27 octobre 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Discours du Président de la République à la 22ème conférence des Présidents des RUP

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI.

Monsieur le Président de la Commission européenne,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Madame et monsieur les secrétaires d’Etat aux affaires européennes du Portugal et de l’Espagne,

Mme la Commissaire chargée de la politique régionale et urbaine,

Messieurs les Eurodéputés,

Messieurs les présidents des régions ultrapériphériques françaises, portugaises et espagnole,

Mesdames et Messieurs,

Ce n’est pas un hasard cher Président, cher Jean-Claude, si nous nous retrouvons ici en effet en Guyane. Et je veux ici rendre hommage au travail, à l’engagement du président Rodolphe ALEXANDRE et aux mots qu’il a eus dans cette parenthèse plus particulière et plus sincère, pour lui dire que j’ai toujours mesuré sa détermination, son esprit de responsabilité et je sais aussi l’impatience, parfois les demandes fortes des Guyanaises et des Guyanais. J’ai pour eux considération pleine et entière. Et j’ai de la considération pour tous les élus de la République de la Guyane et précisément pour cette raison, les engagements pris par l’Etat seront tenus au centime près. Les engagements que l’Etat n’a jamais tenus, ne seront pas donnés pour argent comptant parce que c’est l’argent de toutes et tous et je n’en dispose pas librement ; et c’est avec la considération que je leur dois, celle pour leur dignité, que nous porterons ensemble non seulement les accords de Guyane et le milliard cent d’ores et déjà prévu et financé, mais que nous proposerons aussi à l’issue de ces assises de l’Outremer pour la Guyane comme pour l’ensemble des territoires ultramarins des projets pertinents qui émaneront du terrain, la volonté ici exprimée en responsabilité qui trouvera en écho et à ses côtés une volonté forte du gouvernement de l’accompagner qui en investissements, qui en simplification, qui en transformation réglementaire, législative ou constitutionnelle.

Et je veux dans le même esprit avoir un mot pour nos amis de Saint-Martin – le Président l’a évoqué – où j’étais il y a quelques semaines, qui ont eu à vivre une terrible catastrophe, la pire que nous n’ayons jamais connue, qui se redressent peu à peu et pour lesquels je me suis engagé à bousculer les procédures – donc Président GIBBS, nous les bousculerons ; nous aiderons aussi la Guadeloupe et la Martinique qui ont eu à souffrir d’autres ouragans, mais le vôtre fut terrible. Le Premier ministre s’y rendra dans quelques jours comme il s’y est engagé avec plusieurs ministres, pour la rentrée des classes et nous serons là aussi à vos côtés.

Mais si nous sommes ici, c’est pour parler de nos territoires travers le monde et de l’Europe. « L’Europe est une idée ». Comme je l’avais évoqué il y a quelques semaines à la Sorbonne. C’est une idée qui ne vaut, n’existe et ne se tient que si elle est portée par l’ambition, la volonté chaque jour reconfirmée de lui donner un sens, une existence, une effectivité. L’Europe, c’est une idée qui s’incarne pour que l’Europe soit souveraine, unie et démocratique et c’est exactement l’exercice auquel vient de se livrer le président de la Commission européenne et je veux ici l’en remercier.

Nous sommes ici en Europe et parce qu’on l’a souvent pas rappelé, parce qu’on a trop souvent, dans l’ensemble de vos territoires, uniquement parlé d’Europe pour parler des contraintes, on a fini par convaincre nos concitoyens de ne pas aller voter aux élections ou de considérer qu’il ne s’agissait là que d’un corps bureaucratique. Non. L’Europe, c’est une ambition partagée dans tous nos territoires ; une volonté de fer pour porter nos valeurs qui sont universelles, notre ambition qui l’est tout autant et consolider ce qui nous unit.

