Conférence de presse d'Emmanuel Macron à Sofia à l'occasion du sommet européen sur les balkans occidentaux

18 mai 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription de la conférence de presse du Président de la République Emmanuel Macron à Sofia en Bulgarie

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Palais national de la Culture de Sofia, le 17 mai 2018 

Mesdames et Messieurs, bonjour.

Je souhaitais en effet dire quelques mots et répondre à vos questions à l’issue de ce sommet, à la fois du dîner, la séance de travail d’hier soir, et de celle qui nous a tenus occupés jusqu’à il y a quelques instants.

Nous nous sommes réunis pour un sommet consacré aux relations entre l’Union européenne et les pays des Balkans occidentaux qui a été précédé donc par un dîner de travail informel qui correspond à l’agenda des chefs d’Etat et de gouvernement tel que nous l’avons décidé il y a quelques mois. Hier soir a été une séance importante à mes yeux, où nous avons évoqué l’agenda numérique européen et deux sujets d’actualité que sont l’Iran et le commerce.

Ces sujets, j’ai eu l’occasion de le dire très clairement la semaine dernière à Aix-la-Chapelle, sont des tests de souveraineté pour l’Europe, c’est la question de savoir si nous pouvons avoir des choix souverains, des orientations stratégiques que nous décidons pour nous-mêmes sans dépendance aucune. Cette unité et cette force collective que j’appelais de mes vœux, je considère qu’elles ont fait l’objet d’un rendez-vous positif hier soir puisque les positions qui ont été prises, tant sur l’Iran que sur le commerce, ont été des positions claires et fortes de l’Union européenne.

Sur le commerce, nous avons été en effet très explicites : aucune discussion approfondie ne peut avoir lieu avec les Etats-Unis en l’absence d’une exemption préalable et permanente de tarifs. Si les Américains veulent respecter les règles multilatérales et traiter les Européens comme leurs alliés, alors nous pouvons travailler ensemble sur différents sujets, en particulier la réforme de l’OMC, la lutte contre les surcapacités et des sujets que j’avais eu l’occasion, il y a quelques semaines déjà, d’évoquer ; sinon l’Europe, dans le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce, répliquera pour défendre ses intérêts.

Et c’est en quelque sorte le même sujet, dans un contexte totalement différent, qui est posé avec l’Iran, celui de la souveraineté de l’Union européenne. Notre discussion d’hier a suivi un travail intense en format E3 avec l’Allemagne et le Royaume-Uni et la réunion organisée par Madame MOGHERINI avec les ministres des Affaires étrangères européens et iranien. Nous avons collectivement confirmé la volonté européenne de préserver les bénéfices de l’accord, y compris pour l’Iran, signé en juillet 2015 et de protéger les intérêts légitimes de nos entreprises.

Le choix européen est donc bien, d’une part, de confirmer notre maintien dans l’accord nucléaire de 2015, mais également, comme la France l’avait proposé en septembre 2017 aux Nations unies, d’élargir la discussion au nucléaire après 2025, à l’activité balistique de l’Iran et à l’activité régionale de l’Iran, en particulier en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban. Ces sujets de discussion sont à venir. Nous avons d’ailleurs commencé à les évoquer au niveau des ministres comme dans les échanges que j’ai eus avec le président ROHANI et c’est sur cette base que l’Europe va continuer à avancer. C’est ce que nous avons acté hier.

La Commission européenne a proposé plusieurs pistes d’action rapide, comme l’actualisation du règlement de 1996 dit de blocage, un soutien financier aux PME engagées en Iran et une action de soutien de la Banque européenne d’investissement. Propositions que nous avons soutenues pour avancer rapidement et préserver ces pistes. Qui plus est, ces actions non seulement ont un intérêt dans le contexte iranien, mais me paraissent être des actions indispensables pour construire pleinement une souveraineté économique et financière européenne qui reste aujourd’hui insuffisante à mes yeux et c’est très cohérent avec l’agenda que la France porte depuis un an qui nous avait conduits l’été dernier à avoir un dispositif de protection de nos intérêts et secteurs stratégiques.

L’Europe doit être unie et forte dans les crises ou les tensions, elle doit aussi poursuivre son agenda de réforme. Et sur le numérique et l’innovation, nous avons eu une discussion, je crois, extrêmement convergente qui a pu s’appuyer sur une contribution commune franco-allemande remise il y a quelques semaines qui a pu détailler plusieurs dispositifs européens ou propositions de dispositifs européens de financement, en particulier de l’innovation de rupture. Cette proposition que j’avais poussée au discours de la Sorbonne en septembre dernier a fait l’objet donc d’un compromis franco-allemand et retrouve aujourd’hui le soutien de tous les Etats membres et le soutien de la Commission qui a décidé, pour préciser et mettre en œuvre de telles mesures, de commencer à proposer un dispositif expérimental dans le cadre budgétaire actuel, ce qui me paraît un très bon signal et une mesure tout à fait utile.

