À Savines-le-Lac, le Président de la République a présenté le « Plan eau » : une des priorités de la planification écologique du Gouvernement. 

Avec le changement climatique, le cycle de l’eau en France a connu d’importantes modifications au cours des dernières décennies : épisodes de sécheresse comme en 2022, diminution du niveau des nappes phréatiques, changement du rythme des pluies. Ces changements affectent de nombreux secteurs comme l’agriculture, l’énergie, les loisirs ou l’industrie.  

Afin de répondre à ces défis, le Chef de l’État a proposé une série de mesures visant à redéfinir notre politique de gestion de l’eau pour l’adapter aux enjeux du changement climatique, en lien avec les élus et les collectivités territoriales. Ce plan de sobriété et d'efficacité a un double objectif : 

  • à court terme : préparer l'été prochain et éviter au maximum les coupures d'eau potable ;
  • d'ici 2030 : faire 10 % d'économie d'eau dans tous les secteurs.


Dans le prolongement des Assises de l’eau en 2019, du Varenne agricole de l’eau en 2021, les actions menées permettront de tendre vers un système plus sobre, plus résilient et mieux concerté pour gérer et partager cette ressource stratégique. Ces actions vont s'organiser autour de 5 axes : 

  • Inscrire la sobriété dans tous les usages et dans la durée,
  • Lutter contre les fuites et moderniser notre réseau,
  • Investir massivement dans la réutilisation des eaux usées,
  • Planifier les usages de l'eau et accompagner les transformations des filières très consommatrices,
  • Mettre en place une tarification progressive et incitative de l'eau.

Revoir la présentation du Plan eau :

30 mars 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République.

Merci beaucoup, Monsieur le Ministre, et merci pour le travail fait par vous-même, votre secrétaire d'État, l'ensemble des équipes. 

Monsieur le maire, merci de nous accueillir et de ces mots très forts, vous nous avez réancrés si je puis dire dans une histoire et une géographie qui donnent tout son sens à ce dont nous parlons depuis tout à l'heure. 

Mesdames, Messieurs les parlementaires, 
Monsieur le président du Conseil régional, 
Monsieur le président du Conseil départemental, 
Mesdames et Messieurs les présidents de conseils départementaux, parce que beaucoup d'élus en effet de cette belle région sont là mais les Savoyards sont là aussi et plusieurs autres,
Mesdames et Messieurs les présidents et présidentes, 
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités, 

Je suis très heureux de vous retrouver et d’avoir la chance d'être parmi vous. Alors parler d'eau, c'est parler, vous l’avez parfaitement dit, dans une région qui en a toujours manqué, de sujets qui ont fait une bonne partie de la littérature du XXᵉ siècle, pour ce qui est de la littérature française ou de la région. Pagnol, comme Giono pour faire un clin d'œil à un département voisin, Madame la présidente, ne parle que de batailles de l'eau à l'époque dans cette belle région. Mais notre pays a inventé une vraie politique de l'eau, de gestion, de partage et un modèle inédit. Vous en êtes d'ailleurs toutes et tous les dépositaires. C'est une force et ce qu'on va collectivement faire, c'est quand même déjà s'appuyer sur cette force. 

Cette politique que notre pays a créée, c'est une politique de l'eau innovante dès les années 60, avec une gestion par bassins faisant travailler ensemble, de la source à l'océan, tous les acteurs de l'eau — les élus, les agriculteurs, les industriels, les énergéticiens — qui a su bâtir des grands projets. Je le dis parce que, parfois, quand on regarde notre actualité, on oublie, et vous l'avez parfaitement rappelé, ce qu'on a su faire par le passé, sans quoi nous aurions eu des vrais drames à tous égards. Et le lac de Serre-Ponçon, qui n'est pas qu'un barrage hydroélectrique, mais bien un projet de gestion de l'eau des cimes des Alpes jusqu’aux vallées de la Provence, c'est la réalisation de cette grande politique. 

Cette politique française de gestion de l'eau, elle a été particulièrement adaptée pour faire face à tous nos grands défis environnementaux de l'eau qui se posaient à l'époque, en particulier celui de la qualité, de la lutte contre les pollutions qui était le cœur de la bataille. Ensuite avec des grandes lois de l'eau : 1992, la directive cadre sur l'eau en Europe en 2000, la loi de 2004 qui l’a transposée, et avec à chaque fois l'élaboration je dirais d'un modèle français. Il est là. Donc on ne part pas de rien, et avec une implication, je le disais, des acteurs de terrain bassin, la commune et des acteurs qui en ont les usages. 

