27 juillet 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Discours d'Emmanuel Macron à la cérémonie de naturalisation à la préfecture du Loiret

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI.

Monsieur le Ministre de l’Intérieur,

Mesdames, Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le maire d’Orléans,

Monsieur le maire de Saint-Jean-La-Ruelle,

Mesdames et Messieurs les maires,

Mesdames et Messieurs,

Merci infiniment pour votre accueil chaleureux et nous étions, il y a quelques instants à Saint-Jean-La-Ruelle avec des associations remarquables, des femmes et des hommes pour les uns et les autres demandeurs d’asile, pour les autres en procédure et en train d’être intégrés.

Nous avons passé un long moment avec des familles remarquables, des travailleurs sociaux remarquables, et nous avons rejoint cette belle cérémonie qui vous a réuni aujourd'hui ici, et je veux vraiment vous remercier, Monsieur le Préfet d’avoir organisé cela pour nous.

Alors voilà, vous voici donc Français et vos sourires suffisent à témoigner de la joie que cela suscite en vous.

Le décret de naturalisation vous a été remis et je sais combien pour certaines et certains vous l’avez attendu, combien vous vous êtes battus et je dois le dire, c’est pour moi une joie particulière de vous dire aujourd'hui, bienvenue dans la République.

L’usage républicain veut qu’en ce moment solennel vous soit rappelé les droits et devoirs qui vous incombent en tant que citoyen français.

Je sais que les agents de la préfecture l’ont fait, il y a quelques instants, en présence de l’ensemble des maires, ici avec nous.

Vous parlez français, vous respectez les lois françaises, vos enfants souvent sont Français et tous les jours vous côtoyez des Français et vous en partagez les espoirs, les inquiétudes, parfois sans doute déjà les colères.

Vous avez fait toutes les démarches pour devenir Français, votre lien avec la France était donc fort, avant que vous ne deveniez Français aujourd'hui, parce que vous avez déjà en vous une part de notre pays.

En devenant citoyen français, vous bénéficiez de nouveaux droits, comme le droit de vote, et assumez de nouveaux devoirs puisque partout où vous serez dorénavant, vous incarnerez la France. Mais ce que la France désormais vous propose, ce n’est pas seulement cela, c’est quelque chose de plus grand, de plus beau encore, ce qu’elle propose c’est une histoire commune. Je ne veux pas dire par là qu’elle vous enlève votre histoire individuelle, bien au contraire, mais qu’avec la nationalité française, vous rejoignez un peuple, c'est-à-dire une communauté de citoyens, de femmes et d’hommes qui chaque jour ensemble écrivent leur avenir commun.

Vous devenez aussi par la même pour ceux qui ne le sont pas déjà, des citoyens européens.

Cet avenir, il n’est jamais écrit d’avance, tous ceux qui y contribuent, ont le devoir de le changer et chacun y apporte ses croyances, sa sensibilité, son histoire personnelle, ses projets, son talent et tout cela à la fin forme le long fleuve de l’Histoire de France.

Ce que je veux vous dire par là, c’est que désormais vous arrivez riche de ce que vous êtes dans un peuple qui a son histoire, et vous épousez toute son histoire. Ses pages glorieuses, ses pages sombres, sa volonté commune, vous en êtes. Vous devez la connaître, la porter, la défendre avec fierté.

Mais vous êtes chacune et chacun des affluents qui feront l’Histoire de France de demain, avec vos personnalités, vos propres histoires. Et l’histoire de ce peuple, vous allez aussi contribuer à la changer.

La France vous a choisi pour faire partie d’elle, et au-delà des droits et des devoirs, c’est aussi une immense responsabilité et c’est le sel de cette responsabilité que je veux que vous retrouviez, que vous sentiez pleinement en cette cérémonie aujourd'hui. Ce sel, vous savez parfois des Françaises et des Français, nés Français, l’ont perdu. Ils finissent par penser que la République ne donne que des droits, qu’elle n’offre qu’une créance sur le reste de la société et pas de devoir. C’est l’une des lèpres qui divise aujourd'hui le pays et qui fait que ceux qui œuvrent chaque jour pour que les choses aillent mieux ne comprennent plus celles et ceux qui ne s’estiment pas être les codépositaires d’un devoir commun.