Cette Europe souveraine, unie et démocratique, elle se construit aussi. Et comme vous, comme toi cher Jean-Claude, je n’aime pas ce terme de régions ultrapériphériques. Nous avons – je ne veux pas préempter le concours lancé il y a quelques instants – mais ce beau mot d’ultramarins qui me semble tout dire. On est ici au cœur de l’Amazonie ; on est au cœur de la Caraïbe, au cœur de l’océan Indien, au cœur du Pacifique à chaque fois… Et à chaque fois, c’est aussi l’Europe. Mais c’est l’Europe d’au-delà des mers, c’est l’Europe de par-delà les océans.

Et cette Europe océanique, de Saint-Pierre-et-Miquelon, en passant par la Polynésie française mais pour nos RUP ici présentes, celle qui va des Açores jusqu’à la Martinique en passant par Saint-Martin, notre territoire magnifique de Guyane, les Açores ou les Canaris, c’est cette Europe océanique qui détient 25 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive mondiale, qui en fait la première puissance maritime au monde.

Nous sommes donc aujourd'hui et avec vous partout sauf dans une grande périphérie ; nous sommes au cœur d’une ambition commune où se portent – et nous l’évoquions tout à l’heure – la plupart de nos enjeux géopolitiques et géostratégiques ; à travers ces territoires de l’Europe, ce sont des problématiques régionales à chaque fois repensées, ce sont des histoires différentes qu’il nous faut reconvoquer et c’est une Europe de cultures multiples, de tensions multiples mais qui est, si nous savons pleinement investir et faire confiance, l’Europe de toutes les chances car je note comme vous une chose, c’est que tous les territoires ici présents, sont plongés dans des régions dont la croissance équivaut au triple, parfois au quintuple de celle de l’Union européenne – et nous n’y sommes pour rien, ni toi ni moi.

Cette Europe des opportunités, c'est celle que vous portez et donc toute notre ambition doit être de permettre de libérer les énergies de cette Europe ultramarine, de l’ancrer pleinement dans l'Europe mais de l'aider à réussir au milieu de régions profondément différentes, dans une concurrence profondément différente, face à des contraintes migratoires, sécuritaires, économiques, des dynamiques régionales qui ne sont pas celles du reste de l'Union européenne ou en tout cas d'une Europe continentale.

C'est cela, ce que nous devons proposer à nos territoires dits ultrapériphériques parce qu’en effet, c'est cela que nous devons à leur jeunesse. L'une des chances de ces territoires, c'est leur démographie, c'est la biodiversité, c'est l'exposition géographique et donc c'est cet esprit que nous partageons l'un et l'autre que je veux ici porter et c'est pourquoi je veux remercier le président de la Commission, non seulement d'avoir honoré sa promesse mais d'avoir avec la commissaire, décidé de travailler différemment. Ce que vous avez conduit durant ces derniers mois, c'est un travail de vraie concertation avec l'ensemble de ces territoires ; ce sont des vrais changements que vous avez ici rapidement esquissés et c'est au cœur de la stratégie que porte la ministre de l'Outre-mer, Annick GIRARDIN, cette ambition d'un réflexe outre-mer pour que notre culture politique, administrative… notre organisation soit plus profondément revue pour repenser cette ambition.

Aussi je me retrouve dans ce mémorandum proposé par les RUP : positif, offensif ; et dans cette volonté pleinement portée par la Commission européenne, de reconnaître la nécessité de valoriser les atouts naturels, les potentiels dans tous les domaines de ces territoires, en matière de sécurité alimentaire, de transition écologique, de réduction de la facture énergétique, d'économie circulaire, de développement éducatif, de capacité vraie à réussir.

Nous verrons progressivement au fil des mois à venir les fruits des orientations que la Commission vient de se donner et qui viennent de nous être parfaitement présentés et je m’en réjouis. Mais permettez-moi de souligner quelques axes auxquels je tiens tout particulièrement. Le premier, ce nouvel élan auquel la France compte bien pleinement participer, c'est celui de la réussite économique. J'assume le fait que les économies de nos territoires doivent être accompagnées pour être performantes et je souhaite l'émergence de la production locale et des services avec des entreprises fortes ; il faut donc les aider. Selon les territoires, la commande publique représente entre 60 et 90 % de la réalité de nos économies. Il est donc indispensable de faire grandir et réussir une économie du secteur privé qui pourra créer de l'emploi durable et les faire pleinement réussir. Et je partage à cet égard l’idée que notre marché unique est précieux en tous points, et je veux saluer les grandes avancées du règlement sur les aides d’Etat, ce fameux RGEC, évoqué par le président ALEXANDRE, qui ont été réalisées l’an dernier sous votre présidence.

