7 septembre 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de presse du Président de la République en Grèce

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI.

Monsieur le Président,

Merci pour vos propos à l’instant, votre engagement, je vais y répondre et je suis très heureux de me trouver aujourd'hui en Grèce, très sensible à l’honneur que vous me faites en me décernant cette haute distinction. Cet honneur est réciproque puisque vous portez et vous êtes déjà titulaire des honneurs de la France.

Je veux avant tout avoir quelques mots pour vous remercier également de vos propos concernant mes compatriotes qui ont été touchés hier par un ouragan et c’est la France qui a été touchée, nous avons plusieurs décès. Il est à cette heure trop tôt pour tirer quelque bilan que ce soit, des dommages matériels très lourds, des Françaises et des Français sidérés par ce qu’ils ont vécu après la violence de ce qui s’est abattu sur eux.

J’ai eu l’occasion hier de tenir une première réunion de crise, le Premier ministre est en ce moment même avec plusieurs ministres à la cellule interministérielle de crise, il fera un bilan cet après-midi. Je veux redire ici combien la France toute entière est mobilisée sur ce sujet. Et je vous remercie, Monsieur le Président de la République, pour vos mots sincères de solidarité.

Je vous remercie aussi d’avoir bien voulu souligner l’émotion que nous avons dans ces moments lorsque nous sommes touchés ou que nos amis sont touchés, parce qu’au moment où nous nous parlons, ce sont aussi les Pays Bas, le Royaume-Uni et beaucoup d’autres nations européennes qui sont là-bas touchées. Nous attendrons dans les prochaines heures à nouveau les Américains, c’est pour les jours à venir aussi une grande menace pour Haïti ou la République dominicaine et donc ce sont des peuples entiers qui sont touchés. Ce sont des nations parfois très pauvres qui sont touchées. Mais cette émotion n’est sincère que si ceux qui les éprouvent veulent bien avoir l’esprit de conséquence et vouloir s’attacher aux causes profondes qui créent ce type d’évènement.

Et vous l’avez rappelé l’engagement pour le réchauffement climatique, ce n’est pas contre le réchauffement climatique, pardonnez-moi, et les déséquilibres de la planète, cet engagement c'est pour réussir à stabiliser la situation dans laquelle nous sommes. Cela nous touche tous et toutes, et ce n’est pas un luxe du quotidien, c’est un engagement indispensable pour nos peuples aujourd’hui et demain. Et c’est pourquoi la France restera déterminée à la fois dans les décisions que nous prenons au quotidien, nous l’avons fait hier en Conseil des ministres, dans les décisions que nous porterons au niveau européen comme dans l’agenda que nous défendrons au niveau international, à lutter contre le réchauffement climatique et à tout faire pour prévenir ce type de désastre.

Monsieur le Président de la République, vous l’avez dit avec beaucoup d’éloquence dans vos propos, nos deux pays sont amis, ils ont une histoire, forte, politique, historique, linguistique, culturelle. Vous êtes en quelque sorte l’illustration même de cette histoire, vous, comme votre épouse, qui parlez le Français, vous qui portez notre langue, qui avez passé de longues années à la Sorbonne et au Conseil d’Etat. Et à ce titre mon épouse et moi-même, nous sommes heureux de venir tresser en quelque sorte ces liens dans ces deux jours que nous passerons à vos côtés.

L’école d’Athènes, la présence même que nous avons ici, ce qui lie nos imaginaires le montrent. L’Europe, les jeunes Français la comprennent lorsqu’ils découvrent l’histoire antique, lorsqu’ils découvrent votre histoire. Permettez-moi de le dire, notre histoire. Et donc ce commun, certains l’ont parfois oublié, ou l’actualité a pu le détourner de nos convictions profondes, mais il nous lie.

Et ce que je veux dire également aujourd'hui c'est que c'est un présent et un futur qui nous rassemblent et dans la marche commune entre nos deux pays, c'est bien cette volonté de redonner à l'Europe tous ses équilibres. Vous l'avez dit, mon prédécesseur dans les fonctions qui étaient les siennes, moi-même dans d'autres fonctions que j'ai pu avoir, aujourd'hui votre serviteur, le gouvernement de la République française et l'ensemble de ses ministres se sont toujours battus pour que la Grèce ait toute sa place non seulement dans l'Union européenne, mais dans la zone euro.

