Le Président de la République Emmanuel Macron a accueilli le Président du Gouvernement d'Espagne, Pedro Sánchez, à Montauban, pour le 26ème sommet franco-espagnol. 

Déclaration conjointe à Montauban, le 15 mars 2021

Revoir la conférence de presse conjointe du Président Emmanuel Macron et du Président du Gouvernement espagnol Pedro Sánchez :

15 mars 2021 - Seul le prononcé fait foi

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CONFÉRENCE DE PRESSE CONJOINTE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET DU PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT D’ESPAGNE

M. Emmanuel MACRON
Monsieur le Président du Gouvernement espagnol, cher Pedro,
Messieurs les ambassadeurs, 
Mesdames, messieurs, 
Madame la préfète, 
Je suis très heureux d’accueillir aujourd’hui à Montauban, le Président du Gouvernement espagnol Pedro SÁNCHEZ à l’occasion du 26ème sommet entre nos deux pays. 

Merci d’avoir pris le temps d’être là dans cette ville. Nous venons de tenir un sommet en visioconférence avec nos ministres. Je salue aussi notre députée qui est ici présente. Nous avons donc signé, à l’instant avec nos ministres, plusieurs conventions et accords. Nous avons tenu ce sommet à l’instant, qui a été, pour partie, « distanciel », comme on dit aujourd’hui en raison des contraintes liées au COVID-19. Pour autant, cette rencontre ici à Montauban est, je le crois, une étape importante de la relation franco-espagnole et cela, pour plusieurs raisons. 

Tout d'abord parce que nous consacrons ici un lien historique, politique, humain très fort entre nos deux pays. En effet, nous avons choisi de le tenir à Montauban, qui est une ville extrêmement importante dans l'histoire et la mémoire de l'Espagne et de la France. C'est ici qu'a été enterré le dernier Président de la Seconde République espagnole, Manuel AZAÑA et nous irons, juste après cette conférence, nous recueillir sur sa tombe avec Monsieur le Président du Gouvernement espagnol. Je crois qu'ici, nous devons continuer d'avoir tous et toutes en tête son dernier discours en juillet 1938, qui était un appel poignant à la paix et qui rappelle l'engagement de grands intellectuels et des républicains espagnols dans ce combat mené d'abord dans leur pays, puis à travers l'Europe et dans notre pays. Vous avoir ici présent, Monsieur le Président du Gouvernement, c'est en effet célébrer cette histoire, celle de tous ces combattants de la liberté qui ont fui l'Espagne pour retrouver la France et qui ont souvent donné leur vie pour ensuite défendre la France elle-même. Ces dernières années ont permis de célébrer leur mémoire, mais nous n'oublierons jamais les nombreux républicains espagnols qui se sont joints à la résistance française et nous ont permis de rester libres. 

Ensuite, cette rencontre de Montauban nous a permis de signer à l'instant une convention historique qu'on appellera, j'en suis sûr, la convention de Montauban, qui ouvrira la possibilité d'obtenir la double nationalité : française et espagnole. Je sais et je le dis devant notre députée, et à tous ces Français de l'étranger dans la région et dans sa circonscription, nous avons 150 000 Français qui vivent en Espagne, 190 000 Espagnols qui vivent en France et leur permettre de vivre pleinement leur appartenance à nos deux pays, de la vivre de manière totalement assumée, pacifiée, en ouvrant un avenir commun et en permettant d'avoir une génération de citoyens pleinement franco-espagnols, c'est ce que la convention d'aujourd'hui permettra de faire et nous pouvons nous en féliciter. C’était une des propositions fortes que vous avez faites Monsieur le Président du Gouvernement, en arrivant aux responsabilités, sur lesquelles nos ministres, en particulier, de la Justice ont travaillé ensemble et qui trouve aujourd’hui son aboutissement. Cette appartenance commune à l’Europe, ce destin qui nous lie, nous avons pu le constater dans nos échanges, est le socle de cette amitié. 