Chaque RUP représente une part du marché européen et ces territoires n’ont en règle générale pas d’impact sur la libre concurrence au sein du marché intérieur et vous avez su donner l’impulsion pour que ces aides aux entreprises puissent être pérennisées.

Je crois aussi que nous pourrions faire évoluer encore la manière dont les aides d’Etat sont aujourd’hui appréhendées, en les considérant, non bénéficiaire par bénéficiaire, mais selon la réalité des marchés européens et la façon dont elles les affectent. Bien souvent, le cadre parfois rigide, monolithique avec lequel nous considérons les systèmes d’aide d’Etat n’est pas adapté à des territoires ultrapériphériques qui ne sont pas plongés au cœur de l’Europe continentale et dont les règles de concurrence doivent être appréciées au milieu des régions dans lesquelles ils ont à se développer.

C’est une nouvelle approche que nous pouvons imaginer ensemble pour les années à venir, non plus micro-économique et par bénéficiaire, avec un système de garantie pour éviter les paradis fiscaux et délocalisation artificielle de l’activité.

La force des entreprises, c’est aussi la qualité de la formation et je salue ici l’engagement de l’Union européenne à travers le fonds social européen et l’initiative pour l’emploi des jeunes. C’est une initiative que nous allons accompagner et renforcer à travers l’investissement massif sur lequel le gouvernement s’est engagé pour justement passer parfois d’une logique d’aide simple à une logique de formation, de création de contrats de formation dans la durée pour accompagner la montée du secteur productif. Ces 15 milliards d’euros sur la garantie jeunes et la formation professionnelle, ils seront bien évidemment aussi largement fléchés vers nos territoires ultramarins.

Je salue aussi, Monsieur le président, que vous proposez dans votre communication une extension possible de « Erasmus pour les jeunes entrepreneurs » aux pays voisins de nos territoires. C’est ce qu’ils demandent, il faut aider à réussir les plus jeunes au sein des économies et des ensembles économiques dans lesquels ils sont plongés et bien évidemment, ce qu’attend un jeune de La Réunion n’est pas forcément, quels qu’en soient les charmes, d’aller passer un semestre au Luxembourg ou en Espagne mais peut-être plutôt d’aller à Madagascar ou dans le cœur de l’Océan Indien où des vraies perspectives lui sont offertes et surtout où ses connaissances linguistiques, ses réseaux lui seront utiles.

C’est donc une bonne chose parce que vous prenez en compte le fait que l’Europe étend ses propres frontières à travers nos territoires. Je veux là-dessus accompagner par la politique que nous mènerons et ce qui ressortira des assises de l’Outre-mer lancées par la ministre, cette structuration des différentes filières absolument indispensable, cet investissement dans la formation, et en particulier pour les jeunes les moins qualifiés.

Pour réussir cette politique économique, c’est évidemment la politique de cohésion qui est indispensable et je sais combien vous y tenez.

Les RUP françaises bénéficient d’une dotation totale de près de 7 milliards d’euros de l’Union européenne pour la période 2014/2020. L’effet sur leur développement est réel, c’est une évidence, la dynamique devra être entretenue tant les défis que nous devons relever nous éloignent, malgré les progrès considérables observés, des objectifs de convergence de l’Union.

