6 avril 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription Discours du Président de la République en clôture de la conférence du Cèdre

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Centre de conférence du Ministère des Affaires Étrangères – Vendredi 6 avril 2018

 

Monsieur le Premier ministre, cher Saad HARIRI,

Madame la Directrice générale de la Banque mondiale, chère Kristalina,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Chers Amis,

À l'heure où le Levant traverse sans doute un des pires moments de son histoire avec la tragédie cruelle que connaît le peuple syrien, les incertitudes qui continuent d'entourer le conflit israélo-palestinien et les tensions autour des plus grandes puissances de la région, il est plus capital que jamais de préserver un bien précieux entre tous, celui d'un Liban pacifique, divers et harmonieux, fidèle à l'engagement pluraliste qui a présidé à sa création. Et votre mobilisation marque la conviction partagée par la communauté internationale qu'un Liban responsable, fort, préservé, encouragé et soutenu, est absolument essentiel pour construire patiemment les conditions d'une paix restaurée au Proche-Orient.

Beaucoup peuvent avoir la tentation, dans le contexte que je viens de rappeler, de lâcher prise ; de dire qu'en quelque sorte, les conflits régionaux pourraient avoir raison de tous les équilibres nationaux. Le choix que votre pays a fait ces dernières années, c'est de poursuivre son chemin. C'est aujourd'hui un chemin singulier dans la région, celui d'avoir une stabilité, des institutions, de renforcer l'Etat, d'aller vers des élections librement organisées et de préserver un cadre démocratique et pluraliste.

Je veux croire - et je crois toutes celles et ceux qui sont là aujourd'hui - que ce choix singulier peut être un exemple qui nous aidera à stabiliser toute la région. Je suis sûr d'une chose : c'est que si nous cédons aux pressions de la région, si nous décidons en quelque sorte d'importer au Liban tous les conflits de la région et de laisser les déstabilisations voir jour ou s'accroître, alors nous aurons en quelque sorte coupé un chemin possible et nous aurons ajouté du malheur au malheur.

Cet engagement, c'est celui que votre pays a pris, c'est celui que vous vous êtes engagés à poursuivre, celui sur lequel je me suis engagé à vos côtés en septembre dernier lors de la visite en France de vous-même, Monsieur le Premier ministre ; c'est celui que j'ai ensuite réaffirmé avec votre président, le Général AOUN, lorsqu'il est venu en visite d'Etat en France et qu'il a lui-même fortement réaffirmé.

Face à l'urgence d'aider le Liban à relancer son économie, j'avais à cœur que cette conférence puisse être organisée au premier semestre de l'année 2018 et je l'avais confirmé lors de la réunion du groupe international de soutien le 8 décembre dernier. C'est désormais chose faite. Cette journée de travail, sous la coprésidence des ministres Jean-Yves LE DRIAN et Bruno LE MAIRE, que je remercie, a été fructueuse. Et je tiens à remercier tous les pays et toutes les organisations internationales ainsi que les représentants des entreprises et sociétés civiles pour leur analyse, leur soutien politique, leur mobilisation et leur contribution. Je veux aussi remercier l'ambassadeur DUQUESNE, vous l'avez rappelé, qui a œuvré ces derniers mois pour que cette conférence s'organise dans les meilleures conditions et puisse obtenir le résultat de ce jour.

Grâce à cette mobilisation et à l'esprit de responsabilité dont ont fait preuve les autorités libanaises, la situation est aujourd'hui plus favorable. Elle est plus favorable parce que vous avez décidé collectivement de vous engager parce que – et j’y reviendrai - le gouvernement libanais s'est engagé dans des réformes et parce que les Libanais s'apprêtent à élire le 6 mai prochain leurs représentants au Parlement, après 9 ans sans élections législatives. Et le gouvernement travaille aujourd'hui pour répondre aux défis sécuritaires, économiques, humanitaires du pays. La mobilisation d'aujourd'hui, non seulement participe de cette nécessité pour toute la région mais aussi de la cohérence que nous devons nous-mêmes avoir à l'égard du Liban.