Le défi qui est le nôtre, c’est qu’au fond, beaucoup de ce qui a été pensé, structuré, c’était se battre contre la pollution et pour la qualité, mais on avait moins de pression sur la quantité. Le constat a rigoureusement changé. Le ministre a redonné les chiffres et c'est ce sur quoi vous vous appuyez. On a une ressource en eau renouvelable qui a fortement baissé :  -14 % en France métropolitaine d'ores et déjà, si on compare la période 1990-2001 avec la période 2002-2018. Des sécheresses qui sont de plus en plus fréquentes. Ce dérèglement climatique qui conduit aux effets que le ministre a parfaitement décrits, donc je ne vais pas m'appesantir sur la situation qui a changé. 

Quand on regarde tous les scénarios, ceux qui sont donnés par le GIEC et tous les experts qui le déclinent ensuite, on voit que les modèles scientifiques nous disent qu'on aura -10 à -40 % de débit de nos rivières, -15 à 25 % de baisse des pluies en été, -10 à 25 % de baisse du niveau des nappes et avec des sols qui seront plus secs et donc une humidité inférieure et une capacité à absorber ces précipitations qui sera profondément différente. Avec ce changement climatique, et même si parfois il pleuvra davantage en hiver, nos nappes phréatiques qui sont vraiment les stocks stratégiques d'eau, mettront plus longtemps à se remplir et se rempliront moins. Et donc, pour nous préparer à tous les scénarios, on est en train d'intégrer les derniers travaux du GIEC à nos modèles scientifiques et tous ces résultats seront disponibles dans le courant de l'année. 

Mais je vais tout de suite être clair sans être définitif dans le détail : aucun ne nous dit que la situation va s'améliorer. Alors, l'année dernière — là aussi, le ministre l'a dit — on a eu une sécheresse exceptionnelle par rapport à ce qu'on connaissait, mais elle ne sera pas exceptionnelle par rapport à ce qu'on va connaître. Et donc, elle nous indique simplement de manière peut-être plus rapide que ce qu'on pensait, que les changements sont bien là avec ces 2 000 communes qui ont eu des difficultés d'approvisionnement ; environ la moitié d'entre elles qui ont eu recours à des solutions temporaires d'approvisionnement en eau potable, - bouteilles, camions citernes- ; 93 départements, ça a été dit, qui étaient sous restriction d'eau et des conséquences très difficiles pour nombre de nos agriculteurs dans beaucoup de ces territoires ; une pousse d’herbe déficitaire de 24 %, prenez les chiffres, qui ont fait souffrir beaucoup d'exploitants et d'éleveurs ensuite en conséquence ; une production de maïs qui est la plus faible depuis 1990 ; un rendement des cultures céréalières de printemps en baisse de 28,4 % en 2022. Les chiffres sont là pour montrer la difficulté. Et au début de cette année, on a eu un autre record inquiétant avec 32 jours sans pluie et notre pays est dans un épisode inédit de sécheresse hivernale. 

La conséquence, c'est qu'aujourd'hui, 80 % de nos nappes ont un niveau bas ou très bas alors que nous étions, avant la sécheresse de 2022, à un niveau de 50 %. Donc, le défi, il est là, il s'est encore accéléré et donc nous devons y répondre. 

D'abord, on doit préparer l'été prochain.  C'est le premier élément sur lequel je voudrais donner quelques grandes lignes. Dès le mois de septembre, on a tiré les leçons, lancé les travaux, le ministre l'a rappelé, s'appuyant sur ce qui avait été fait dès il y a cinq ans : les premières Assises de l'eau, les deuxièmes Assises et le Varenne, avec, déjà, des premières actions et réinvestissements grâce à votre implication à toutes et tous. Des premiers arrêtés ont été pris par les préfets. On a une quinzaine de départements, dont les Hautes-Alpes d'ailleurs, qui sont d'ores et déjà placés en vigilance, avec des outils de communication, d'information vers les particuliers et les professionnels pour inciter tout le monde à faire des économies d'eau. 

On a ensuite une dizaine de départements qui sont d'ores et déjà en alerte ou alerte renforcée dans certaines zones. Je distingue bien ces deux phases. Et là, dans cette dizaine de départements qui sont en alerte renforcée, il y a des restrictions qui sont à l'œuvre pour les agriculteurs, les arrosages, etc. 