Mais n’omettons pas non plus le cadre financier post 2020 et le futur cadre de la politique européenne de cohésion qui doivent s’inscrire dans la même ambition quelles que soient nos contraintes et là-dessus, j’ai bien entendu les demandes, les impatiences du président MARIE-JEANNE. Nous œuvrerons avec vous, Monsieur le président, pour simplifier là aussi bousculer les procédures et permettre à des régions qui ont parfois eu des difficultés de leur donner le temps, les simplicités aussi pour pouvoir consommer les crédits initialement fléchés pour prendre en compte leurs contraintes, et aller au terme de ce sur quoi nous nous étions engagés et ne pas en quelque sorte leur imposer une double peine là où des difficultés ont parfois été rencontrées, qu’on annonce que les crédits ne sont plus garantis. Et là aussi, la France s’engagera pour au-delà de ces réformes essentielles apporter le soutien en ingénierie, en instruction de dossiers absolument indispensable.

Les écarts de développement des RUP par rapport au continent, la valeur ajoutée qu’elles représentent pour l’Union doivent être pleinement pris en compte pour maintenir l’effort financier qui leur est dû.

J’irai même au-delà : il s’agit non seulement de pérenniser cet effort mais aussi d’en optimiser l’utilisation, d’en assouplir les règles de programmation et de gestion. Nous parlons ici de régions françaises, portugaises, espagnoles : nous parlons de régions de pays membres de l’Union européenne, dont les règles de comptabilité sont réputées, dont les modes de gestion sont particulièrement contrôlées. Et donc nous devons là aussi proposer une simplification massive.

La cohésion européenne croît aussi lorsque la connaissance mutuelle des peuples croît. C’est ainsi que l’Europe a construit la paix depuis 70 ans. Nous avons donc à réinventer la façon dont les régions ultrapériphériques sont prises en compte dans les réflexes européens, les réflexions que nous menons sur la mobilité, Erasmus, l’interconnexion des territoires, les transports, à l’échelle européenne.

Enfin, la réussite économique, c’est l’industrie, le POSEI que vous avez évoqué particulièrement. Se faire confiance n’est pas nouveau, l’Europe a déjà eu cette audace. La décision de 1989 a en effet ouvert la voie au POSEI et à ce régime direct d’aide à la production qui a été un formidable levier pour le développement agricole, seul secteur dans lequel la possibilité d’une telle approche a été réellement explorée. Cet outil doit naturellement être consacré sur la durée et je me félicite que cela figure parmi les orientations de la Commission.

En matière agricole, le POSEI a un réel effet vertueux : il permet non seulement de soutenir l’approvisionnement des marchés locaux mais il participera de plus en plus à l’engagement des agriculteurs, des agro-industries dans des démarches de développement durable adaptées à chaque territoire et contribuant à la sécurité alimentaire et sanitaire des populations ultramarines.

Cette approche, fondée sur une logique de projets portés par les secteurs productifs, doit pouvoir être élargie à la diversification agricole et à la pêche.

Nous savons, par exemple, que la Guyane ambitionne – et vous vous y rendrez tout à l’heure avec le ministre – de structurer une filière Bois. C’est indispensable. Il y a quelques semaines, nous avons mis en place un nouveau régime d’aide au fonctionnement de cette filière qui s’élève pour 2017 à 3 millions d’euros. Nous pouvons aller plus loin ensemble. Et à chaque fois sur ces filières que nous pourrons réorienter, ces instruments pertinents qui ont marqué leur réussite et où nous pourrons les coupler avec des initiatives locales et une simplification des règles au niveau national, nous aideront à réussir plus vite.

Tous nos territoires ultramarins, notamment Mayotte, devraient pouvoir faire le pari d’un développement fondé sur le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Cela semble relever du bon sens que de vouloir redonner la possibilité à ces régions de développer leurs capacités de pêche, de construire des navires, mais également de disposer localement de savoir-faire nécessaires à l’entretien et à l’équipement de bateaux, à la transformation des produits de la mer pour approvisionner les marchés locaux mais pour pouvoir exporter dans la région et parfois vers l’Europe. Tout cela contribue de la souveraineté alimentaire dont nos territoires ont besoin. Quand je regarde la Guadeloupe et la Martinique et ses deux présidents que je connais bien et qui sont des engagés de leur développement, il est impensable que nous ayons une telle dépendance alimentaire et énergétique ! Nous devons aider la Guadeloupe comme la Martinique à réussir, à produire localement, la pêche, l’agriculture, en l’espèce développer des filières aval structurées et une agriculture beaucoup plus polyvalente pour réduire une dépendance qui s’élève aujourd’hui entre 60 et 80%. Rien ne le justifie !