Le Liban est en effet un pays qui a été profondément marqué par les blessures de toute la région, marqué par les conflits ; il porte encore aujourd'hui les stigmates des conflits et des crises qu'il a traversés, qui ont favorisé des pratiques illégales, retardé les investissements économiques indispensables et qui aujourd'hui a encore face à lui des besoins de base à couvrir : l'accès à l'électricité, à l'eau, au traitement des déchets, aux transports publics, à Internet, à la santé, à un environnement sain ; un immense capital humain à faire fructifier et à ses difficultés propres, se sont ajoutées les difficultés de la région puisque le Liban a eu à faire face à toutes les conséquences de la guerre civile syrienne, en accueillant sur son territoire plus d'un million de réfugiés syriens.

Le peuple libanais a fait preuve d'une générosité exceptionnelle mais il a ajouté à ses propres difficultés des difficultés nouvelles. Le niveau de vie des réfugiés et des Libanais les plus pauvres s'est détérioré ; plus de 3 millions de personnes vivent dans le besoin au Liban. Et donc pour toutes ces raisons, il est de notre devoir d'être pleinement solidaires. La poursuite des combats en Syrie rend malheureusement impossible le retour rapide des réfugiés syriens ; les offensives du régime de Bachar EL-ASSAD, comme récemment dans la Ghouta orientale, ont pour unique résultat, davantage de destruction et davantage de personnes déplacées. Il est donc de la responsabilité de tous les acteurs régionaux de contribuer à mettre fin à cette logique funeste et à tous les acteurs internationaux d’aider dans le court terme le Liban à faire face à ces défis et d’œuvrer pour construire la stabilité qui seule dans la durée permettra de retrouver une situation normale.

Dans ce contexte difficile, j'avais le 8 décembre dernier à Paris pris plusieurs engagements et l'ensemble de la communauté internationale s'est mobilisée pour qu'ils soient tenus. Le cycle de conférences internationales de soutien à l'Etat libanais et à ses institutions a débuté à Rome le 15 mars avec la conférence de soutien à l'armée et aux forces de sécurité intérieure ; il se poursuit aujourd'hui avec la conférence CEDRE et les 24 et 25 avril, la rencontre dite Bruxelles 2, portée par Madame la haute représentante Federica MOGHERINI que je tiens à remercier pour son engagement, et par les Etats-Unis, permettra de renforcer notre aide humanitaire au Liban et aux autres pays qui accueillent des réfugiés syriens.

C'est cette mobilisation exceptionnelle dont nous avons collectivement besoin pour garantir la stabilité et dont le Liban a besoin pour réussir ce chemin.

Vous avez aujourd'hui permis une avancée importante et je veux à nouveau vous en remercier. D'abord parce que cette mobilisation a permis d'apporter non seulement des engagements publics mais aussi des engagements privés et d'accompagner le Liban sur ce chemin. La France, comme je vous l’ai confirmé, se tiendra à vos côtés en accordant 400 millions d'euros de prêt concessionnel au Liban et en complément, en doublant le montant des dons que l'Agence française de développement accorde aujourd'hui au Liban. La France octroiera pour 150 millions d'euros de dons sur la même période en plus et cet engagement de la France d'un total de 550 millions d'euros en dons et en prêts à des conditions concessionnelles, financera des projets d'infrastructures prioritaires, inscrits dans le plan d'investissement des autorités libanaises.

Au total, la conférence actuelle permettra de mobiliser un peu plus de 11 milliards (de dollars) d'engagement public. J'espère que plusieurs pays continueront à se joindre dans les prochaines heures et les prochains jours à ces engagements. Elle permettra également de mobiliser des engagements privés et le plein soutien d'entreprises. Mais tout cela n'a de sens que parce qu'il y a surtout l'engagement du gouvernement libanais et votre volonté en profondeur de transformer le pays et de porter des réformes indispensables. En matière d'eau, de justice, de marchés publics, vous avez pris des premières décisions qui étaient très attendues et qui sont structurantes. Il convient dans les prochains mois et après les élections législatives de manière renforcée, de poursuivre ces réformes - nous venons ensemble d'en parler - et je sais combien vous tenez à cela parce que c'est ce qui dans la durée, permettra au Liban de pleinement réussir ; c'est ce qui permettra à toutes celles et ceux qui portent des engagements publics, de les confirmer et les poursuivre mais c'est ce qui permettra de les démultiplier par des engagements privés, des investissements dans la durée, le retour à une économie normale, la capacité à former, embaucher et déployer de nouveaux secteurs économiques.