Parce que certaines et certains ont oublié qu’être Français, c’est aussi porter la France, chaque jour un peu ou beaucoup, par l’exemple par ce que l’on donne, par ce que l’on fait, par son obstination, par son refus de céder aux facilités. Ce sel, vous, vous le retrouvez et vous l’avez dans la bouche aujourd'hui, ne le perdez plus, plus jamais.

La France est un grand pays et le peuple français un grand peuple, parce qu’il a été fait de femmes et d’hommes nés sur ce sol ou nés ailleurs qui ont toujours eu ce sentiment profond, cette volonté farouche que quelque chose de plus grand qu’eux les portait. Et c’est quand la longueur s’installe, avec elle le cynisme, la volonté de ne voir que ce qui va mal que le pays peut à ce moment-là se déliter.

Nos défis collectifs sont immenses, le travail sera long et il faut avoir l’impatience de l’action, mais la détermination qui va avec le temps. Et vous avez dorénavant chacune et chacun votre part de responsabilité dans cette aventure commune. Et notre responsabilité aujourd'hui, dont vous êtes avec les maires qui vous accueillent, le témoignage vivant, le visage radieux. C'est le grand défi qui est le nôtre. C'est précisément de ne pas faire de la France, le pays de la peur de l'autre, du rétrécissement. C'est de perpétuer la grande tradition française d'universalisme, quand je dis ce mot, il effraie parfois certains. Il y a une culture française mais, elle a toujours aspiré à l'universel, c'est ce qui fait qu'elle n'est d'ailleurs pas réductible à d'autres, qu'elle n’a pas sombré dans un localisme, qu'elle s'est toujours construite par ses affluents multiples qui ont fait le fleuve qu'elle représente.

C'est en considérant que la France ne parle pas seulement aux siens, mais parle toujours en même temps au monde entier, qu'elle est grande.

Et donc le défi qui est le nôtre aujourd'hui, c'est de nourrir sans cesse le projet que certains trouvent un peu fou ou un peu arrogant, d'éclairer l'humanité, de combattre partout l'injustice, les maux où l'humanité s'enlise et perd sa dignité, oublie sa vocation et de le faire au réel, au quotidien.

Je veux ici rendre un hommage tout particulier aux maires qui sont les artisans de ce travail au quotidien et au réel, qui savent chaque matin la force de nos principes mais qui leur donnent pleine vigueur en œuvrant, en accueillant, en changeant le quotidien de nos concitoyens.

Et rappeler tout cela, rappeler qu’elle est notre vocation et le défi qui est le nôtre aujourd'hui, c'est ne céder ni aux peurs, ni aux tentations de repli qui divisent la société, ni non plus aux facilités qui sont parfois celles des bons sentiments.

C’est exigeant le vrai universalisme, c'est exigeant la générosité, parce qu'on ne peut pas donner plus que ce que l'on a, parce qu'on ne peut pas donner plus que ce que les enfants et les filles et les garçons de la République peuvent offrir et quand la République elle-même souffre parfois, c'est difficile. Et donc nous devons conjuguer notre idéal et nos réalités.

Et cela nous le ferons ensemble et c'est cette politique que je veux conduire. La France est ce pays qui s'intéresse aux autres qui tente de les comprendre, qui dialogue. C'est ce pays qui s'inquiète de l'avenir du monde et entreprend de le rendre meilleur par la parole, par l'action. Et en vous accueillant aujourd'hui parmi ses citoyens, la France démontre qu'elle n'est pas une communauté de sang, mais une communauté d'idéaux, de destin, de valeurs, une communauté que rapproche cette conception commune de la vie ensemble et de la valeur de l'homme. Et cette tradition d'accueil aujourd'hui nous le savons, elle est mise à l'épreuve par l'évolution du monde. Vous êtes là maintenant pleinement citoyen français.