Et à ce titre, je veux ici saluer les réformes, que vos gouvernements ont conduites et j'aurais tout à l'heure l'occasion d'échanger avec monsieur le Premier ministre TSIPRAS sur ce sujet. Mais ces réformes doivent aller de pair avec un engagement collectif qui doit continuer à permettre d'aménager la dette de votre pays. Des erreurs ont été commises, mais le peuple grec les a payées très cher, parfois plus cher que ceux qui avaient pu commettre ces erreurs ne l’ont payé. Et nous devons aujourd'hui trouver la voie d'une réconciliation entre l'esprit de responsabilité et les réformes que chacune et chacun doit conduire et l'indispensable solidarité sans laquelle l'Europe s'effondre.

Je veux répondre ici aux trois lignes de force que vous avez bien voulu esquisser et dans lesquelles je me retrouve. En effet si nous voulons faire avancer l'Europe de concert, nous avons besoin d'avoir une Europe puissante, une Europe qui dans le monde tel qu'il va sait défendre ses intérêts, ses valeurs, sa souveraineté. Je souscris à cette ambition, c'est pour cela que j'ai pu défendre dans le dernier Conseil européen des ambitions en matière de défense, que cette coopération structurée, je souhaite que nous puissions ensemble lui donner plus de sens et qu’une Europe qui existe dans le concert des nations aujourd'hui, c'est une Europe forte sur le plan diplomatique, sur le plan militaire, sur le plan de la sécurité intérieure. Nous avons besoin à cet égard de réponses rapides, nous avons besoin, à ce titre, de faire avancer la coopération structurée permanente et d'avoir une véritable Europe qui permet de protéger face aux grandes migrations et votre pays a eu à les connaître ces dernières années. D’avoir une Europe qui se tienne dans tous les termes de la souveraineté. Pour cela nous devons faire avancer les initiatives récentes qui ont pu être prises et avoir une ambition redoublée, c’est cela ce que je proposerai aussi, dans les prochaines semaines, pour prendre une initiative, de proposer une initiative française à l’ensemble de nos partenaires, mais à vous écouter je sais où la Grèce se trouvera.

Ensuite nous avons besoin d’une puissance économique, forte, notre zone euro doit sortir d’une forme de guerre civile interne où on regarde les petites différences, elle doit retransformer par les réformes, que chacun mène, de manière souveraine, vous le faites dans votre pays, nous le faisons dans le nôtre, mais cela implique cette solidarité que j’évoquais tout à l’heure.

Vous avez ici rejoint plusieurs réflexions dans votre propos, oui, nous avons besoin d’une zone euro plus intégrée, et donc d’un vrai budget de la zone euro, d’un ministre des Finances permanent qui dirige cet exécutif, c’est une responsabilité démocratique au niveau de la zone euro, et à ce titre il faut le maximum d’ambition. A court terme, et avant cela, et sans que ces objets ne se confondent en rien, il nous en effet retrouver les formes de notre indépendance.

Pour ma part je considère que le Fonds Monétaire International n’avait pas sa place dans les affaires européennes, et je souhaite donc que l’Europe puisse retrouver son indépendance pleine et entière, et nous avons créé, durant la crise, des mécanismes qui permettent d’y répondre. Le mécanisme européen de stabilité a cette fonction de gestion de crise, nous devons l’activer, et nous devons en effet aller vers un Fonds Monétaire Européen, mais qui en rien ne se confond avec un budget, c’est un mécanisme, d’accompagnement des crises, pour permettre, aussi, aux uns et aux autres, de pouvoir se relever lorsque des crises comme celle que vous avez eu à vivre sont traversées.

Mais cette zone euro, notre zone euro, si nous voulons la faire avancer, a besoin d’un esprit de responsabilité dans chacun de nos pays, de beaucoup de courage pour mener les réformes, vous le faites ici, nous le faisons chez nous, et de cette ambition partagée pour trouver, là aussi, les termes de la puissance économique qui permettront de produire, de créer, d’innover, davantage sur notre continent. Et à ce titre je veux que nos relations bilatérales s’inscrivent dans cette ambition.

