« Je veux que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. » Emmanuel Macron, Ouagadougou, novembre 2017.

La culture comme vecteur de renouveau dans notre relation à l’Afrique :

Dans son discours devant l’université Ki-Zerbo de Ouagadougou, en novembre 2017, le Président de la République a appelé de ses vœux la construction d’un nouvel imaginaire commun entre l’Afrique et la France. Ce nouvel imaginaire passe par des liens humains renforcés et une conversion réciproque des regards. C’est dans cet esprit que le président de la République a placé la culture au cœur du partenariat renouvelé entre la France et l’Afrique.

Du fait de l’histoire, une très grande partie du patrimoine culturel africain se trouve aujourd’hui hors d’Afrique, privant de facto les citoyens africains de l’accès à des éléments essentiels de leur culture. Cette privation a conduit, avant 2017, les autorités du Bénin à solliciter, sans succès, la restitution de certaines œuvres présentes dans les collections des musées français.

En mars 2018, le Président de la République a confié la rédaction d’un rapport à Felwine Sarr, écrivain et économiste sénégalais, et Bénédicte Savoy, historienne de l’art française. Ce rapport, intitulé « Restituer le patrimoine africain : vers une nouvelle éthique relationnelle », remis le 23 novembre 2018, a offert un nouvel éclairage sur les circonstances des « captations patrimoniales » et sur la spécificité du patrimoine africain, esquissant des propositions pour la mise en œuvre des processus de restitutions. Selon Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, « restituer le patrimoine africain en Afrique refondera une relation entre la France et les États africains, adossée notamment à l’écriture d’une histoire partagée ». Ce rapport a suscité de nombreux débats en France et à l’international, débats poursuivis dans le cadre du forum « Patrimoines africains : réussir ensemble notre nouvelle coopération culturelles », organisé par le ministère de la Culture et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en juillet 2019. Ce forum a réuni de nombreux professionnels français et européens. Il a permis de partager les bonnes pratiques et de poser les jalons d’une nouvelle approche de notre relation culturelle avec le continent africain, à travers plusieurs enjeux au-delà de l’acte de restitution en tant que tel : le développement des échanges entre musées français et institutions africaines, la circulation des œuvres, le renforcement des partenariats en matière de formation, la nécessité de mieux documenter la provenance des collections, et l’enjeu de transmettre au public français l’histoire des œuvres africaines conservées dans nos musées.

Des engagements tenus avec la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal :

Dans son discours de Ouagadougou, le Président de la République a souhaité « permettre aux Africains, en particulier à la jeunesse, d’avoir accès en Afrique et non plus seulement en Europe, à leur propre patrimoine et au patrimoine commun de l’humanité ». Comme premier acte de concrétisation, il a souhaité engager le processus de restitution des 26 œuvres demandées par le Bénin, prises de guerre du général Dodds dans le palais de Béhanzin en 1892. Cet engagement a été rendu possible grâce au remarquable travail préparatoire effectué par le musée du Quai Branly qui a non seulement permis la conservation et la valorisation de ces objets mais aussi, prochainement, leur restitution.

Dans le même esprit, et à la demande du Sénégal, un prêt de longue durée du sabre dit d’El Hadj Omar Tall et de son fourreau, conservés par le Musée de l’Armée, a été consenti. Il s’agit de deux cas de biens provenant de butins de guerre liés aux conquêtes coloniales, non couverts par des conventions internationales en vigueur. Deux cas pour lesquels les conditions de sécurisation, de conservation et de présentation au public ont pu être garanties par les autorités locales. Au Bénin, les 26 pièces du « Trésor de Béhanzin » ont, en effet, vocation à être exposées dans un nouveau musée des amazones et des rois du Dahomey, dont la construction est soutenue par l’Agence Française de Développement. Quant au sabre, il est d’ores et déjà exposé au Musée des civilisations noires de Dakar dans le cadre d’une convention de prêt de longue durée. En parallèle, un programme ambitieux de coopération culturelle a été élaboré avec les deux pays, afin que la démarche de restitution s’inscrive dans un partenariat global et porteur d’avenir.

La voie juridique qui a été retenue pour permettre ces deux restitutions sans remettre en question l’inaliénabilité des collections nationales, est celle d’un projet de loi spécifique autorisant une dérogation limitée, encadrée et circonstanciée à ce principe, sans conséquence d’ordre général sur le droit patrimonial.

Le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal a permis des débats de grande qualité à l’Assemblée nationale et au Sénat tout au long de son examen. Son adoption par le Parlement le 17 décembre 2020 marque à la fois l’aboutissement d’un long travail et le point de départ d’une politique de coopération renouvelée avec nos partenaires africains.

Une nouvelle politique de coopération patrimoniale avec l’Afrique :

Il ne s’agit pas de restituer l’ensemble des œuvres africaines présentes dans les collections publiques et privées et françaises. Il ne s’agit pas non plus de remettre en cause le principe, constitutif de la conception française des musées, de l’inaliénabilité des collections nationales. Le patrimoine africain doit continuer d’être mis en valeur, aussi bien à Paris, qu’à Dakar ou Cotonou. Les actes de restitutions doivent s’inscrire à la fois dans un processus rigoureux et dans le cadre d’une véritable politique de coopération patrimoniale, permettant toutes les formes de circulation des œuvres : restitutions, mais aussi expositions, échanges, prêts, dépôts, coopérations, etc. Il s’agit pour la France d’engager un dialogue étroit avec ses partenaires africains dans le domaine culturel et patrimonial, et d’apporter son aide financière et son expertise pour la réhabilitation des musées africains, l’amélioration des conditions de conservation et de rénovation, et la formation des acteurs culturels du continent.

Outre le Bénin et le Sénégal, cinq autres pays africains (Madagascar, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Mali, Tchad) ont formulé des demandes officielles de restitutions. Chaque demande est étudiée au cas par cas par les autorités françaises compétentes, en lien avec les acteurs culturels et scientifiques concernés, et en concertation avec l’Etat demandeur. Des programmes de coopération culturelle ambitieux sont construits avec chacun de ces pays, mobilisant une diversité d’opérateurs français (AFD, musée du Louvre, Institut national du patrimoine, RMN-Grand Palais, Musée du Quai Branly-Jacques Chirac…). En Éthiopie par exemple, la France est engagée dans la préservation et la valorisation du site de Lalibela, mais aussi du palais national d’Addis Abeba dans l’enceinte duquel un musée sera créé.

Le nouveau Sommet Afrique France qui se tiendra les 9 et 10 juillet prochains à Montpellier permettra de poursuivre cette réflexion et de construire avec les professionnels du secteur de la culture et du patrimoine du continent africain, de France et d’Europe cette nouvelle politique patrimoniale, ouvrant la voie à toutes les formes de partage et de circulation des œuvres, et à la construction de ce nouvel imaginaire commun.

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