Chers amis britanniques,

Votre pays vient de quitter l’Union européenne, après 47 ans de vie commune.

C’est le résultat de la décision souveraine du peuple britannique exprimée lors du référendum de juin 2016, un choix démocratique que la France a toujours respecté.  

Mais je dois aussi vous dire, comme allié et plus encore comme ami, comme Européen sincère, ma profonde tristesse face à ce départ. Et je pense, en ce jour, aux millions de Britanniques – d’Angleterre, d’Ecosse, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord – qui conservent un attachement profond à l’Union européenne. Je pense aux centaines de milliers de citoyens, Français du Royaume-Uni et Britanniques de France, qui s’interrogent sur leurs droits et leur avenir : je leur garantis que nous les protégerons.

Je dois aussi vous dire que ce départ est un choc pour les Européens. C’est la première fois qu’un pays quitte la communauté européenne. Le Royaume-Uni n’était pas présent lors de ses premiers pas en 1950, mais nous lui devons tant – à la clairvoyance historique de Winston Churchill, au premier chef. Et, après 1973, si nos relations européennes ont parfois été tumultueuses, le Royaume Uni a été un acteur central, du projet européen, de la construction du marché unique en particulier, un acteur plus influent que les Britanniques souvent ne l’imaginaient eux-mêmes.

Ce départ doit être un choc, car il n’a rien d’anodin. Nous devons en comprendre les raisons et en tirer les leçons. Les raisons, c’est le rejet d’une Europe que les responsables politiques, au Royaume-Uni comme ailleurs, ont trop souvent accablée de tous les maux, pour ne pas affronter leurs propres turpitudes. C’est aussi la conséquence, disons-le, d’une Europe perçue comme trop peu efficace, pas assez protectrice, éloignée des réalités quotidiennes.

Les leçons à tirer, j’en suis convaincu, ce doit donc être le sursaut de l’Europe, dans un monde où le besoin de contrôle, de sécurité et de protection est plus fort que jamais. Ce n’est plus votre problème, me direz-vous ? Je n’en crois rien car le Royaume-Uni n’a aucun intérêt à la faiblesse de l’Union européenne. Je me bats chaque jour, et je continuerai, pour cette Europe unie, souveraine et démocratique, dont la force fera celle de notre continent.

Je sais, dans ce contexte, le sentiment, quel qu’ait été votre vote en 2016, que la France a été « dure » depuis le début de la négociation relative au Brexit. J’ai tenu à défendre les principes existentiels du fonctionnement de l’Union européenne : le respect de nos règles au sein du marché unique, l’unité européenne, la stabilité en Irlande. Ce ne sont pas des rigidités bureaucratiques, ce sont les fondations mêmes de l’édifice européen. Mais jamais un esprit de revanche ou de punition n’a animé la France et le peuple français ni, je crois pouvoir le dire, aucun peuple d’Europe. 

C’est dans cet esprit, de respect mutuel, d’attachement à l’Union européenne, de liens si puissants entre nos deux pays, que nous devons regarder l’avenir et bâtir notre relation future. 

Le gouvernement britannique souhaite avancer rapidement, nous y sommes prêts. Il est, sur le fond, de notre intérêt commun de définir un partenariat de défense et de sécurité, de coopération policière et judiciaire, scientifique et culturel, aussi proche et profond que possible. Je le dis en même temps avec franchise, comme je l’ai toujours fait : la facilité d’accès au marché européen dépendra du degré d’acceptation des règles de l’Union européenne car nous ne pourrons pas laisser une compétition néfaste s’établir entre nous. 

Entre nos deux pays, plus directement, je souhaite ouvrir un nouveau chapitre, fondé sur la force de nos liens inégalés. Nous célébrerons cette année le 80ème anniversaire de l’Appel du 18 juin, par le Général de Gaulle : les Français savent ce qu’ils doivent aux Britanniques, qui ont permis à la République de vivre. Je viendrai à Londres, au mois de juin, pour remettre à cette ville la Légion d’honneur, en hommage à l’immense courage de tout un pays, de tout un peuple. Nous devons approfondir, dix ans après les accords de Lancaster House, notre coopération en matière de défense, de sécurité, de renseignement. Je souhaite aussi, avec le Premier ministre Boris Johnson, que nous puisions dans l’histoire l’audace de construire de nouveaux projets ambitieux, comme lorsque le Tunnel sous la Manche a enfin relié – physiquement – nos deux pays.

Chers amis britanniques, vous quittez l’Union européenne mais vous ne quittez pas l’Europe. Vous ne vous séparez ni de la France, ni de l’amitié de son peuple. La Manche n’a jamais réussi à éloigner nos destins, le Brexit n’y parviendra pas davantage. 

La nuit dernière, ce ne fut qu’un au revoir.

Emmanuel Macron

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