Mais notre pays est bousculé par des doutes, par des tensions par une crise qui est une crise mondiale qui conduit à des grandes déstabilisations, des grandes migrations. C'est un défi moral, civilisationnel, un défi de politique publique et d'organisation au quotidien que nous avons à conduire. J’entends comme vous chaque jour, à peu près tout et son contraire, les uns avec des discours généreux mais, qui n'expliquent pas aux autres comment on intégrera toutes celles et ceux qui pourraient arriver d'où qu'ils viennent, quelles qu'en soient les conditions et qui pensent que, avec des chiffres, des bons sentiments, on fait un pays. Et les autres durs qui ne veulent plus accueillir personne, qui parfois construisent des murs, d'autrefois conduisent à des actes d’une violence inadmissible sur notre territoire.

Ce que nous avons à faire aujourd'hui, c'est à regarder le monde tel qu'il est, bouleversé par le terrorisme et la crise économique et environnementale, les grandes migrations, avec des migrations subies, ces routes de la nécessité qui traversent le Proche et Moyen-Orient, les Balkans naguère, l'Afrique tout entière et la Méditerranée. Et de savoir comment nous pouvons nous tenir comme nation, être à la hauteur de nos idéaux en sachant l'expliquer à nos concitoyens et en sachant le faire.

Vous ne seriez pas là si la République n’était qu’une instance qui dit des mots et ouvre des droits, si vous êtes là, c’est que vous avez fait un effort d’apprendre une langue, de poursuivre un chemin individuel, et qu’il y a des femmes et des hommes qui, dans les services de la République, vous ont accueilli, qui, dans les associations, vous ont conduit, des élus locaux qui ont travaillé avec vous et des services de l’Etat, qui ont œuvré pour que vous puissiez être là.

C’est ce travail-là qui compte, et que nous devons conduire, avec autorité et humanité, avec générosité et pragmatisme. La France doit jouer pleinement son rôle à l’égard de ceux qui sont en besoin manifeste de protection, et qui relèvent de ce fait du droit d’asile, les persécutés, les combattants de la liberté. Et c’est sa vocation. Et je serai sur ce point intraitable, je l’ai dit, nous sommes en train de le faire, et nous le ferons.

Celles et ceux que nous devons protéger parce qu’ils demandent l’asile, parce que leur vie est en danger dans le pays d’où ils viennent, doivent être accueillis sur notre territoire;0 laisser errer de frontière en frontière des familles entières, ne pas secourir ceux qui remettent leur destin entre les mains des passeurs peu scrupuleux, se voiler la face devant la misère et l’angoisse de ces milliers d’exilés, ce n’est pas la France.

Mais l’ensemble de ce qu’on appelle affreusement les migrants aujourd’hui, ce ne sont pas tous des femmes et des hommes qui demandent l’asile, et qui viennent d’un pays où leur vie est menacée, il y en a beaucoup, et de plus en plus, qui viennent de pays sûrs et qui suivent les routes de migrations économiques, qui nourrissent les passeurs, le grand banditisme, parfois le terrorisme, et là, nous devons être rigoureux, et parfois intraitables, rigoureux avec celles et ceux qui viennent par ces voies, et qu'on ne peut pas tous et toutes accueillir, et intraitables avec les filières qui les font venir jusqu'à nous, parfois, la plupart du temps, au péril de leur vie.

C'est cette grammaire qu'il nous faut expliquer à nos concitoyens et qu'il nous faut conduire en actes, et donc je ne veux pas d'une France qui se replie derrière ses frontières, mais je ne veux pas d'une France qui fait croire aux gens dans le reste du monde qu'on peut faire tout et n'importe quoi, il n'existe pas le pays qui peut aujourd'hui accueillir l'ensemble des migrants économiques, il n'existe pas ; il y a aujourd'hui, au moment où je vous parle, entre 800.000 et 1 million de femmes et d'hommes qui attendent dans les camps en Libye.