Nous serons à vos côtés pour ce travail mais il implique, je le sais, beaucoup de courage, beaucoup de détermination. Et je souhaite que l'engagement de la communauté internationale aujourd'hui soit un signal fort à l'égard du peuple libanais, à la fois de soutien mais de détermination collective pour poursuivre ces réformes plus fortement encore.

La France, vous le savez, a toujours été présente lorsqu'il s'est agi de tenir dans les temps les plus difficiles ; elle l’a fait dans les moments les plus critiques - je pense aux heures sombres de la guerre civile au cours de laquelle la France s'est notamment engagée au sein de la Finul il y a exactement 40 ans. Mais par la suite, notre soutien a aussi consisté à aider le Liban à se relever, à se reconstruire, à faire face à ses difficultés financières. C'est ce que nous avons fait lors des précédentes conférences économiques qui se sont réunies à Paris et depuis 2007, le président CHIRAC – à qui je veux ici rendre hommage pour son engagement constant aux côtés du Liban - avait notamment pris l'initiative d'une conférence de soutien qui avait permis au Liban de se redresser après le terrible conflit de l'été 2006.

Onze ans plus tard et alors que le Liban a beaucoup enduré, notamment depuis le début de la guerre civile syrienne comme je l'évoquais, il s'agit de renouveler notre effort, mais non pas de voir à travers celui-ci un point d'achèvement mais bien un nouveau départ. Un nouveau départ pour votre pays, un nouveau départ qu'accompagne toute la communauté internationale et avec un suivi indispensable qui devra dès demain se mettre en place.

Cette conférence n'a de sens que si elle est relayée par votre volontarisme, par le courage de votre Président, par des institutions fortes et des actions vigoureuses mais également par un suivi précis qui commencera dès la formation du nouveau gouvernement que nous espérons rapide après les élections. Parce que j'ai confiance dans notre détermination collective mais parce que je sais aussi que, vis-à-vis du peuple libanais, de toute la région et de la communauté internationale, cet effort collectif n'a de sens que s’il s'accompagne de transformations profondes.

Vous l'avez compris, Monsieur le Premier ministre, mes chers amis, nous sommes collectivement derrière le Liban, compte tenu de tous les défis du moment et de tous les défis de la région. C'est ce qui explique cette mobilisation inédite de la communauté internationale et la réussite de cette conférence. Mais c'est ce qui vous donne - et pardon de cela encore - une responsabilité tout aussi inédite : celle de préserver ce trésor qu'est le Liban dans la région par ce qu’il représente et ce qu'il constitue…

(applaudissements)

… Par cette capacité à faire que chacune et chacun soient représentés, quelle que soit sa religion, sa sensibilité politique ou son origine et celle de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que ce modèle, par sa réussite, en inspire d'autres. Et nous, nous continuerons inlassablement, dans toute la région, à faire que partout, ce pluralisme, cette capacité dans la durée à construire la paix deviennent le modèle parce que je suis convaincu d'une chose : il peut y avoir des valeurs qui dépendent d'une région ou d'une autre, nous pouvons remettre en perspective ce que notre monde a parfois construit, mais le respect de l'autre, la paix, le droit de croire ou de ne pas croire, ce ne sont pas des valeurs qui appartiennent uniquement à l'Europe ou à l'Occident, ce sont des valeurs pour l'humanité tout entière. C’est ce que nous avons su construire ces dernières décennies et votre pays l’illustre. Et quand certains voudraient nous faire croire que dans votre région, un nouveau modèle pourrait émerger qui soit le modèle de la domination d'une religion, d’une ethnie, de l'un sur l'autre… ils font cruellement bégayer l'histoire.

Alors, vous l'avez compris, en aidant le Liban aujourd'hui, nous voulons aider toute la région et en aidant dans toute la région, je suis convaincu d'une chose, c'est que nous nous aidons beaucoup nous-mêmes. Et pour toutes ces raisons, Monsieur le Premier ministre, Mesdames, Messieurs, je veux vous remercier pour votre engagement et la réussite de cette conférence. Je veux vous dire combien, Monsieur le Premier ministre, nous comptons sur vous et sur votre Président pour mener à bien ces indispensables réformes et pour suivre ce chemin du Liban, et combien vous savez pouvoir compter sur nous pour que triomphe cette voie particulière parce que je la crois profondément universelle.

Je vous remercie

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