28 août 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration d'Emmanuel Macron lors du Mini-sommet euro-africain avec les chefs d'état et de gouvernement

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI.

Mesdames et Messieurs, je tenais à remercier l'ensemble des chefs d'Etat, de gouvernement, de délégations représentantes spéciales, d'être ici présents. Nous nous sommes réunis aujourd'hui, France, Allemagne, Italie, Espagne avec la haute représentante, les présidents du Niger, du Tchad et le Premier ministre libyen pour évoquer un enjeu qui nous affecte tous et qu'aucun de nous ne peut régler sans la coopération de tous les autres et qui justifiait pleinement ce format inédit mais, je crois, profondément utile. Je veux au nom de tous et toutes, avant tout, réitérer le mot de solidarité à l'égard de Mariano RAJOY et de l'Espagne suite à l'odieux attentat qui a frappé son pays et qui, évidemment, a tué non seulement des ressortissants espagnols mais nombre de ressortissants européens et non européens ; attentat qui a encore une fois frappé la jeunesse, un lieu de fête et d'ouverture, qui vient après une série d'autres attentats qui se sont déroulés durant l'été, aussi bien en Europe qu'en Afrique.

Le sujet de la réunion du jour était donc celui des migrations et des flux migratoires illégaux et massifs que nous connaissons depuis plusieurs années et qui affectent chacun de nos pays de façon très différente mais qui nous déstabilisent tous parce que nous ne sommes pas parvenus à les maîtriser et que nous continuons à les subir. Il y a d'abord eu la route de la Méditerranée orientale où les flux se sont aujourd'hui considérablement réduits ; c'est sur les routes de la Méditerranée centrale aujourd'hui que les problèmes se concentrent, même si durant les mois de juillet et août, les flux ont baissé ; et de la Méditerranée occidentale, où les flux augmentent à nouveau, que se portent nos préoccupations.

Nous devons agir tous ensemble des pays d'origine jusqu'à l'Europe, en passant par ce qu'on appelle les pays de transit et bien sûr au premier chef la Libye, pour mener une action efficace. Et c'est un défi, aussi bien pour l'Union européenne que l'Union africaine. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous avons eu aujourd'hui cet échange. Et s'attacher à ce sujet des migrations est d'abord un sujet de solidarité, une exigence morale mais également un principe d'action et d'efficacité. Et je pense que les deux sont ici en la matière constamment réconciliés. Je mesure les efforts consentis par le Niger et le Tchad qui font face à des flux très importants qui s'ajoutent aux défis sécuritaires et de développement qui sont les leurs et je remercie le Premier ministre SARRAJ d'être ici présent car la Libye est elle aussi déstabilisée par les flux migratoires massifs qui viennent du Sud alors même qu'elle est, on le sait bien, face à des défis internes extrêmement conséquents.

Aussi, pour rendre compte de la discussion que nous venons d'avoir, je voudrais m'attacher à trois sujets : d'abord le sujet des flux migratoires irréguliers et des trafiquants, ensuite le sujet de la Libye et le sujet du Niger et du Tchad. Je veux dire ici que ce plan d'action de court terme, très rapide, que nous avons mis en œuvre, c'est, me semble-t-il, la réponse la plus immédiate, la plus efficace à ce à quoi nous assistons depuis plusieurs mois et qui est intolérable ; le fait que certains groupes de trafiquants qui sont les trafiquants d'armes, les trafiquants de vies humaines, de drogue et les groupes liés au terrorisme et qui ont fait du désert en Afrique un cimetière et de la Méditerranée, un cimetière. Ce sont les mêmes qui sont profondément liés au terrorisme. Et donc lorsque nous voulons traiter ces sujets, nous traitons la chaîne continue de ces problèmes.

Pour la maîtrise des flux migratoires irréguliers d'abord, le plan d'action qui a été aujourd'hui discuté et dont nous sommes convenus, porte plusieurs réponses très concrètes à la lutte et au démantèlement des trafiquants. Nous allons avec nos partenaires européens renforcer la coopération avec les pays d'origine et les pays de transit pour démanteler ces réseaux de trafiquants illégaux. Depuis juin 2016, le Niger a commencé un travail extrêmement conséquents que je veux saluer et qui a produit des premiers résultats ; c'est cela que nous voulons généraliser, aider le Tchad à le mettre en œuvre, la Libye également et permettre un démantèlement à travers l'identification des coupables, à travers un vrai travail sécuritaire et judiciaire, pour démanteler ces réseaux et une aide au retour dans les pays d'origine. A cela s'ajoutent les mécanismes de contrôle aux frontières, les actions ciblées mais également le développement économique des communautés locales qui permet à celles et ceux qui sont parfois tombés dans le trafic ou l'économie du trafic de trouver d'autres perspectives locales de développement ; je crois que ce qui a été fait en particulier entre l'Italie et la Libye ces derniers temps est un parfait exemple de ce vers quoi nous souhaitons tendre.

