Depuis plus de 40 ans, elle était l’architecte de l’indépendance du centre, qu’elle avait contribué à organiser et à rassembler au sein d’un nouveau mouvement, lancé en 2008 avec François Bayrou. La vice-présidente du MoDem, Marielle de Sarnez, est décédée hier, à l’âge de 69 ans. 

Fidèle à la culture de l’engagement de son père, un résistant devenu député UDR, mais rebelle à la fibre politique gaullienne de sa famille, Marielle de Sarnez prenait déjà part, à 17 ans, aux événements politiques de son temps, occupant en mai 68 le lycée Jean-Baptiste Say avec quelques camarades. Aux yeux de la jeune fille qui avait grandi sous le portrait du Général, la modernité était incarnée par un autre visage, celui de Valéry Giscard d’Estaing. En rupture avec sa famille, son baccalauréat en poche, elle se confronta à la vie active, devenant d’abord vendeuse dans une boutique de fourrures, faisant du porte-à-porte pour des annuaires professionnels, avant d’entrer en politique en devenant secrétaire des Jeunes républicains indépendants, juste avant l’élection de Giscard en 1974. 

Elle qui, très tôt, avait pris part aux débats politiques menait à 23 ans sa première campagne, et fourbit ses armes de militante en vendant des t-shirts “Giscard à la barre”. S’initiant aux rouages de la politique, remarquée pour ses capacités d’organisation, elle devint rapidement responsable des Jeunes giscardiens, et acquit une ferme conviction : il fallait un centre fort, moins dépendant de la droite. En 1978, elle contribua ainsi à la fondation de l’UDF, l’Union pour la démocratie française, qui regroupait le centre-droit non gaulliste en soutien à Valéry Giscard d’Estaing, et fit une rencontre déterminante, celle de François Bayrou. L’autodidacte parisienne trouva en cet agrégé de lettres béarnais son alter ego, et forma avec lui pendant plus de quarante ans l’un des plus solides tandems politiques et amicaux : elle devint son adjointe en 1992 lorsqu’il fut nommé secrétaire général de l’UDF, le suivit ensuite au ministère de l’Education nationale comme conseillère puis directrice de cabinet, devenant ainsi la première femme française non énarque à occuper un tel poste, et fut sa directrice de campagne lors des campagnes présidentielles de 2007 et 2012. 

Naviguant avec aise dans les coulisses de la politique, elle surmonta la timidité qui la freinait pour faire son entrée sur le devant de la scène au tournant des années 2000. Sa fameuse silhouette en jean et ballerines écumait les plateaux télés à l’heure des élections européennes, arpentait inlassablement les arrondissements de Paris lors des campagnes municipales, sillonnait les routes de France pour les élections législatives. Députée européenne de 1999 à 2017, conseillère de Paris de 2001 à 2010 et de 2014 à 2020, elle fut nommée en mai 2017 ministre en charge des affaires européennes. Élue députée de la 11ème circonscription de Paris le 18 juin 2017, elle se consacra ensuite à son mandat législatif, en s’engageant tout particulièrement sur les questions internationales en devenant présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
Très engagée en faveur d’une Europe solidaire, elle avait interpellé dès 2014 les dirigeants européens sur l’urgence de la crise migratoire, se rendant à plusieurs reprises à Lampedusa, à la frontière syrienne et sur la route des Balkans à la rencontre des migrants et des organisations humanitaires. Elle croyait à une Europe indépendante et autonome, respectueuse des équilibres sociaux, économiques et écologiques, une Europe qu’elle voulait « faire aimer », comme l’indiquait le titre du Petit dictionnaire qu’elle publia en 2009. 

Tout au long de sa carrière, Marielle de Sarnez œuvra à modeler le centre à l’image de cette « pensée de midi » dont parlait Camus, une pensée qui n’ignore ni la révolte ni la mesure, mais préfère aux polarisations manichéennes le pragmatisme de l’action, la conciliation du désirable et du possible. Le Président de la République et son épouse saluent une femme qui fut aussi fidèle à ses convictions qu’à ses amitiés. Ils perdent une amie et adressent à ses enfants, ses proches, comme à l’ensemble de sa famille politique, leurs condoléances émues. 

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