Nous devons donc massivement accompagner ces transformations et réussir par le fléchage de ces aides européennes, nationales et les simplifications que nous conduirons non pas à donner l’aumône, non pas à donner des milliards mais simplement à permettre de réussir comme dans l’ensemble des territoires de la République.

Je me félicite donc que le travail commun à Bruxelles et dans les RUP ait pu aboutir à des avancées concrètes, vous en avez évoqué une qui, je peux vous dire, était très attendue ici et ailleurs, celle qui permet de financer les flottilles de pêche.

Enfin, pour ce qui concerne ce qu’on appelle dans certains outre-mer la « diversification agricole », c’est-à-dire la culture maraîchère, les fruits, les légumes, l’élevage, nos dispositifs de soutien ne doivent pas fonctionner comme des plafonds de production.

Au contraire, nos dispositifs de soutien doivent nous aider à avancer vers cette indépendance alimentaire, non pas dans un esprit souverainiste inquiet, mais dans une logique de développement économique et de développement durable. Il faut continuer à installer de nouveaux agriculteurs, à augmenter les productions et assurer leur chaîne de commercialisation.

Il en est de même de notre système d’aide au rhum. Je pense au contingent de production qui conduit à brider une des plus belles réussites économiques des territoires ultramarins.

Là-dessus, Monsieur le président, vous avez aussi fait le nécessaire pour donner à ce secteur l’oxygène dont il a besoin et accompagner le succès de cette filière, en augmentant le contingent de production de 120 000 à 144 000. C’est une belle victoire collective.

Je pense qu’il nous revient de préparer dès maintenant la prochaine étape et la mise en place d’un système plus ouvert, plus dynamique mais qui protège l’identité de ce produit et les petites distilleries.

Le deuxième pilier fondamental de cet engagement et de ce que vous avez exposé, c’est l’adaptation des normes. Au-delà des ajustements et des transformations évoquées à l’instant et qui font échos à la cinquième communication, je veux en effet revenir sur la prise en compte de l’arrêt dit Mayotte, cher Président RAMADANI, de la Cour européenne de justice et réaffirmer les principes de subsidiarité et de réalité géographique de nos territoires.

Plus généralement, nous devons collectivement engager un travail sur l’adaptation des normes communautaires à ces territoires dont les contraintes et l’environnement sont spécifiques. C’est d’ailleurs le même travail que nous allons mener au niveau des normes nationales, qu’elles soient constitutionnelles ou législatives, dans le cadre des Assises de l’outre-mer.

A l’image de cette logique, nous devons très concrètement aborder tous les secteurs. Je prends un exemple : dans le domaine environnemental, dès lors que l’objectif de collecte, de tri et de traitement de tous types de déchets est atteint, les RUP gagneraient à échanger avec leur environnement régional dans une approche de structuration de filières, là où les RUP n’ont parfois pas la taille critique.

Nous devons innover et cette requête spécifique en faveur de la coopération régionale a d’ailleurs été entendue et retenue dans votre communication. Je me félicite donc que vous reteniez avec la France une approche pragmatique fondée sur la réalité de nos géographies.

Dans le domaine de l’adaptation au changement climatique, les RUP devraient bénéficier d’une réglementation, pardon, adaptée à la réalité de leur climat, de leur géographie sans avoir à répondre à des exigences souvent construites pour des conditions climatiques de l’Europe continentale.

Nous avons ici une production de l’électricité qui est aux deux tiers en énergies renouvelables. Tous les pays européens rêveraient d’avoir cela mais nous avons des contraintes nationales et européennes qui font que les délais d’attente sont absolument inacceptables. Je l’évoquais ce matin pour les turpitudes françaises, quatre années pour aller au bout d’un projet de biomasse, nous sommes collectivement fous !