Tout d’abord, nous avons marqué notre soutien durant ce sommet à une Europe de la relance au service de tous les Européens. En effet, nos pays sont touchés par la crise, la crise sanitaire mais également ses conséquences économiques et sociales. Nous nous sommes ensemble battus pour une relance européenne plus forte et donc ce sommet nous a permis dans nos échanges bilatéraux avec nos ministres d’abord de défendre cette Europe de la Santé, un cadre européen pour l’achat des vaccins, une coordination européenne pour justement développer notre capacité de production de vaccins en Europe, pour organiser aussi la vaccination européenne et nous sommes l’un et l’autre défenseurs de cette voie de coordination, de cette approche coopérative, mais nous avons également ensemble voulu consacrer une réponse européenne à la crise, avec un plan de relance ambitieux négocié en juillet 2020, qui doit nous permettre de décliner une relance écologique, où l’énergie et le climat sont des axes structurants de cette aventure européenne mais aussi de notre coopération bilatérale, puisque nous avons aujourd’hui rappelé et réenclenché, à travers les conventions signées, l’importance des interconnexions électriques et ferroviaires entre nos deux pays. Nous avons également évoqué les enjeux d’innovation parce que nous pensons que dans la compétition mondiale, l’Europe et les États membres doivent garder un temps d’avance et nous avons, avec l’Espagne, un tissu de coopération scientifique très dense, nourri par des échanges universitaires intenses et notre volonté est de sortir de cette crise plus forts encore en actant des coopérations renforcées dans des domaines tels que l’hydrogène, l’électronique, la connectivité et le cloud. Vous le voyez, l’objectif que nous partageons avec Pedro SÁNCHEZ c’est que l’Europe soit en mesure d’agir pour elle-même, par elle-même, dans tous ces domaines, sorte plus forte avec une volonté d’investissement et de relance, une volonté aussi de souveraineté économique, industrielle, climatique renforcée. 

C’est le même objectif aussi d’une coopération bilatérale forte et d’une ambition européenne que nous poursuivons en matière de lutte contre le terrorisme et cela depuis longtemps. Je le dis ici alors que, après l’hommage au Président AZAÑA, j’aurai l’occasion de rendre hommage aux victimes du terrorisme dans notre pays qui sont tombées il y a 9 ans sous les attaques terroristes, après en particulier celle de Toulouse, et nous avons, il y a quelques jours, le 11 mars, rendu hommage à toutes les victimes du terrorisme dans notre pays en ce jour européen. La lutte contre le terrorisme, elle a touché en effet cette région, cette ville, notre pays, il y a plusieurs années, elle continue encore aujourd’hui. Elle a touché aussi l’Espagne et ce 11 mars est une date européenne parce que l’Espagne fut aussi touchée, je n’oublie pas la présence l’année dernière, lors de ces cérémonies, de Sa Majesté le Roi d’Espagne et nous avons un destin lié en matière de lutte contre le terrorisme Monsieur le Président. Nous avons historiquement toujours coopéré et forgé cette alliance dans la lutte commune contre ETA, puis dans le combat contre le terrorisme islamiste et djihadiste et ce combat, nous l’avons réaffirmé nous-mêmes, nos ministres à travers des coopérations renforcées sur le plan sécuritaire, sur le plan judiciaire, et nous le poursuivons en matière de sécurité intérieure par des efforts conjugués dans nos forces de police, de nos services de renseignement, mais une coopération aussi, qui se poursuit aussi aujourd’hui sur la lutte contre les criminalités, les trafics en particulier, les trafics de stupéfiants. 

En matière de protection des frontières et de migration, nous avons pu, là aussi, longuement échanger avec une volonté commune : permettre dans les prochains mois de rénover notre politique migratoire, le cadre de Schengen pour le rendre plus efficace, plus efficace en coopérant mieux avec les pays d’origine et de transit, plus efficace en investissant davantage et en renforçant nos règles de protection des frontières extérieures communes, plus efficace en ayant davantage de solidarité intérieure. Ce triptyque nous réunit et je sais que nous arriverons à œuvrer ensemble avec plusieurs pays qui partagent nos valeurs et notre volonté d’efficacité et d’humanité, mais également que nous arriverons à convaincre dans les prochains mois l’ensemble de nos collègues. 