Enfin, aujourd’hui, nous avons eu une longue discussion sur les Balkans occidentaux. Sur ce sujet, nous avons eu jusque dans les dernières minutes un échange extrêmement clair, extrêmement précis avec l’ensemble des Etats, certains étant en procédure de négociation, d’autres y aspirant. Le cœur de la discussion s’est porté sur les sujets de connectivité et de sécurité avec des projets très concrets que la France soutient, aussi bien en termes de développement de l’accessibilité numérique, de développement des infrastructures avec les Balkans, comme de développement d’initiatives très concrètes en termes de sécurisation des sociétés, de lutte contre la criminalité. Beaucoup de ces sujets ont fait l’objet d’un agenda commun conclu aujourd’hui qui est une étape importante avec l’ensemble des Balkans occidentaux et seront développés en juillet prochain au sommet qui se tiendra à Londres avec les Balkans occidentaux lors duquel nous reviendrons sur plusieurs points.

Je veux ici être très clair sur la position de la France à l’égard des Balkans occidentaux. Position qui, pour moi, s’inscrit dans le projet européen plus largement porté par la France aujourd’hui, celui d’avoir une Europe à la fois plus souveraine et plus unie. Avoir une Europe plus souveraine suppose d’acter et d’assumer la perspective européenne des Balkans occidentaux. Les Balkans occidentaux correspondent à une région qui est enchâssée dans l’Union européenne actuelle, qui fait l’objet de multiples déstabilisations, pressions et qui pourrait, par Histoire, par pression, se tourner ou vers la Russie ou vers la Turquie. Je pense que ce serait mauvais pour l’Union européenne. Et donc notre intérêt comme notre responsabilité et ce qui nous aidera à construire une véritable souveraineté européenne sur le plan géopolitique, c’est d’ancrer les Balkans occidentaux auprès de l’Union européenne, de le faire avec force et une clarté stratégique que nous avons rappelée et que j’ai souhaité moi-même rappeler.

Le deuxième point, c’est que ceci ne peut pas se faire aux dépens de l’unité et de la cohérence. Et ouvrir un nouveau processus d’élargissement aujourd’hui sans condition aucune ne serait pas sérieux. C’est pourquoi j’ai souhaité m’exprimer clairement sur ce point en indiquant qu’il nous faut œuvrer en tenant compte des contraintes de chacun et avec beaucoup de clarté.

Premier point, donner cette perspective européenne que j’évoquais et récompenser les dirigeants qui font des efforts et sont en train de transformer leur pays. Et on ne peut nier les efforts extrêmement importants faits ces dernières années, parfois ces derniers mois, par plusieurs pays : je pense évidemment à la Serbie, au Monténégro qui sont dans le cadre d’une procédure qui a déjà été enclenchée de négociations, mais aussi à la Macédoine et l’Albanie qui y aspirent.

Deuxième sujet, on ne peut aujourd’hui ouvrir de nouvelles négociations sans conditions et il y a des sujets pointés par la Commission sur les questions migratoires, sur les questions de lutte contre la corruption qui doivent être encore améliorés avant l’ouverture formelle de négociations visant à l’adhésion. Et je crois que c’est une question de sérieux et c’est aussi ce que nous devons comme respect à l’égard des pays qui veulent rentrer dans cette procédure. Et donc, oui pour envoyer un signal d’encouragement, les soutenir, mais le faire avec des conditions claires qui seront à débattre lors du Conseil de juin.

Enfin je pense que ce processus ne peut et ne doit aboutir, en termes d’accession à l’adhésion à l’Union européenne pour les uns ou élargissement pour les autres, que si l’Union européenne se réforme au préalable. L’Union européenne à 28 aujourd’hui, 27 demain, dans ses règles de fonctionnement actuelles, on le voit bien, ne sait plus prendre de décisions suffisamment stratégiques et fortes hors la pression des événements. Si nous voulons avoir une Union européenne plus forte et plus unie, il nous faut aussi moderniser l’Union européenne et la zone euro et pour moi, c’est un préalable à toute adhésion supplémentaire.

Dans l’entre-temps – et c’est le sens de ce sommet –, nous devons sans attendre renforcer nos coopérations concrètes, notamment en matière de sécurité, de connectivité, d’infrastructures. Et c’est sur cet agenda que je souhaite travailler avec l’ensemble des pays membres de l’Union européenne vis-à-vis des Balkans et dans les relations bilatérales que nous avons avec chacun d’entre eux. C’est cette Europe cohérente, réformée, souveraine que je souhaite ici pouvoir porter.

Voilà le cœur des discussions que nous avons eues entre hier soir et aujourd’hui. Je souhaite tout particulièrement, évidemment, remercier la présidence bulgare et le Premier ministre Boïko BORISSOV non seulement pour l’organisation de ce sommet, mais pour la bonne organisation de ces débats et l’engagement que la présidence bulgare a eu depuis le début sur des sujets qui ont pu ainsi avancer. La discussion franche que nous avons eue aujourd’hui sur les Balkans en était une illustration, mais ce que nous sommes en train de finaliser sur les sujets migratoires, les sujets liés à la zone euro ou ce que nous avons réussi à faire et à parachever ces dernières semaines, en particulier sur le travail détaché, doit beaucoup à la présidence bulgare que je tiens ici à remercier. Je vais maintenant répondre à vos questions.

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