La programmation pluriannuelle, qui dépend de la France, qui est la mise en œuvre de notre stratégie, n’a tiré aucune considération de la réalité de chacun de vos territoires. Or, il y a la possibilité d’avoir une stratégie réunionnaise propre, très différente de la stratégie guadeloupéenne, martiniquaise ou guyanaise. C’est cela ce à quoi le ministre d’État, auprès de lui, le secrétaire d’Etat LECORNU travailleront et ont déjà commencé à travailler mais c’est aussi ce à quoi nous devons nous atteler au niveau européen pour adapter nos règles et parfois nos contraintes.

C’est cette même logique qui doit permettre aux RUP de s’insérer économiquement dans leur environnement régional où leur valeur ajoutée est élevée. Sommes-nous en capacité de piloter tout cela depuis Bruxelles ou depuis Paris ? Je ne le crois pas.

Pour ce qui concerne la situation française, je ne crois pas que nous puissions tout décider d’en haut. Ce fut la logique des évolutions institutionnelles que plusieurs d’entre vous ont saisie et c’est exactement la logique partenariale que le président JUNCKER vient d’évoquer.

C’est pourquoi j’invite également la communauté de travail que vous constituez, que nous constituons à envisager une approche innovante de l’article 349 dans les territoires. Devons-nous considérer que l’adaptation a priori des normes les unes après les autres est la seule voie possible ? Je ne suis pas sûr.

Sans rien renier des objectifs des politiques de l’Union, nous pourrions imaginer un système d’adaptation plus simple et plus souple. Nous ferons en tout cas dans les prochains mois exactement cela pour ce qui est de la Constitution et des lois françaises.

J’en viens maintenant au troisième pilier sur lequel je pense nécessaire de fonder la relation de confiance entre l’Union européenne et les RUP, c’est la cohérence même de nos différentes politiques publiques. Cher Président ROBERT, je vous ai bien entendu.

Le contexte, en effet, se prête à la réaffirmation d’une ambition que je sais partagée par chacun d’entre vous ici, que ce futur partenariat entre l’ensemble de nos territoires puisse leur permettre justement d’être les bénéficiaires de toutes nos politiques qui seront mises en cohérence.

Vous l’avez évoqué, si nous voulons une stratégie de réussite des territoires ultrapériphériques, nous devons en tirer toutes les conséquences pour notre politique commerciale. Il est donc indispensable que nous puissions prendre en compte les enjeux qui concernent soit parfois la politique commerciale, soit parfois la politique agricole, mais qui ont des répercussions directes sur l’ensemble des territoires dits ultrapériphériques.

Ces 20 dernières années, les efforts que nous avons demandés à nos producteurs de rhum dans quatre de nos départements, à nos producteurs de bananes aux Antilles, aux Canaries et à Madère, de sucre à la Réunion et en Guadeloupe ont produit des résultats. Ils ont été accompagnés mais ils ont fait l’objet de profondes restructurations.

La banane durable de Guadeloupe et de Martinique, les sucres spéciaux de la Réunion ont réussi à se positionner sur nos marchés mais cette position est fragile et si nous ne prenons pas en compte leur réalité lorsque nous négocions avec des Etats qui leur sont voisins, même s’ils paraissent très éloignés de nos capitales, nous pouvons mettre à mal tous les efforts qui ont parfois été faits.

Ces secteurs ne veulent pas être pris en étau dans des négociations internationales qui les dépassent et c’est pourquoi je vous sais, Président JUNCKER, nous l’avons évoqué la semaine dernière ensemble en marge du Conseil européen et je veux ici rassurer chacun, dans les négociations, en particulier avec le Mercosur, mais avec également la Nouvelle-Zélande et l’Australie, nous prendrons en compte et nous le ferons ensemble dorénavant, conformément d’ailleurs à nos engagements l’un et l’autre qui sont très semblables sur ce point, nous le ferons le plus tôt possible au moment du mandat et tout au long de ces négociations.