Pensez-vous que ce sont 800.000 et 1 million de réfugiés demandant l'asile politique ? Non, beaucoup, beaucoup viennent de pays où les difficultés économiques, la manipulation, parfois, la crédulité les ont conduit à suivre des voies dangereuses. Mais ils viennent de pays qui ne risquent rien, ils traverseront la Méditerranée au péril de leur vie, une fois encore, et erreront de pays en pays en Europe pour se faire expliquer à chaque fois qu'ils n'ont pas le droit à l'asile, nous devons donc l'expliquer et prévenir cela.

C’est pourquoi la France a un rôle, une responsabilité, et avec elle, l'ensemble des pays de l'Union européenne, sur le plan international, et je veux que vous compreniez la cohérence de cette action aujourd'hui, je suis là devant vous, à Orléans, j'étais il y a deux jours dans la région parisienne avec messieurs SARRAJ et HAFTAR, deux responsables politiques et militaires en Libye, c'est le même sujet dont il est question, stabiliser politiquement la Libye, réussir à briser ces routes de la peur, de la nécessité et du terrorisme qui, aujourd'hui, font écrouler ce pays sous l'afflux de migrants, démanteler en amont ces filières, c'est la même aventure, c'est le même rôle, qui est celui de la France.

Et donc ce que notre pays conduira à l'international, c'est une politique exigeante pour construire la paix partout dans le monde, pour stabiliser les Etats, un Etat failli est un Etat où tout est bouleversé, où on subit des migrations profondes par les déséquilibres politiques, pour les construire avec les peuples et dans des équilibres régionaux. La stabilité dans la zone syro-irakienne est fondamentale, parce que c'est aussi cela qui se joue, et la France y œuvrera. Et la stabilité en Libye est essentielle, pour démanteler ces routes des migrations contemporaines, et donc dans les prochains mois, nous œuvrerons avec nos partenaires européens pour stabiliser la Libye, mais aussi pour construire avec le Niger, avec d'autres pays partenaires, les politiques de développement.

Nous avons, à cet égard, lancé l'Alliance pour le Sahel, il y a quelques semaines, je l’ai annoncé à Bamako, qui permette de vivre heureux dans le pays où l'on est né et de ne pas subir l'obligation d'émigration. Nous conduirons, partout dans la région, des politiques de démantèlement des filières terroristes, de trafics d'êtres humains. Nous créerons les voies et moyens de traiter les demandes d'asile sur le sol africain plus tôt, dans de meilleures conditions, pour éviter que des familles entières prennent des risques, parfois perdent la vie, pour une procédure qui leur est d'ores et déjà impossible d'atteindre.

Ce travail, c'est celui que nous avons initié depuis plusieurs semaines, mais c'est la même chose que ce dont nous parlons aujourd'hui, l'exigence française, pour préserver les droits de celles et ceux qui risquent leur vie, se battre pour la liberté, démanteler les filières terroristes, mais ne pas tout confondre. C'est ensuite à l'échelle européenne que ce combat se mène, et que nous pourrons réguler l'accueil de ceux qui sont en besoin de protection, pour donner toute son effectivité au droit d'asile, l'effectivité, c'est un beau mot de la philosophe Simone WEIL pour parler de la réalité d'un droit, pas d'un mot, pas encore d'un bon sentiment, la réalité d'un droit dans tout ce qui l'emporte.

C’est pourquoi nous devons finaliser au niveau européen les négociations en cours sur l'asile, il faut que l'Union européenne maîtrise mieux ses frontières extérieures et réaffirme le principe de solidarité dans la répartition des réfugiés. Et donc ce que je veux que nous puissions développer avec nos partenaires, c'est une politique européenne beaucoup plus ambitieuse en matière de développement, l'Alliance pour le Sahel, que nous avons lancée, c'est la volonté de travailler sur des projets concrets, mais pas simplement français, en associant l'ensemble de nos partenaires, nos partenaires européens, les organisations internationales pour, sur le terrain, financer ces actions concrètes.