Mais pour réussir à préparer cet été qui s'annonce difficile, on doit tous aller beaucoup plus loin. Et donc, nous allons mettre en place d'ici à début mai un instrument comme on l'a fait avec Ecowatt pour l'énergie, un Ecowatt de l'eau qui va être mis en place par le ministère, partagé avec l'ensemble des acteurs, qui va permettre de responsabiliser chacun. Parce que quand la sécheresse s'annonce et que les difficultés sont là, chaque geste compte. Vous l’avez très bien dit, c'est exactement la même chose — le président du conseil régional l'a rappelé — que ce qu'on a fait sur l'énergie. Et donc dans chaque territoire, en fonction des ressources en eau disponibles, les préfets ont fixé des règles de partage et de bon usage de l'eau. Et comme nous l'avons fait pendant l'hiver sur l'énergie, on aura cet outil qui sera disponible dès le début de l'été pour que chaque Français, chaque agriculteur, chaque maire, chaque chef d'entreprise puisse connaître les gestes adaptés de manière très transparente et l'évolution de la situation pour voir que chacun contribue à une partie de la solution. 

Ensuite, deuxième élément de court terme, comme là aussi nous l'avons fait pour l'énergie, nous allons demander à chaque secteur un plan de sobriété sur l'eau d'ici à l'été. Les ministres se réuniront dans les prochains jours dans l'ensemble des secteurs concernés : l'énergie, l'industrie, le tourisme, les loisirs, l'agriculture. Cela marche bien quand tout le monde sait l'évolution de la situation, quand tout le monde est responsabilisé et quand on sait que les efforts sont partagés, donc c'est comme ça qu'on va faire. Les collectivités, évidemment, seront mobilisées, comme l'administration de l'Etat et les bâtiments de l'Etat, et je remercie la région de s'engager dans cette dynamique. 

Ils vont être équipés d'équipements hydro-économes qui peuvent réduire à eux seuls de 30 % les consommations et de mécanismes de récupération des eaux de pluie dès que c'est possible, afin là aussi notamment, d'arroser les espaces verts avec de l'eau de pluie plutôt que de l'eau potable. Parce qu'on a des situations qui continuent à être incompréhensibles pour nombre de nos compatriotes, à cause aussi des règles qu'on s'était fixées historiquement et qu'il faut faire évoluer. 

On aura à côté de ça, évidemment, on le sait, des difficultés et je veux être très clair : toutes les crises ne seront pas évitées dès cet été parce qu'on a des situations de très grande difficulté dans certaines communes. À l'été 2022, on a le sujet de ces 2 000 communes dont le ministre et moi-même venons de parler. On en a 200 qui ont été approvisionnés en bouteilles d'eau, 340 avec des camions citernes. Nous avons d'ores et déjà engagé des travaux pour sécuriser ces communes parce que pour bon nombre d'entre elles, c'étaient des sous-investissements historiques ou des grandes difficultés de connexion en raison de la topographie et en effet de la propre géographie. 

Après la sécheresse de l'été, on a d'ores et déjà, en plus de ce qui a été fait, des investissements habituels, mobilisé 100 millions d'euros qui ont permis de financer en urgence 500 projets. Et donc ça, c'est ce qui a été fait depuis l'été 2022 et qui sera parachevé avant l'été prochain. Mais on sait très bien qu'en raison de la spécificité de certains territoires, de l'isolement de certaines communes, il n'est pas à exclure qu'on ait des situations à nouveau de grand stress à l'été prochain, malgré ce plan, je dirais, d'urgence et de réduction de nos consommations et donc de sobriété. 

Pour accompagner les territoires les plus vulnérables, c'est le troisième point sur lequel je voulais insister, sur le court terme, nous mobiliserons, en plus de tous ces investissements, 180 millions d'euros pour traiter en priorité sur ces 2 000 communes fragiles, celles qui sont en situation les plus critiques, ainsi que ce qu'on a appelé les 170 points noirs qui sont identifiés sur le territoire, c’est-à-dire toutes les zones où les fuites sont très importantes. C'est le cas de votre commune, Monsieur le maire. Vous avez d'ailleurs engagé, avec ces cofinancements, des travaux. Les communes qui perdent plus de 50 % de l'eau, c'est en raison de la vétusté et de la difficulté des lieux. Et on le voit bien, c'est une situation là aussi aberrante qu'on doit absolument corriger en urgence. 