Je suis accompagné d’une délégation de plusieurs dizaines de chefs d’entreprise, grandes, moyennes et petites, je souhaite qu’elles puissent encore davantage participer au redressement de l’économie grecque et contribuer à l’ambition qui est la vôtre, dans votre pays.

Enfin, vous avez parlé d’une forme de cohésion européenne, cette cohésion doit être de valeurs et de droits, et j’y souscris pleinement, mais c’est simplement retrouver l’ambition initiale de notre Union européenne, celle qui nous a tôt liés, et qui fait que l’Europe ne peut pas durablement vivre lorsqu’en son sein certains mettent en cause ses valeurs fondamentales et ses principes, qu’il s’agisse de l’indépendance de la justice, des droits fondamentaux, et nous avons tort d’être timides à ce titre. C’est ce qui nous a fondés, c’est ce qui vient d’ici, et j’aurai tout à l’heure l’immense honneur, à la Pnyx, de m’adresser, devant vos compatriotes, là où la démocratie européenne, ce qui est le cœur-même de notre ambition, de nos valeurs, s’est déployé.

Quiconque oublie l'importance de ce message, ce qui nous tient, ce qui fait que l'Europe est l'Europe, et a pu essaimer à travers le monde, convaincre tant d'esprits, ceux qui considèrent que nous pourrions avoir une forme de lecture émolliente, partielle, de cette ambition première que les Grecs ont portée pour nous, se trompent. Et cette cohésion se porte aussi dans nos droits sociaux, dans l'ambition que nous devons avoir pour nos peuples, l'avenir de l'Europe n'est pas dans moins de droits chez les uns ou les autres, il n'est pas dans la destruction de nos équilibres, il est dans une ambition commune, là aussi unique, que seul notre continent a portée, de réconcilier la force économique et les droits sociaux conquis de haute lutte par chacune et chacun.

C’est d'ailleurs dans cet esprit que depuis plusieurs semaines je mène, avec le gouvernement français, un combat, partout en Europe, pour réformer en profondeur la directive des travailleurs détachés, afin que cette Europe qui poursuit une forme de moins-disant social, qui pense que l'avenir de quelques-uns pourrait se construire dans la déconstruction des droits des autres, ne puisse pas nous égarer, et que l'ambition que nous portons dans chacun de nos pays soit une ambition d'amélioration de la vie de nos concitoyens partout en Europe. C'est à ce titre, aussi, que je ferai, dans les prochaines semaines, des propositions pour aller plus loin et rétablir la confiance dont nous avons besoin.

Depuis maintenant près de 10 ans, vous traversez une situation extrêmement difficile, et votre pays, avec beaucoup de courage, a tenu. Et me rendant ici, en effet, pour cette première visite d'Etat, ce que je voulais vous dire, Monsieur le Président de la République, c'est que la France continuera à se tenir à vos côtés, parce que l'Europe s'est toujours construite en changeant, par des métamorphoses successives, mais avec une ambition toujours accrue. L'Europe ne s'est jamais construite par soustraction, elle s'est construite par ambition.

Et cette ambition européenne que je veux porter, c'est ce que nous vous devons, parce que la résistance dont vous avez fait preuve, le courage de mener plusieurs réformes, la volonté de ne rien oublier des principes, et cette volonté que vous, votre Premier ministre et votre gouvernement, avaient toujours eue, de tenir la Grèce dans l'Europe, alors qu'autour de vous tant d'extrêmes poussaient votre peuple à la quitter, elle nous oblige, elle nous oblige à avoir plus d'ambition encore, pour cette Europe que nous continuons à chérir, elle nous oblige à ne rien céder, ni au cynisme, ni à la facilité, elle nous oblige à retrouver ce qui vient d'ici. Cette ambition folle, que votre peuple a eue il y a plusieurs millénaires, de se tenir comme un peuple, et de considérer que ce qui nous tient c'est la force du peuple et pas la décision de quelques-uns.

Alors, pour toutes ces raisons, nous allons avoir ensemble, avec votre Premier ministre, avec le monde économique, culturel, universitaire de votre pays, des échanges que je sais fructueux, mais c'est dans cette histoire et avec cette ambition que ces échanges seront portés. Merci Monsieur le Président de la République.

 

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