C'est ensuite la nécessité au niveau européen d'organiser un droit d'asile, comme une protection des frontières communes, des coopérations entre les pays voisins qui, aujourd'hui, il faut bien le dire, sont défaillantes, près de la moitié de celles et ceux qui s'inscrivent dans des procédures d'asile en France ont déjà été refusés dans un pays européen voisin. C'est une très large majorité en région parisienne, c'est le fruit d'un dysfonctionnement que nous avons au sein même de notre Europe, et il faut y remédier.

J'ai souhaité que nous prolongions les contrôles aux frontières intérieures jusqu'au 1er novembre, et avec l'Allemagne, je souhaite que le système Schengen soit modifié pour permettre le rétablissement de ces contrôles en cas de crise migratoire, mais plus largement, nous sommes en train d'accélérer la coopération entre la France et l'Allemagne pour que, en particulier, nos règles, nos pratiques, en matière de droit d'asile, se rapprochent et soient de plus en plus semblables. Aujourd'hui, le défi de l'Europe, c'est de mieux s'organiser, c'est de mieux coopérer, mais c'est de tout faire pour, là aussi, se protéger et savoir accueillir celles et ceux que nous devons accueillir, parce que leur vie est en danger, parce que ce sont ces combattants de la liberté.

Et c'est pourquoi je souhaite que l'Union européenne, et à tout le moins, la France le fera-t-elle, puisse aller traiter les demandeurs d'asile au plus près du terrain, dans l'Etat tiers le plus sûr, proche justement des Etats d'origine. C'est pourquoi nous développerons des missions de l'OFPRA qui iront, les unes, sur les hotspots italiens, pour améliorer notre coopération avec l'Italie, en termes justement de demandeurs d'asile, les autres, sur le sol africain, dans les pays sûrs, où nous pourrons organiser ces missions, pour traiter des demandeurs d'asile, et leur éviter de prendre des risques inconsidérés.

Enfin, c'est sur notre sol que se joue aussi le traitement administratif des demandeurs d'asile, afin que ceux qui en sont déboutés n'attendent pas un an, 18 mois, deux ans sur notre sol, dans des conditions précaires, voire choquantes, mais que les délais puissent être réduits.

Monsieur le Ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, c’est le plan qui a été présenté le 12 juillet dernier et dont vous avez la charge, qui est conduit par vos services en lien étroit avec toutes les associations qui travaillent sur ce sujet, avec toutes les collectivités locales, avec l’OFPRA, avec la CNDA et l’ensemble des acteurs publics qui, justement, construisent ce travail.

La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité là aussi. Mais je veux que partout où sont construits ces hébergements d'urgence qui permettent de les accueillir, il y ait les dispositions administratives qui permettent de traiter leur dossier.

Ce qui ne va pas dans notre pays, c'est qu'il y a d'un côté ceux qui pensent que lorsqu'on accueille dignement, les gens continueraient à s'installer. Il est rare, quand on est véritablement réfugié, qu’on soit gêné par trois ou quatre mois dans les rues de Paris pour vous parler crûment. Et il y a, de l'autre côté, ceux qui veulent développer des logements mais qui voudraient qu’il n’y ait aucun traitement administratif, aucune procédure. Que ce soit une générosité pure en quelque sorte, mais qu'il n'y ait aucun devoir.

Je veux que partout, et c'est l'immense travail que vous aurez à conduire mais je sais que vous en avez la détermination partagée, partout des hébergements d'urgence. Je ne veux plus de femmes et d'hommes dans les rues. Mais partout, dès la première minute, un traitement administratif qui permet de déterminer si on peut aller vers une demande d'asile ou non. Et derrière, une vraie politique de reconduite aux frontières. Notre pays a mis en place un système qui est perdant pour tout le monde.