Et donc, nous allons travailler avec l'ensemble des maires qui ont la compétence de l'eau pour faire le maximum avant l'été et accélérer ces travaux, avec ces 180 millions d'euros supplémentaires qui vont, là aussi, nous permettre de répondre à l'urgence. Mais au-delà de cette urgence, le cœur du plan, -et le ministre le détaillera demain-, qui est le fruit de votre travail collectif, de toutes celles et ceux qui sont justement engagés dans les comités de bassin, de Jean LAUNAY et de toutes celles et ceux qui en sont les acteurs au quotidien. Ce plan eau, donc, avec sa cinquantaine de mesures, c'est avant tout un plan de sobriété et d'efficacité pour l'eau dans la durée. 

Je pense à fixer un cap à notre Nation avec un objectif pour 2030 qui est de faire 10 % d'économie d'eau dans tous les secteurs. C'est une modernisation sans précédent de notre politique de l'eau. C'est intégrer le rapport à la quantité et à l'évolution liée au dérèglement climatique pour intégrer totalement dans cette planification qui est écologique, l'enjeu du changement climatique. 

Il y a cinq axes que je voudrais simplement ici illustrer : accélérer la sobriété partout et dans la durée, lutter contre les fuites et moderniser nos réseaux, investir massivement dans la réutilisation des eaux usées et la mobilisation de nouvelles ressources, planifier les usages de l'eau sur la disponibilité future de la ressource et accompagner les transformations de notre modèle agricole, vous l’avez dit président, et mettre en place partout une tarification adaptée de l'eau. 

Alors d'abord faire des économies d'eau dans tous les secteurs et dans la durée, c'est l'objectif qu'on doit se fixer parce que le changement climatique va nous priver de 30 à 40 % de l'eau disponible dans notre pays à l'horizon 2050. Nous devons donc inscrire la sobriété dans la durée. Alors ça concerne tous les secteurs et certains sont mobilisés tout particulièrement. 

Le premier secteur, c’est celui de la production d’électricité. Il représente 51 % des prélèvements, 12 % de la consommation avec le nucléaire et l’hydroélectricité. Et donc là-dessus, j’ai demandé, sous la supervision de la Première ministre, et les ministres ont commencé le travail avec les grands acteurs, de changer là aussi les pratiques et donc on va investir. Pour être sobre, c’est de l’innovation. 

Sur le nucléaire, on doit adapter nos centrales nucléaires au changement climatique en engageant un vaste programme d’investissements pour faire des économies d’eau et permettre de fonctionner beaucoup plus en circuit fermé. Grande difficulté… Aujourd’hui, nos centrales utilisent l’eau et la rejettent, et donc ça n’a pas tout de suite, de manière immédiate, un effet sur le niveau. Ça a un effet sur la température et conditions et compte tenu des conditions qu'évoquaient à l'instant le ministre, ça joue sur le niveau dans la durée et dans certains moments et à certaines périodes de l'année. Et quand on a les pressions qu'on connaît, c'est une vraie difficulté. Donc on va lancer ce plan d'investissement pour passer nos centrales justement en circuit fermé. 

Ensuite, on a l'hydroélectricité, car nous devons adapter le rythme de nos barrages aux enjeux du climat. Vous le savez ici parfaitement, dans notre plus grand lac artificiel de France, l'eau a des usages multiples. Vous l'avez rappelé, président, tout à l'heure. Vous l'avez d'ailleurs tous rappelé. Et donc notre volonté, c'est par un dialogue de territoire, coopératif, et vous l'avez entamé depuis plusieurs semaines par ces questionnaires, de définir dans chaque territoire les règles les plus adaptées aux différents usages et au partage de ce bien commun qu'est l'eau. 

Deuxième grand secteur après l'énergie, c'est l'industrie. Les ministres de la Transition écologique et de l'Industrie organiseront une réunion des 50 sites industriels qui ont le plus grand potentiel de baisse de consommation d'eau pour travailler avec eux sur un plan d'investissements pour ces économies d'eau. Nous voulons continuer de réindustrialiser le pays, c'est une de nos victoires des dernières années. On doit continuer de créer de l'emploi industriel, mais ces secteurs industriels doivent être de plus en plus décarbonés et sobres en utilisation de notre eau. Pour cela, ce sont aussi des investissements. De la production de batteries à la production d'hydrogène, qui sont des activités qui ont besoin, on le sait, de quantités importantes d'eau pour produire justement des biens verts, et bien nous allons intégrer dans les stratégies d'investissement la sobriété en eau et la réduction par rapport aux consommations actuelles. 