Au-delà des questions douanières, les règles du jeu pour accéder au marché doivent être équitables et je sais que c’est une de vos préoccupations aussi. Je pense au débat sur la banane bio, le sucre de canne bio que je ne souhaite pas développer ici mais qui éclaire le débat de la confiance que nous devons aux consommateurs et les perspectives économiques que nous devons au secteur agricole.

Notre politique sociale, environnementale doit être cohérente avec les objectifs que nous recherchons parfois dans la politique commerciale et dans la politique de nos RUP.

Ce qui est vrai en matière agricole l’est aussi en matière de pêche. Ainsi les négociations des accords de partenariat de pêche durable avec les pays tiers devraient être conçues en tenant le plus grand compte des enjeux propres au développement des flottilles des RUP et en associant davantage leurs instances représentatives au comité consultatif qui travaille sur ces accords.

En réalité, cette cohérence que les RUP recherchent depuis longtemps, entre les volets internes et externe des politiques communautaires, c’est le souci permanent de ne pas déstabiliser la fragilité du tissu économique des RUP, mal armées pour affronter la concurrence de grandes nations exportatrices.

Tous les engagements commerciaux visant notamment le démantèlement tarifaire ou la suppression des obstacles techniques doivent toujours être pensés à la lumière d’études d’impact précises, au regard de leurs effets sur ces territoires. Et si ces études révèlent des difficultés potentielles, nous les ferons valoir.

Cette inscription, enfin, des RUP dans leur environnement régional, cette cohérence des politiques, mais cette capacité que l’Union européenne, et avec elle, la France, doivent avoir de faire réussir tous nos territoires ultramarins dans les régions où ils se développent, pourrait être encouragée par la simplification des outils de coopération régionale. Je sais que vous demandez plus à cet égard, et je souhaite vous accompagner dans cette demande.

Le décalage des règles de mobilisation des différents fonds complexifie aujourd’hui la conception de projets conjoints, même dans les domaines d’intérêts partagés, et je pense à l’adaptation au changement climatique, à la coopération sanitaire ou hospitalière, ou encore au tourisme. C’est exactement l’esprit de ce que vous avez proposé pour l’ERASMUS. Exactement celui-ci : faire réussir ces territoires en accordant des souplesses, parce qu’ils sont plongés dans une réalité régionale qui n’est pas celle de l’Europe continentale. Eh bien je souhaite que nous puissions faire de même sur nombre de nos politiques ; que nous puissions aussi voir chacun de ces territoires comme des leviers de réussite, comme le proposait tout à l’heure le président ROBERT, pour exporter, se projeter ! Qui, dans les Caraïbes, qui dans le continent amérindien, qui dans l’Océan indien, la Polynésie ou face au Canada, au nord de l’Atlantique.

Nous avons cette opportunité, nous devons donc faire de ces territoires de véritables leviers. Et ce point s’illustre simplement avec la situation de Saint-Martin, par exemple, qui est à la fois soutenu par le FED, le FEDER, dont les différences sont robustes, alors que sur le terrain, aucune frontière ne sépare la partie française de la partie hollandaise. Je sais que vous avez cette préoccupation, et je veux donc que cette cohérence, cette capacité à réussir, nous arrivions, en menant un travail conjoint avec mon collègue néerlandais, à avoir une vraie approche structurée, une vraie stratégie régionale pour Saint-Martin.

La future période de programmation pourrait être le moment opportun pour rapprocher ces règles et favoriser des approches communes. L’année prochaine, les révisions à mi-parcours qui seront engagées de part et d’autre des Fonds structurels et du FED pourraient en être l’occasion ; en tout cas, cette opportunité nous est offerte.

Mais cette cohérence entre tous nos instruments au niveau européen, c’est celle aussi que nous vous devons, entre la politique nationale et la politique européenne. Et donc tous les objectifs et les préoccupations que le président JUNCKER vient d’afficher, je veux que la France puisse, dans le cadre des Assises, mais de sa politique au quotidien, pleinement les accompagner.

Je sais les soucis que vous avez exprimés, Président CHALUS, sur plusieurs sujets d’importance où nous devons nous engager. La formation des jeunes, les perspectives offertes aux jeunes, la structuration de filières, l’État sera au rendez-vous. C’est la cohérence que nous vous devons.