Deuxième point : pour ce qui est de la Libye, nous souhaitons approfondir notre action commune pour une stabilisation et une transition politique inclusive, sous l'égide des Nations unies. L'amélioration de la situation sécuritaire dans ce pays est une nécessité absolue pour la paix et elle est sans alternative pour la maîtrise des flux migratoires. Nous avons les uns et les autres pris durant les dernières semaines plusieurs initiatives en ce sens et je veux saluer le travail du Premier ministre SARRAJ à cet égard. L'Italie a pris une initiative importante pour ce qui est des côtes libyennes avec une efficacité dès cet été ; l'Allemagne a mobilisé des moyens très importants dans ce sens ; la France a accueilli une réunion importante à La Celle-Saint-Cloud justement pour accompagner le processus politique ; ce sont ces efforts que nous allons poursuivre en lien direct avec les autorités libyennes pour améliorer le contrôle des eaux territoriales, empêcher les trafiquants de poursuivre leur action et l'équipement, la formation adéquate des gardes-côtes est à cet égard un élément déterminant, de même que le processus de dialogue politique et de réconciliation. Nous avons aussi acté une coopération renforcée avec le HCR et l'Organisation internationale pour les migrations en Libye pour que des infrastructures humanitaires puissent se développer en conformité avec les normes internationales. C'est un point très important pour nous et je veux remercier le Premier ministre de sa pleine coopération sur ce sujet ; c'est vrai en particulier pour les centres qui accueillent les rescapés de la Méditerranée et à cet égard, nous souhaitons véritablement que le droit, les droits de tous puissent être respectés et nous souhaitons accélérer tout ce qui est fait en ce sens.

Enfin, cette réunion a permis de mettre en œuvre des actions très concrètes en amont de ces flux migratoires et en particulier dans les deux grands pays de transit en amont justement de la Libye que sont le Niger et le Tchad. Je veux ici saluer le travail des deux présidents, DEBY et ISSOUFOU, à cet égard, leur engagement profond pour lutter contre les trafics tels que je viens de l'évoquer et réussir à contenir ces flux.

Ce que nous avons d'abord acté - je m'y étais engagé à Orléans au début de l'été - c'est de pouvoir avoir un traitement humanitaire à la hauteur de nos exigences et pouvoir dans des zones identifiées pleinement sûres au Niger et au Tchad, sous la supervision du HCR, identifier ceux qui ont droit à l'asile selon les règles actuelles et pouvoir les mettre en sécurité le plus rapidement et leur donner justement cet asile en commençant la procédure dès le territoire africain. C'est un élément important parce qu'il évite à des femmes et des hommes de prendre des risques inconsidérés dans une zone extrêmement dangereuse et qui le demeure dans une part du désert puis en Méditerranée. Et donc nous tenons cet engagement à travers la décision qui a été prise aujourd'hui. Cette identification se fera sur les listes du HCR et des listes fermées, c'est-à-dire les migrants d'ores et déjà identifiés par le HCR et résidant dans ces deux pays de passage. C'est ensuite une action de coopération en matière de sécurité, de justice, parfois de présence militaire sur le terrain que nous avons décidé d'acter, nous, pays européens, avec le Niger et le Tchad, pour prévenir d'autres débordements et l'accroissement de ce flux vers la Libye qui viendrait gonfler des camps de migrants déjà saturés, dans des conditions, on le sait, qui restent très difficiles. Et enfin, c'est la possibilité d'organiser un retour vers les pays d'origine qui sera organisée à travers justement notre action directe par des actions de coopération directe, pays par pays, avec les pays d'origine et par une action en matière de développement à cet égard. Et je pense que c’est cet équilibre d'ensemble qui doit être respecté parce qu'en aucun cas les conclusions d'aujourd'hui ne reviennent à faire porter le fardeau sur le Niger et le Tchad de ces migrations qu’eux-mêmes subissent.

Solidarité, humanité, efficacité sont les principes qui ont prévalu à l'action que nous souhaitons conduire et aux conclusions du texte d'aujourd'hui en redisant très clairement que tout cela n'a de sens que si cela s'inscrit dans la politique de long terme que nous souhaitons conduire, nous pays européens, en lien avec l'Union européenne, à savoir une politique de développement puisqu’une grande majorité justement de ces migrants qui prennent ces routes de la nécessité au péril de leur vie, font vivre les trafiquants parce qu'ils n'arrivent pas à avoir une vie normale et un développement normal dans leur pays. Et donc la politique de développement que l'Union européenne conduit et que nous conduisons sur le plan bilatéral, doit évidemment être renforcée et c'est ce que ce texte acte aussi, qui nous permettra d'aller en ce sens et c'est le cadre d'ensemble dans lequel nous inscrivons la démarche d'aujourd'hui.

Nous sommes enfin convenus que dès aujourd'hui, une équipe opérationnelle était mise en place pour suivre sur le terrain les conséquences de ces déclarations. Durant les prochains jours, les besoins identifiés par les trois pays africains présents autour de la table, seront précisés pour avoir une réponse très rapide de l'ensemble des pays européens présents également ici. Un suivi sera fait au niveau ministériel. L'Espagne accueillera une réunion des chefs d'Etat et de gouvernement présents, associant également l'Union africaine, dans les prochains mois avant le sommet Union européenne-Afrique qui permettra de faire un point d'étape entre autres sur le processus de La Valette et le processus entamé aujourd'hui à Paris.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que pour ma part je souhaitais reporter de la réunion extrêmement fructueuse et surtout du travail très important qui a été fourni durant tout l'été par nos équipes et en l’a remerciant à nouveau d'être présente aujourd'hui dans une période extrêmement chargée pour elle, je souhaite céder la parole à Angela MERKEL, Madame la Chancelière.

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