Le deuxième grand axe, c'est la lutte contre les fuites et la modernisation de nos réseaux. Dans de nombreux territoires, nous avons des réseaux d'eau qui connaissent des fuites très importantes. A l'échelle nationale, on a 1 litre sur 5 qui est perdu à cause des fuites. 1 litre sur 5, ce qui est inacceptable. On a dans certains territoires 1 litre sur 2 qui est perdu. C'est le but, je le disais, de la mobilisation de 180 millions d'euros qui sont d'ores et déjà actés, qui seront chaque année confirmés pour résorber nos fameux points noirs et permettre d'avancer. Tout cela a été très bien identifié au moment des deuxièmes Assises de l'eau. 

Et au-delà de ce financement sur nos points noirs qui est la priorité, on va aussi mobiliser la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et consignations pour lancer un grand plan sur nos infrastructures. Parce que tout ça, c'est le fruit de quoi ? De sous-investissements historiques. Et pourquoi on se retrouve collectivement dans cette situation ? C'est que pendant très longtemps, on s'est habitué à ne plus investir dans nos réseaux d'eau et à ne plus vraiment payer le vrai prix de l'eau, -si on se dit les choses entre nous-, collectivement, à l'échelle du territoire. Il y en a qui se sont adaptés plus vite que d'autres, mais c'est ça la réalité. 

Et donc, c'est ça qu'on doit progressivement faire changer et moderniser nos réseaux. Les moderniser, c'est aussi le faire de manière adaptée avec des compteurs intelligents. On ne sait bien économiser que ce qu'on consomme et donc je souhaite que nous travaillions avec les collectivités pour généraliser les compteurs intelligents, en commençant bien sûr par les plus gros usagers de l'eau. La région s'est lancée dans ce travail et je l'en remercie, mais c'est ce qui va permettre justement d'organiser la sobriété au plus près du terrain et donc de lutter là aussi contre les fuites et la modernisation de nos réseaux. 

Dans ce plan, je veux avoir un mot particulier pour nos Outre-mer qui ont une situation tout particulièrement difficile. Je pense à la Guadeloupe et à Mayotte, sur lesquels on a lancé il y a maintenant quatre ans des plans massifs de réinvestissements. On va donc débloquer 35 millions d'euros supplémentaires par an pour l'eau en Outre-mer parce que là, on a un besoin accru pour accélérer justement le travail sur les réseaux. 

Le troisième axe est d'investir massivement dans la réutilisation des eaux usées, et plus généralement de tous les usages. Alors avant de passer aux eaux usées, les eaux de pluie, vous l'avez dit président, je salue l'effort dans lequel vous vous engagez pour, justement, permettre à nos particuliers, aux acteurs économiques aussi, de mieux récupérer l'eau de pluie. Je souhaite que dans ce cadre, le Gouvernement puisse travailler en lien avec les mécanismes des régions à aider et accompagner les particuliers à s'équiper pour mieux récupérer les eaux de pluie. La réutilisation des eaux usées après traitement permet de faire de très importantes économies d'eau. Vous avez évoqué le cas d'Israël, mais il y a le cas de l'Espagne aussi, dont nous devons nous inspirer parce qu'on peut faire beaucoup mieux et beaucoup plus fort. 

Je vais vous donner simplement un exemple, c’est qu’aujourd'hui, en France, moins de 1 % de l'eau usée est retraitée pour être utilisée une seconde fois. C'est 10 ou 15 ou 20 fois moins que certains des comparables, les meilleurs dans le monde. Notre ambition désormais, elle est raisonnable compte tenu de ce que les autres savent faire, de 1 % de l'eau usée, retraitée et utilisée à 10 % d'ici à 2030. Pour ça, nous avons décidé de lancer 1 000 projets en cinq ans pour recycler et réutiliser l'eau. Nous avons la capacité de le faire, nous avons des acteurs industriels qui savent le faire qui sont déployés sur le territoire. Nous avons de l'innovation française, nous avons des femmes et des hommes sur notre territoire qui savent faire cela. Nous devons maintenant bâtir ces projets et les déclencher par ces financements. 

Pour faciliter le développement des projets, nous devons aussi, -ça a été évoqué par l'un d'entre vous-, faciliter et accélérer les procédures administratives et lever quelques verrous dont il ne faut pas exclure qu'ils soient également administratifs. In fine, nous voulons réutiliser 300 millions de mètres cubes, soit trois piscines olympiques par commune, pour donner un exemple, ou 3 500 bouteilles d'eau par Français et par an, ce qui n'est pas rien et ce qui est faisable et ce qui, en même temps, sera créateur d'activités économiques. 