J’ai entendu votre préoccupation sur les contrats aidés, sur le sport et là aussi, nous tiendrons les engagements pris. Conformément à ce qui a, par exemple été piloté ici par le préfet de manière exemplaire, c'est-à-dire en regardant les besoins et en réallouant les fonds qui sont parfois laissés disponible ! Le Fonds « 500.000 formations » n'était pas utilisé ! Il restait des fonds à liquider. Il a été remobilisé sur des contrats aidés ! Là où c'était nécessaire ! Mais là où les contrats aidés n’offraient pas des perspectives durables, nous devons mobiliser plutôt des formations qui permettent de donner des qualifications à nos jeunes, et arriver à construire ce que nous avons parfaitement vu à Maripasoula comme à Kourou ensemble ce matin, avec le président JUNCKER : une stratégie d'insertion et de formation beaucoup plus utile aux territoires. Mais cela suppose partout l'esprit de responsabilité et la mobilisation de tous les acteurs : l'Europe, la France en l’espèce tous les pays, les collectivités territoriales, les élus, les acteurs économiques sur le terrain. C'est pourquoi j'en appelle à cette responsabilité partagée qui permettra d'aller au bout de ce travail de cohérence.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais partager avec vous aujourd'hui, en remerciant à nouveau le président JUNCKER, cher Jean-Claude, d'être là. En venant ici, tu n’as pas simplement honoré ta promesse, tu as contracté un virus, tu ne le sais pas encore : celui de l'Outre-mer, en particulier de l'Outre-mer français, mais de l'Outre-mer de l'Europe. J'aime ces territoires ultramarins. On dit souvent que la France est une et indivisible. La France est indivisible ; la République est indivisible. Mais la France est plurielle, tu l’as découverte aujourd'hui, et il y en a ici tous les visages. L'Europe, tu en connaissais la pluralité continentale, tu en découvres la pluralité ultramarine.

J'aime tous ces territoires que vous représentez parce qu'ils portent nos valeurs, notre fierté, notre jeunesse, des contraintes immenses que je ne mésestime pas, mais dites-vous bien à chaque instant que vous êtes au cœur de l'Europe. Et ça n'est pas rien si aujourd'hui il y avait ; rassemblés ensemble le président de la Commission européenne et le président de la République française. Parce que les territoires dits ultrapériphériques, c'est l'Europe plus grande qu'elle. C'est l'Europe d'une jeunesse, d'une ambition à repenser. Ce que nous voulons commencer ici ensemble aujourd'hui avec vous, comme ce que je veux recommencer avec chacun d'entre vous, dans le cadre de l'exercice que nous avons ouvert, c'est une nouvelle page de la relation et de l'ambition. Celle qui consiste à promouvoir les initiatives, à responsabiliser chacun, à traiter dignement chacun, non pas en promettant les milliards, non pas en jouant sur les contestations non-républicaines, mais partout, en ayant cette volonté de réussir, en regardant lucidement les contraintes, mais aussi les potentiels, en regardant avec ambition notre jeunesse, et en lui disant tout ce qu'elle peut réussir si nous lui apportons les simplifications, les libertés, les investissements et les accompagnements, mais si aussi nous lui demandons de se lever, de marché, d'aller de l'avant avec ce même esprit de responsabilité

Voilà, Monsieur le Président, Messieurs les Présidents, Madame la Commissaire, Madame la Ministre, Messieurs les Ministres, chers amis, Mesdames, Messieurs les Elus, ce que je voulais partager avec vous aujourd'hui : cette ambition que nous portons ensemble pour vos territoires, cette volonté d'y réussir avec une nouvelle philosophie, avec une nouvelle force et vous l'avez compris, avec une détermination qui est l’égale de la vôtre et de ce que celle que je vous connais sur chacun de vos territoires.

Alors vive la Guyane, vivent nos territoires ultramarins et l'ensemble des territoires encore dit ultrapériphériques, vive la République, vive la France et vive l'Europe. Merci à vous !

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