Un traitement indigne dans les premières semaines et les premiers mois. Des délais beaucoup trop longs, qui fait que des concitoyens futurs ou des femmes et des hommes venant d'autres pays qui n'ont aucune chance d'avoir in fine la nationalité, s'installent dans une précarité coupable et ne repartent plus, et une inefficacité complète en termes de reconduite à la frontière.

A chaque fois, on met au mauvais endroit la volonté d'efficacité et les bons sentiments. Ça n'est pas un bon sentiment quand quelqu'un n'a pas les titres et doit être reconduit à la frontière de le garder sur le territoire français. Parce qu'à ce moment-là, les règles ne veulent plus rien dire. Parce que vous, qui êtes citoyen français, qui travaillez, payez vos impôts en France, je vous dis quoi ? Comment je peux vous regarder dans les yeux en vous expliquant que c'est une bonne chose ?

Je ne sais pas non plus vous expliquer que c'est une bonne chose de laisser des semaines, des mois, des gens qui parfois peut-être viennent de vos pays, qui peuvent avoir un chemin dans la République et qu'on traite de manière indigne. Accueil digne mais traitement administratif dès le début. Raccourcissement drastique de toutes les procédures : la procédure administrative dans un premier temps, la procédure OFPRA.

Tous les dossiers seront traités d'ici la fin de l'année en deux mois pour l'ofpra. Et c’est au total en six mois que je veux qu'on puisse traiter les dossiers de demande tout compris. Nous réorganiserons aussi la CNDA trop lourde, donc il faut organiser sur tous les territoires pertinents des structures pour traiter les dossiers au plus près du terrain.

Et enfin, je veux là aussi réaffirmer notre tradition d'accueil des réfugiés afin de jouer notre rôle. Les places d'hébergement devront être plus nombreuses ; l'intégration doit être améliorée à la fois par la création de places supplémentaires en centres provisoires d'hébergement, par le doublement progressif des heures d'enseignement du français. C'est le plan, Monsieur le ministre, que vous avez aussi prononcé parce que là, de la même façon, on doit être plus rigoureux, traiter plus vite les dossiers.

Mais vous le savez bien, vous qui êtes là, nous avons besoin d'améliorer l'intégration dans la République plus vite, mieux. Nous avons vu tout à l'heure une association qui mène un travail remarquable et il y en a beaucoup sur le sol français. Il faut les encourager, maintenir les financements, favoriser partout des financements de logement durable avec un accompagnement social, avec des travailleurs sociaux, et progressivement supprimer toutes les formes de logement précaire, chambre d'hôtel ou autres, qui ne sont pas dignes de l'accueil mais surtout qui laissent des femmes et des hommes qui n'ont pas de repères dans la société française livrés à eux-mêmes.

Là aussi, l'humanité se conjugue avec l'efficacité. Si on sait faire cela, si on améliore justement ces procédures, l'intégration se fait mieux, plus vite et la part que chacun prend dans la République est encore plus vive. Et pour ceux, comme je le disais, qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir l'asile, nous appliquerons dans d’égales conditions de dignité et de respect de la personne humaine les procédures de retour dans le pays d'origine qui doivent, elles aussi, être rendues plus efficace par des politiques de coopération avec les Etats d'origine et certains Etats tiers. Cette implication, elle va avec la politique de développement et de coopération que nous évoquions il y a un instant. C’est une responsabilité partagée.

Vous le voyez, mesdames et messieurs, c'est un combat qui ne se fera pas en un jour. Nous verrons encore dans notre pays des choses inacceptables auxquelles je ne me résous pas. Des violences, des traitements indignes qui n'ont pas lieu d'être et que nous éradiquerons méthodiquement, progressivement. Des comportements de rejet, des murs qui s'érigent. Il faut aller expliquer avec détermination, parce que cette incompréhension c'est le fruit de la peur. Il faut expliquer, montrer.

