27 octobre 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription de la conférence de presse du Président de la République au Sommet sur la Syrie

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Istanbul – Samedi 27 octobre 2018

LE PRESIDENT : Monsieur le Président ERDOGAN,

Monsieur le Président POUTINE,

Madame la Chancelière MERKEL,

Monsieur le Représentant spécial des Nations unies,

Mesdames et Messieurs,

Merci d'abord au président ERDOGAN pour son accueil aujourd'hui ici à Istanbul pour avancer sur un sujet important dont vous venez de rendre compte ainsi que le président POUTINE.

Permettez-moi peut-être de commencer mes propos en ayant ici un mot de solidarité à l'endroit du peuple américain et de celles et ceux qui sont apparemment tombés il y a quelques instants à Pittsburgh lors d'une fusillade devant la synagogue - et je veux ici exprimer évidemment notre tristesse et mon soutien à l'égard du peuple américain.

Le sommet que nous venons d'avoir, témoigne de la nécessité de rapprocher et de rechercher des convergences entre les différents formats qui existent dans le conflit syrien. Les deux présidents viennent de l'évoquer : il y a d'une part le groupe d'Astana, d'autre part le « small group » ; et nous avions décidé il y a plusieurs mois d'avoir un travail conjoint en la matière. J’ai, il y a un peu plus d'un an, proposé qu'il y ait une convergence justement de travail sur ces sujets entre les différents groupes afin d'aider aux travaux des Nations unies. C'est ce que nous étions convenus de faire également en mai dernier à Saint-Pétersbourg et notre réunion est une nouvelle étape en ce sens ; et nous agissons ici en parfaite coordination d’une part avec les autres membres du groupe d'Astana mais également avec les Etats-Unis et l'ensemble de nos partenaires européens et arabes du « small group ».

La priorité pour nous tous en Syrie demeure la lutte contre le terrorisme. Cette lutte se poursuit aujourd'hui encore sur le terrain et nous ne devons en aucun cas perdre de vue que c'est notre objectif militaire et politique premier. C'est la première guerre qui se joue en Syrie contre des groupements terroristes qui ont attaqué notre pays et conduit à des attentats mortels extrêmement graves. Mais dans ce contexte-là, notre volonté est de poursuivre cette lutte anti-terroriste en ayant à cœur que l'intégralité des opérations qui sont aujourd'hui à mener, respectent pleinement le droit humanitaire.

C'est pourquoi la priorité aujourd'hui – et ce qui a été au cœur de nos discussions - est la situation à Idlib. Sur ce point, nous avons été très clairs sur le fait qu’une offensive militaire du régime avec le soutien de ses parrains aurait des conséquences sécuritaires et humanitaires inacceptables. Nos intérêts de sécurité, ceux de la Turquie, de la région mais aussi de l'Europe sont directement en jeu.

Le risque est celui de la dispersion des terroristes, de nouveaux flux massifs de réfugiés alors qu'Idlib aujourd'hui accueille déjà les déplacés des précédentes offensives. La Russie et la Turquie ont négocié un accord il y a plusieurs semaines, qui doit être strictement mis en œuvre ; des assurances ont aujourd'hui été apportées sur ce point et avec une volonté réaffirmée dans notre communiqué d'avoir un cessez-le-feu durable dans la région d'Idlib. Nous serons extrêmement vigilants tous ensemble pour nous assurer que ces engagements seront tenus et que le cessez-le-feu sera stable et durable.

Nous sommes également prêts en la matière à accentuer nos efforts en soutien à l'action du président turc sur le plan du renseignement mais aussi sur le plan humanitaire dans la région et nous comptons sur la Russie pour exercer une pression très claire sur le régime qui lui doit très clairement sa survie. J'ai également rappelé que dans cette région comme dans toutes les autres - et notre communiqué est à cet égard extrêmement clair - aucun emploi d'armes chimiques ne saurait être accepté d'où qu'elles viennent.

Le deuxième sujet essentiel en Syrie aujourd'hui, les deux présidents viennent de le dire, c'est le processus politique ; nous ne devons jamais oublier qu'en Syrie, il y a au fond deux guerres : une guerre que nous conduisons tous contre les terroristes sur le terrain et l'ensemble des groupes terroristes et une guerre du régime contre les rebelles, qui a conduit des millions de Syriens à quitter le pays. La situation ne saurait être réglée de manière durable si nous ne trouvons une solution politique qui permette à tous les Syriens de vivre en paix dans leur pays. C'est pourquoi le processus politique permettant l’organisation d'une Syrie inclusive, est absolument essentiel au moment où nous nous parlons.

Le régime est engagé dans une pure logique de reconquête militaire aujourd'hui, qui ne permettra pas de garantir la stabilité de la Syrie et de lutter efficacement contre les groupes terroristes. Dix mois après la réunion de Sotchi, le comité constitutionnel n'a toujours pas lancé ses travaux. C'est pourquoi nous avons souhaité ici réaffirmer sans attendre notre volonté qu'avant la fin de l'année, les listes attendues soient finalisées et qu'une réunion puisse se tenir.