Le quatrième axe, c'est de planifier les usages de l'eau et les transformations de notre modèle agricole. L'eau, on le sait, est indispensable à notre agriculture qui est profondément fragilisée par le changement climatique. Le plan eau s'organise donc à cet égard en trois piliers. D'abord, toutes les nouvelles installations agricoles seront adaptées au climat de demain. Un diagnostic eau, sol et adaptation sera intégré aux aides à l'installation. J'ai pris cet engagement devant les Jeunes agriculteurs, aux Terres de Jim, au lancement des concertations sur le renouvellement des générations agricoles. Et donc ça veut dire que lorsque nous allons bâtir pour la loi d'avenir agricole, nous accompagnerons chaque jeune qui s'installe d’un tel diagnostic pour adapter justement les choix de production, l'organisation des nouvelles infrastructures à ce diagnostic. 

Deuxième élément concernant l'irrigation. Nous allons poursuivre les aides pour faire des économies d'eau. Passer, là aussi, à des systèmes de goutte à goutte là où on le peut, où il le faut, à l'utilisation de systèmes intelligents. 30 millions d'euros seront consacrés à investir avec les agriculteurs sur ces modèles, ce qui passe aussi par tout le travail qui a été largement commencé et qui est au cœur des plans d'adaptation des filières et des territoires. Je veux que chaque territoire se pose ouvertement cette question. Elle n'est pas neutre, elle n'est pas simple mais je vous le dis en toute franchise, nous devons nous la poser aujourd'hui. 

Est-ce que les filières d'aujourd'hui sont encore adaptées au climat de demain ? Je peux d'ores et déjà vous dire, je crois dans notre agriculture, j'ai montré depuis six ans qu’on se bat pour elle et on avance, et je crois en notre souveraineté alimentaire. Mais il est évident qu'on aura des territoires qu'il va falloir rapprocher vers d'autres schémas de cultures et d'autres schémas agricoles ; qu'on a des productions agricoles qu'on connaît dans certains territoires qui vont sans doute migrer vers d'autres territoires qu'ils ne pratiquent pas aujourd'hui et qu'il va falloir réinventer des modèles agricoles dans d'autres territoires de notre République. 

C'est une évidence parce que les sols sont en train de changer, parce que le système climatique est en train de changer, et donc nous devons adapter nos modes de culture. Si nous ne l’anticipons pas, nous le subirons et nous allons mettre en risque notre souveraineté alimentaire parce que cela veut dire qu'on aura des territoires qui n'auront plus la capacité à produire et qui n'auront pas préparé leur changement, et d'autres qui auraient pu récupérer ces cultures qui ne le feront pas. C'est toujours très intimidant de penser, si je puis dire, de telles transformations, mais il nous faut le faire pour les accompagner. 

Le troisième axe de ce changement du modèle agricole, c'est de faire évoluer la logique de stockage de l'eau. La priorité est de maximiser la capacité de notre principal outil de stockage de l'eau, qui sont nos sols. Des sols en meilleure santé avec plus d'arbres, plus de haies qui stockent mieux l'eau et qui favorisent la recharge des nappes. C'est ça le choix le plus cohérent partout où on le peut. 

Ensuite, c'est d'utiliser les ouvrages existants et d'améliorer l'infiltration dans nos nappes phréatiques pour faciliter l'accès à l'eau. À cet égard, je souhaite qu'un fonds pour l'hydraulique agricole permette d'accéder justement à toutes les solutions et d'accélérer les projets. Et puis, concernant les nouveaux ouvrages, parce qu'il y a des endroits où il faut des nouveaux ouvrages qui peuvent parfois être nécessaires en raison de particularités de territoire, le cadre doit être très clair et je veux ici le rappeler. Il ne s'agit pas de privatiser l'eau ou de permettre à certains de se l'accaparer. La règle, c'est bien le partage entre les différents usages, entre les agriculteurs, avec les nouvelles générations d'agriculteurs qui s'installeront, avec parfois d'autres usages qui peuvent être touristiques, qui peuvent être pour les habitants de la commune. 

Et donc, les nouvelles retenues devront donc être d'abord inscrites dans des projets de territoire concertés, évidemment avec les collectivités territoriales, et fondées sur des projections scientifiques. Les collectivités peuvent jouer un plus grand rôle pour prendre en main certains projets. Prévoir, par exemple, une réserve d'eau disponible pour les agriculteurs qui voudraient s'installer. Deuxièmement, avoir plusieurs usages. Par exemple, rendre clairement des services à la biodiversité. Les rivières et les zones humides, par exemple, peuvent être aussi des lieux tout à la fois de production d'électricité, avec des panneaux solaires posés sur l'eau. Il y a, on le sait, des innovations qui sont en cours et qui seront intégrées à cette stratégie. Et puis, troisièmement, ces retenues doivent être conditionnées à des changements de pratiques significatifs et individualisés, notamment des économies d'eau, la réduction des pesticides et donc des schémas de transition agricole, ce qui est fait par plusieurs de vos collègues. 