Il y aura des comportements inadmissibles, il y aura des pratiques de certaines ou certains qui, arrivant dans notre pays, se livrent à la délinquance, certains avec des comportements, là aussi, inadmissibles. Nous appliquerons, avec tous et toutes, la même rigueur.

L'esprit de ce que je viens d'évoquer rapidement devant vous, dont une des composantes est le plan présenté par le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur et quelques-uns de ses collègues le 12 juillet dernier, c'est le seul moyen d'être à la hauteur, à la fois de ce qu'est la République française, et de ce que sont les défis du monde contemporain.

Nous le gagnerons tous ensemble ce combat, en nous rappelant chaque matin l'importance de nos valeurs et en nous rappelant chaque matin que nous en sommes tous et toutes les co-dépositaires, mais je crois à cette politique de générosité et de responsabilité. Je crois au fait que nous devons, pour chacune et chacun, avoir un traitement digne, selon les lignes que je viens d'évoquer, mais aussi une vraie responsabilité, une efficacité des contrôles, des règles à respecter.

Vous-même, à un moment de votre vie, vous avez été accueillis par la France, des amis, une famille, ou des amis et une famille que vous vous êtes inventés, que vous avez redécouvert, que vous avez choisis. Tout n'a certainement pas été facile, et je n'ignore rien du fait que le moment de joie d'aujourd'hui vient sans doute après beaucoup d'angoisses, peut-être des moments de détresse, mais vous ne seriez pas là aujourd'hui s'il n'y avait pas des citoyens Français, une République française, qui n'avaient cru en vous et qui avaient ces règles qui vous permettent d'être là.

Et à partir d'aujourd'hui, vous voici citoyens Français, pleinement, et vous allez aussi être les dépositaires de cet esprit d'humanisme, de cette générosité, et de ces règles qui tiennent la vie ensemble. Vous allez faire partie de ce peuple, dont l'histoire est unique, mais qui porte cela, tous ensemble. Et votre patience, votre persévérance ont payé. Je compte maintenant sur votre attachement plein et entier à la France, que toute cette énergie que vous avez mise pour être membre à part et entière du peuple français, vous la mettiez, à partir d'aujourd'hui, à le faire grand, à le faire vivre, à le comprendre, le connaître chaque jour mieux, mais aussi à le transformer, à le grandir encore par ce que vous êtes. C’est la clé de sa grandeur, c'est ce qu'il a toujours choisi.

La République n'a pas toujours la tâche facile dans l'accomplissement de sa mission, parce qu'elle confronte, et c'est son histoire, sa grammaire, les idéaux au réel, c'est cela la République, s'il fallait en donner une définition. Ce sont les plus beaux idéaux, ceux- mêmes qui figurent sur nos frontispices, « Liberté, Egalité, Fraternité », chaque jour confrontés au réel.

La République n'est plus la République quand elle oublie sa formule et qu'elle renonce à ses idéaux, mais la République n'est pas davantage la République quand elle pense que ses idéaux ont vocation à n'être que des idéaux et que le réel est tout autre.

Vous êtes, vous serez, au réel de la République.

A ce moment où ces idéaux se croisent avec le quotidien, je vous le dis à vous qui devenez aujourd'hui citoyens Français, je le dis aux maires qui sont ici présents, dont je sais la charge, et à l'ensemble des élus de la République, nous avons des différences, des discordes, notre peuple est grand parce qu'il est aussi un peu plus critique, mais n'oublions jamais ce qui nous rassemble au-delà de tout ça, ce sont ces idéaux conjugués au réel. C'est cela la tâche à laquelle nous devons nous atteler, plus grande encore chaque jour, et à laquelle, je dois vous le dire, à vos côtés, et pour vous, je ne cèderai rien, ni des idéaux, ni du réel.

Vive la République et Vive la France !

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