Nous avons enfin également évoqué les sujets de politique étrangère et de défense particulièrement structurants pour nos deux pays. Nos deux pays, en effet, sont engagés dans les opérations européennes et je veux saluer ici l'implication sans faille de l'Espagne pour aider à la stabilisation du Sahel, le soutien conséquent qu'elle apporte à l'opération Barkhane. Et nous prolongerons et renforcerons également nos coopérations industrielles dans le domaine de l'armement, notamment le système de combat aérien du futur, l’Eurodrone ou l'hélicoptère Tigre III. 

Je finirai en évoquant le sentiment d'appartenance à l'Europe. L'Espagne et la France sont fières de ce qu'elles sont, fières de leur histoire, de leur diversité, de leurs langues, de leur culture. Fières d'être deux pays qui ont une ambition européenne chevillée au corps et c'est un chantier auquel contribuera la conférence sur l'avenir de l'Europe. Son lancement la semaine dernière est une bonne nouvelle. Il faut maintenant que nous nous en emparions, que nos citoyens y prennent toute leur place. Ce chantier trouvera son aboutissement sous présidence française au premier semestre 2022, mais l'ensemble de cet agenda européen que nous portons, l'un et l'autre, c'est celui aussi que nous voulons tresser à travers les présidences successives française et espagnole du Conseil – premier semestre 2022, deuxième semestre 2023 – avec, là aussi, une série de chantiers que nous souhaitons lancer en commun. 

Lors de ce sommet, une dizaine d'accords de coopération ont été conclus pour parvenir à une meilleure reconnaissance mutuelle des acquis et diplômes, pour faciliter la coopération en matière de formation professionnelle, pour catalyser les mobilités, hybrider nos créativités, nourrir la richesse de nos cultures respectives, mettre en place un programme commun pour célébrer ensemble le 50ème anniversaire de la mort de Pablo PICASSO en 2023, qui sera un très grand moment aussi de notre histoire commune culturelle. 

C'est enfin parce que la relation de confiance entre nos deux pays est exceptionnelle que nous avons aujourd'hui évoqué deux projets d'avenir pour la relation franco-espagnole. Nous initierons bientôt une stratégie transfrontalière globale entre nos deux pays, rendue nécessaire par la symbiose des territoires de vie de part et d'autre des Pyrénées. Et puis, je suis très heureux de vous annoncer que nous avons décidé de lancer les consultations pour un futur traité de coopération bilatérale franco-espagnole. L'intensité de nos échanges humains, économiques, commerciaux justifie que nous structurions de manière inédite la relation entre nos deux pays à travers ce traité de coopération bilatérale qui est une première, mais qui, nos travaux d'aujourd'hui l'ont montré, est pleinement justifiée par l'amitié qu'il y a entre nos deux peuples, nos deux pays et entre nous-mêmes. Merci cher Pedro d'être là aujourd'hui dans un contexte sanitaire que nous savons difficile pour nos pays et notre continent. Merci de ton amitié et je veux te dire la fierté qu’ont Montauban et la France d'accueillir et de célébrer cette mémoire des républicains espagnols. 

M. Pedro SÁNCHEZ
Merci beaucoup, cher Président MACRON. Tout d'abord, je tiens à saluer tous les médias, les ministres et les ambassadeurs ici présents. Je les remercie pour le travail réalisé ces derniers mois pour pouvoir tenir ce Sommet bilatéral entre la France et l'Espagne. 

Cher Président de la République française, cher Emmanuel, merci beaucoup pour ton hospitalité. J'aimerais commencer mon intervention en soulignant l'importance pour l'Espagne de tenir ce Sommet à Montauban, la ville où est décédé en exil le Président de la République espagnole Manuel AZAÑA. Il y a quelques mois, cher Emmanuel, nous avons célébré le 50ème anniversaire de sa naissance et le 80ème anniversaire de sa mort. Ce fut un grand chef d'État, un intellectuel, un penseur, un écrivain, une personne qui a transformé, qui a éclairé notre pays et qui a laissé un héritage écrit qui, encore aujourd'hui, éclaire les esprits de nombreux compatriotes espagnols. 