L'actualité récente a parlé de certaines retenues. C'est exactement dans cette logique que les agriculteurs de tout le bassin se sont engagés. Je tiens ici à le dire. Il faut être clair : l'eau est indispensable à l'agriculture. Elle est donc indispensable à notre souveraineté alimentaire. Et nous allons avoir plus de surfaces irriguées dans les prochaines années, c'est une évidence. Et donc, il faut, là où on avait un modèle agricole qui concentrait énormément, sur une toute petite partie de nos surfaces agricoles utiles, l'irrigation. Tout faire pour réduire cette irrigation par des meilleures pratiques et de l'innovation, de l'adaptation de cultures. Mais on va étendre nos surfaces agricoles utiles qui sont à irriguer d'évidence, mais avec des solutions qui doivent être innovantes parce qu'au total, on ne doit pas plus prélever. 

Notre souveraineté alimentaire n'est pas négociable et le plan Eau pose un principe simple : on doit faire plus d'irrigation avec la même quantité d'eau que nous utilisons aujourd'hui. Cela veut dire innovation, partage, meilleure organisation et accompagnement de nos agriculteurs lorsqu'ils ont des pratiques qui sont bénéfiques à la qualité de l'eau. C'est pourquoi aussi nous allons mobiliser 100 millions d'euros supplémentaires par an pour financer ces pratiques vertueuses afin de protéger la qualité de l'eau. Pour faire face à ces ambitions, nous allons évidemment mettre les moyens. 

L'économie de l'eau, je parle, sous le contrôle de Monsieur le ministre, c'est environ 20 milliards d'euros par an. Elle est, si je puis dire, déclenchée par environ 2 milliards 200 millions d'euros d'argent public. On sait qu'on a besoin aujourd'hui d'accélérer et de faire davantage. Et donc, ce que nous avons décidé de faire, c'est, au fond, chaque année, d'augmenter le budget de nos agences de l'eau qui est d'un peu plus de 2 milliards. C'est 2 milliards 200 millions, de les augmenter de 500 millions d'euros par an. C'est l'effort dont on a besoin pour déclencher au total environ 6 milliards de plus dans l'économie de l'eau chaque année, avec le même coefficient multiplicateur que celui que je viens d'évoquer. Et donc, c'est un vrai effort de la Nation, à la fois sur la sobriété des usages, la rénovation des réseaux, la réutilisation des eaux usées, la qualité de l'eau. Et donc, au total, 500 millions d'euros supplémentaires que nous allons mobiliser chaque année via les agences de l'eau pour mettre en œuvre ces ambitions. Le plafond de dépenses des agences de l'eau sera supprimé, ce qui lui permettra aussi de cofinancer avec les collectivités toutes les actions permettant de s'adapter aux conséquences du changement climatique. 

Enfin, pour accompagner tout cela, c'est mon cinquième axe. Il faut mettre en place une tarification que je qualifierais de progressive et responsabilisante de l'eau. L'eau est un bien commun. Et donc, il nous faut pour ça une tarification qui soit progressive. L'objectif du plan doit être de garantir à tous les Français un accès à une eau potable de qualité pour ses besoins essentiels. Depuis 2017, nous avons lancé des expérimentations sur cette tarification de l'eau et nous souhaitons, en concertation avec les élus, que cette tarification progressive et responsable de l'eau soit généralisée en France. Ça ne veut pas dire que le prix de l'eau va augmenter. 

Il est d'ailleurs aujourd'hui dans la moyenne quand on regarde le prix de l'eau en France, mais avec une logique simple qu’on souhaite repenser. Les premiers mètres cubes sont facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant. C'est ça l'évolution vers laquelle on va aller. C’est cette tarification progressive pour tout le monde. Ça correspond à l'eau dont nous avons tous besoin pour boire, nous laver et pratiquer les usages domestiques du quotidien. Ensuite, au-delà d'un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé et c'est normal pour les consommations que j'appellerais de confort et pour inciter à la sobriété. Ça relève d'un certain bon sens que je suis en train d'évoquer, mais ce n'est pas totalement la règle sur laquelle nous basons aujourd'hui la tarification. Et donc, cette tarification progressive et responsabilisante, c'est celle qui va permettre d'assumer que l'eau est un bien commun et d'organiser une incitation à la sobriété dont nous avons tous besoin. 