Evidemment, beaucoup de choses ne dépendent pas de nous quatre mais notre volonté est entière pour que nous puissions obtenir ce résultat indispensable pour la solution politique inclusive parce qu’il faut permettre au peuple syrien de décider de son propre avenir dans des conditions crédibles, c'est-à-dire des élections libres et transparentes sous supervision internationale.

Or à ce stade, il n'y a pas eu de gestes tangibles qui permettent d'avancer en ce sens ; il y a donc maintenant à reprendre l'initiative en mettant les puissances concernées, comme nous le faisons aujourd'hui, autour de la table pour relancer la mécanique internationale. Et cette échéance de la fin d'année que nous nous donnons afin, en engageant toutes les parties concernées, de pouvoir réunir ce comité constitutionnel, est une étape essentielle. Nous avons sur ce point une vision convergente et une volonté d'avancer ; c'est ce que nous devons au peuple syrien ; c'est ce que nous devons à la fois à celles et ceux qui ont perdu la vie ces dernières années comme à celles et ceux qui ont fui leur pays pour fuir le régime actuel.

Le troisième sujet que nous avons évoqué et qui est reflété dans notre communiqué conjoint, est évidemment le sujet humanitaire. Le président POUTINE l'a rappelé : nous avons mené il y a quelques semaines une opération conjointe avec la Russie et les Nations unies dans la Ghouta orientale comme nous nous y étions engagés à Saint-Pétersbourg ; opération à l'endroit des populations civiles dans les zones contrôlées aujourd'hui par le régime, en partenariat avec des organisations non gouvernementales qui traitent au quotidien avec ces populations. Nous devons poursuivre cette action conjointe avec la Russie et la Turquie et c'est notre volonté avec la Chancelière allemande, de renforcer l'engagement européen en la matière, pour obtenir un par un, les accès humanitaires aux populations civiles et permettre la stabilisation sur le terrain. Et en l'espèce, il est indispensable que toutes les parties prenantes sur le terrain se mettent en situation d'autoriser l'ensemble des accès de convois humanitaires comme l'ensemble des évacuations humanitaires demandées par la population civile ou les organisations non gouvernementales. Nous assistons encore aujourd'hui à des décisions délibérées de blocages qui ne sont pas acceptables. Nous sommes prêts à avancer sur cette dimension si nous pouvons travailler dans un esprit de confiance et dans le cadre des Nations unies.

Le quatrième point indispensable que nous avons évoqué aujourd'hui et qui est mentionné par notre communiqué, c'est la question du retour des réfugiés. Je tiens ici à nouveau à saluer les efforts faits par la Turquie, la Jordanie et le Liban en la matière. Depuis plusieurs années, ils ont pris leurs responsabilités et ont accueilli une écrasante majorité des réfugiés ayant fui la Syrie, de nombreux autres ayant fui vers l'Europe ou au-delà de l’océan. Mais il nous faut aujourd'hui être très clairs : il n'y aura pas de retour des réfugiés réel, durable, crédible si le processus politique n'est pas engagé car ces réfugiés ont avant tout fui massivement les exactions commises par le régime. Nous assistons d'ailleurs depuis le début de l'année à de nouveaux phénomènes de réfugiés et si nous n'apportons pas la réponse sur laquelle nous nous sommes engagés à quelques-uns sur Idlib, à coup sûr, ce seront d'autres réfugiés qui fuiront cette zone. Il y aura de nouveaux flux à ce moment-là de manière inévitable. Nous devons donc aujourd'hui travailler aux conditions du HCR, c'est-à-dire un retour sûr, digne et volontaire, qui ne sont pas simplement des questions de principe mais de faisabilité opérationnelle, si nous obtenons des avancées sur le reste. Et notre volonté est également, nous nous y sommes engagés, de faciliter le retour de toutes celles et ceux qui le souhaitent, pour lequel ce retour est sûr, digne et volontaire, en ayant des opérations humanitaires sur le terrain pour permettre le retour de l'eau, de l'électricité et leur installation lorsqu'elle est souhaitée, voulue et possible.

Sur l'ensemble de ces questions, ce sommet est une étape utile d'échanges et je veux à nouveau vous remercier, Monsieur le Président ERDOGAN. A coup sûr, le travail qui a été fait par nos équipes et nos échanges sont utiles. Mais je veux ici dire aussi qu'ils nous engagent ; il nous faut sur ce sujet être humbles ; nous parlons de la situation de plusieurs millions de Syriens et Syriennes mais aussi de toute la région qui les entoure et ce que nous avons discuté aujourd'hui comme ce que nous aurons à faire dans les prochains mois, nous oblige et impose un esprit de responsabilité qui supposera aussi beaucoup de vigilance sur la mise en œuvre et tout au long des semaines et des mois qui viennent.

Je vous remercie et merci encore Monsieur le Président, pour votre accueil.

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