Pas seulement espagnols : je remercie notamment la ville de Montauban pour avoir perpétué le souvenir de cette figure historique qui, désormais, appartient à l'Espagne et à la France. Il y a deux ans, les médias ici présents se rappelleront que nous avions rendu visite au collège de Manuel AZAÑA, et nous avons rencontré dans la rue certains des élèves que nous avions rencontrés à l'époque et avec qui nous l’avions célébré. Ce qui nous appartient, ce qui nous unit aussi, c'est l'héritage de ces milliers de compatriotes qui ont fui le franquisme, la dictature, en quête d'un avenir meilleur en France. Nombre d’entre eux comme l’a dit le Président Français ont contribué à la libération de la France. Et notre présence ici aujourd’hui est une reconnaissance à toutes ces personnes, à leurs descendants, qui ont pris le relai de cette histoire commune entre la France et l’Espagne. Certains de leurs représentants nous accompagneront ensuite au cimetière. Aujourd’hui, nous sommes ici pour dire que la conquête de la liberté n'est jamais un acquis. Ce n’est pas une question de passé mais une question d'avenir. Et je pense que la convention de nationalité que nous venons de signer vient combler une anomalie parce que de nombreux Espagnols Français, profondément attachés à leur pays d'accueil, ne pouvaient bénéficier de leur double appartenance. 

Les populismes identitaires conçoivent l'identité comme quelque chose de fermé.  La pensée qui nous représente, conçoit l'identité non pas comme un choix entre une chose et une autre, mais et aussi et en plus. Nous sommes dans une époque où les identités sont supranationales, et les exemples de ces compatriotes nous montrent que l'on peut aimer deux nations, que l'on peut lutter pour deux pays du moment que la cause soit la liberté. Mais ce n'est pas seulement une action tournée vers le passé, mais aussi une action tournée vers l'avenir. Comme je le disais, les Européens ont la volonté d'avancer ensemble. Et nous, en tant qu’Européens, nous voulons avancer ensemble, ce qui se manifeste dans l'autre ensemble de mesures que nous avons actées lors de cette réunion. Nous voulons une meilleure connaissance réciproque de nos jeunes, de nos étudiants et nous voulons développer l'enseignement du français en Espagne et l'enseignement de l'espagnol en France. Nous allons adapter le Bachibac, l'éducation à distance. Nous voulons développer la formation, la mobilité des enseignants en formation et nous voulons aussi faciliter l'accès et l'admission des universitaires d'un pays à l'autre. Depuis 2007, nous négocions cette question et finalement, nous sommes arrivés à bon terme. 

Les ministres qui se sont connectés depuis Madrid et Paris nous ont permis d'aborder trois grands enjeux auxquels nous devons faire face. Comme l'a dit le Président MACRON, tout d'abord, la gestion de la pandémie. Tant en ce qui concerne l'impulsion de la production des vaccins que la coordination de la mobilité. Nous appuyons l'action de la Commission européenne. Nous voulons trouver la meilleure manière de restaurer une mobilité normale et sûre. Ensuite, la relance, mettre en route les fonds Next Generation EU. Cela offre de nouvelles opportunités pour la collaboration entre nos pays comme l'a dit le Président MACRON. Nous sommes attachés à la transition écologique l'un et l'autre, la neutralité carbone et nous voulons aussi avancer dans le domaine des interconnexions électriques entre nos deux pays. 

Enfin, nous voulons continuer de construire une Europe inclusive et sociale. Une feuille de route qui est marquée au niveau européen avec la conférence de l'avenir sur l'Europe, le Pacte sur l'asile et l'immigration. Nous avons eu une vision commune sur ce sujet et le prochain sommet social qui aura lieu en mai prochain. C'est un sommet extrêmement productif. Nous avons abordé une multitude de questions, en particulier les questions transfrontalières sur lesquelles nous voulons avancer. Nous nous donnons rendez-vous pour pouvoir poursuivre cette collaboration et pour pouvoir intensifier encore davantage nos relations. Encore une fois, merci beaucoup, cher Président pour ton hospitalité. Cela me procure une grande émotion, en tant que Président du Gouvernement espagnol, d'être accompagné par le Président de la République française pour rendre hommage à un grand homme qui a défendu la liberté, la démocratie, la tolérance en Espagne. Et je parle bien entendu du Président de la Deuxième République espagnole, Monsieur Manuel AZAÑA. Merci. 
 

Accords et déclarations signés lors du sommet franco-espagnol.

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