Enfin, pour conclure, je dirai un mot de la gouvernance. Dans notre pays, l'eau est une compétence largement décentralisée. C'est un choix que je considère comme judicieux, au plus près des territoires, de leur géographie, des consommateurs aussi, au plus près de la biodiversité et de ses enjeux. Les élus sont en première ligne et l'esprit du plan est de conforter leur rôle. Le ministre détaillera avec vous l'ensemble de ces mesures parce que, vous l'avez compris, avec le changement climatique, l'eau est redevenue un enjeu stratégique pour toute la Nation. 

Et donc, si je suis là devant vous, c'est que nous devons au fond enrichir notre modèle historique qui a été une force. Par cette nouvelle logique, ce plan de sobriété et d'investissement à l'échelle de la Nation. Mais nous devons garder cette territorialisation. Les élus en première ligne, les comités de bassin en responsabilité, les agences de l'eau en traction. C'est le témoin de la confiance d'ailleurs que je viens d'évoquer qui est ce relèvement du plafond de dépenses des agences de l'eau et cette libération d'un investissement conjoint de l'Etat et des collectivités. 

Notre vrai problème sur beaucoup de cas, ce sont les communes isolées qui sont parfois en situation de risque. Et donc il nous faut sur ce sujet, mettre beaucoup de souplesse et d'apaisement, travailler en commun. Parfois le modèle de l'intercommunalité est le bon dans notre choix. Il faut mutualiser différemment et donc, je souhaite qu'on puisse avancer. J'ai entendu à Nanterre les élus. Et donc, le ministre va faire un exercice de transparence en mettant la carte de tous ces points en difficulté et des solutions qui sont les plus critiques. Je souhaite qu'on puisse consolider partout où c'est accepté, le modèle de l'intercommunalité et ensuite, qu'on puisse trouver les bonnes solutions de mutualisation. Nouveau syndicat possible, intercommunalité choisie. Mais en tout cas une accélération de cet investissement avec un modèle pluriel, différencié, qui repose sur l'intelligence des élus de terrain et de la diversité du territoire. C'est ainsi que nous avancerons avec efficacité et que je souhaite que nous puissions rendre plus fort ce modèle français de l'eau et cette planification dont nous avons besoin au moment du changement climatique. 

Je ne serai pas plus long. Je voulais vous remercier, Monsieur le maire. Je voulais vous remercier et par votre truchement, remercier vos habitants et peut-être aussi les plus anciens parce que nous sommes dans une commune qui a glissé de quelques dizaines de mètres. Mais je ne sous-estime pas ce que beaucoup ont vécu dans leur quotidien, dans leur chair, dans leurs paysages, dans leur intimité. Ils l'ont fait pour le bien commun. Et ça nous rappelle aussi qu'il n'y a pas de solution collective qui existe pour un pays, si d’abord on n'a pas une stratégie partagée face au changement. Il y a toujours des contraintes, mais il faut les expliquer, les partager, essayer de les planifier, responsabiliser chacun, mais aussi reconnaître l'effort de chacun. 

Il y a ici, il y a 62 ans, des femmes et des hommes qui ont accepté l'effort de parfois bouger la ferme ou la maison qu'ils avaient depuis des générations pour nous permettre aujourd'hui d'avoir de l'eau, de vivre, d'avoir des projets. Ce n'est pas les mêmes efforts qu'on demande à chacun aujourd'hui. Les générations ont changé, mais on aura tous des efforts à faire, des petits efforts intelligents. Mais pour permettre à nouveau à nos enfants de choisir, et je le dis, en responsabilité, quel que soit le sujet. 

Ceux qui expliquent à la Nation qu'il ne faut rien changer pour bien vivre, ce sont comme ceux qui auraient décidé, il y a 62 ans ici, de ne rien bouger. Nous ne serions sans doute pas là pour en parler. La terre serait sèche, il n’y aurait sans doute pas de projet, il n'y en aurait pas non plus en aval. Nous sommes une Nation qui sait que c'est par l'intelligence collective et le sens de l'effort, parfois pour les générations d'après, parce que ce n'est pas toujours pour nous, on construit les grandes choses. Et donc, merci à cette leçon donnée par les habitants de votre commune et merci à toutes et à tous. 

Merci Monsieur le maire. 

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