse, c’est un pays ami et c’est un pays ami avec lequel nous souhaitons que tous les secteurs économiques et tous les acteurs économiques puissent pleinement contribuer parce que c’est aussi par ce biais que nous pourrons aider au redémarrage économique et à la reconstruction du pays. Je souhaite en particulier que dans le domaine agricole et agroalimentaire, nous puissions au maximum encourager les relations, le marché export et les liens entre nos pays.

Au-delà de ces sujets économiques absolument fondamentaux, je souhaite que notre relation bilatérale puisse également s’intensifier dans le domaine culturel, universitaire et économique. Et la signature à laquelle nous venons d’assister entre nos ministres permettra ainsi de structurer une coopération forte en matière d’enseignement supérieur. Cette coopération renforcée contribuera notamment à la réhabilitation de l’université de Mossoul, ce qui est là aussi à mes yeux un symbole très fort de ce que nous voulons écrire ensemble. Mossoul, transformé en champs de ruines par les djihadistes de l’Etat islamique doit renaitre. Vous avez commencé à faire ce travail et nous vous accompagnerons. Et c’est à Mossoul que nous devons reconquérir et montrer que le savoir, l’enseignement, la coopération scientifique et académique se reconstruisent.

Nous allons d’ici la fin de l’année travailler activement pour que les échanges sur le plan académique et scientifique s’intensifient, pour que l’enseignement du Français puisse être démultiplié. Et sur ce sujet je veux une politique extrêmement ambitieuse et nous prendrons tous les engagements financiers pour accompagner ce travail, que le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères aura à conduire.

L’ensemble de ces initiatives, Monsieur le Premier ministre, nous permettront dès le début de l’année prochaine de conclure un accord cadre stratégique entre nos deux pays qui marquera une nouvelle page de la relation et qui nous permettra ensemble de gagner la paix, de permettre, comme vous le souhaitez, à la civilisation de reconquérir tous ses droits et de vous aider dans la durée à mener cette politique ambitieuse, celle de la réconciliation, celle du pluralisme et celle de la tolérance.

Je vous remercie pour votre visite aujourd'hui à Paris.

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