Le Président de la République a reçu mercredi 23 janvier 2019 le Président de l’État d’Israël, M. Reuven RIVLIN, au Palais de l’Elysée.

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23 janvier 2019 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration conjointe d'Emmanuel Macron et de Reuven Rivlin, Président de l'État d'Israël

Mesdames et messieurs, Monsieur le Président, je me réjouis d'accueillir aujourd'hui le président RIVLIN, dont la visite vient offrir une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, de la force de l'amitié qui unit nos deux pays.

Merci, Monsieur le Président, d'être, avec votre épouse et votre délégation, parmi nous, et nous aurons l’occasion dans quelques heures de partager un dîner avec nombre de nos invités.

Il y a 70 ans, la France posait les jalons de la reconnaissance d'Israël, avec l'échange épistolaire entre le ministre français des Affaires étrangères, Robert SCHUMAN, et Maurice FISCHER, qui était représentant du gouvernement provisoire d'Israël à Paris, et nous apportions quelques mois plus tard notre soutien à l'adhésion de l'État d'Israël à l'Organisation des Nations unies, et depuis lors, nous n'avons cessé de travailler ensemble.

Depuis lors, Israël a vu s'épanouir une démocratie plurielle, une économie prospère portée par un peuple venu d'horizons multiples pour faire nation.

En 70 ans, l'attachement profond de la France à la sécurité d'Israël ne s'est jamais démenti.

En 70 ans, cette relation d'amitié franche et sincère, nouée dès la création de l'état d'Israël, n'a cessé de prospérer et irriguer un champ toujours croissant de domaines de coopération allant du politique au culturel, en passant par les questions stratégiques. C'est cette relation qui nous permet d'avoir de nombreuses convergences, et, comme nous l'avons d'ailleurs évoqué, d'acter aussi que sur certains sujets nous tombons d'accord pour ne pas être d'accord, et donc d'assumer résolument nos désaccords sur certains points.

J'ai pu personnellement éprouver la force et la vitalité de cette relation en inaugurant, en juin dernier, la saison croisée France-Israël. Cette saison, qui a mobilisé 180 partenaires français et israéliens autour de 400 événements, a attiré près de 900 000 spectateurs, a permis de faire se rencontrer les acteurs de la Start-up Nation et de la French Tech, et de nombreux échanges dans de nombreux domaines. Elle a aussi donné à voir une amitié franco-israélienne tournée vers l'avenir. Elle nous a permis de réaffirmer notre attachement commun aux valeurs de liberté et de tolérance qui sont au fondement de nos démocraties. Elle a également montré que notre partenariat ne se limite pas à l'action de nos gouvernements mais à nos sociétés civiles, à notre jeunesse, à nos artistes, nos créateurs, et je veux ici remercier tous ceux qui font vivre aussi la force de la relation bilatérale : la communauté française en Israël, qui est le relais d'une francophonie dynamique, les entrepreneurs, qui tissent les fondamentaux de notre relation économique, et notre jeunesse, qui est l'avenir de notre relation et doit être appelée à se connaître davantage dans le cadre d'échanges universitaires.

Je pense aussi à la communauté juive française, une des plus importantes au monde, qui fait partie intégrante de notre société, de son histoire. J'ai assuré au président RIVLIN de ma détermination à cet égard, il le sait, aux côtés de l'ensemble du gouvernement français, non seulement à poursuivre toutes les actions menées en partenariat avec cette communauté, mais aussi à poursuivre notre combat contre l'antisémitisme, qui constitue la négation même des valeurs de la République française et de tout ce qu'elle incarne. La France est précisément la France parce qu'elle est riche de diversité, de dialogue, d'ouverture, et nous ne saurions et nous ne saurons jamais accepter quelque forme d'intimidation ou de violence sur notre territoire. Nous ferons tout pour que l'antisémitisme recule. Je m'y suis déjà engagé à plusieurs reprises, je me réengage ici solennellement. Qu'il recule là où il sévit physiquement, qu'il recule aussi sur internet où, bien trop souvent, ces messages de haine sont véhiculés de manière anonyme, et nous menons ce combat y compris dans les enceintes européennes et internationales pour que, justement, nous puissions en appeler à la responsabilité des plateformes qui portent ces messages de haine et de toutes celles et ceux qui aident à les véhiculer.

Nous entretenons également avec Israël une coopération étroite sur les questions sécuritaires, qui se traduit par des échanges approfondis sur les enjeux de sécurité dans la région. Nous avons des désaccords, nous l'avons exprimé en particulier sur l'accord nucléaire iranien, où nos positions ne sont pas les mêmes. J'ai déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'expliquer la position française et en quoi je pense qu'elle est constitutive de notre crédibilité collective dans la région pour lutter contre le nucléaire iranien, mais aussi les activités balistiques. Et vous connaissez la position que, depuis 18 mois, la France porte en la matière. Mais au-delà de cela, je veux ici redire que la sécurité d'Israël demeure pour nous l'une des priorités de la stabilité et de la sécurité de la région. Nous avons évoqué l'Iran, et je le redis, nous considérons que nous devons poursuivre le dialogue pour pouvoir contrôler les activités balistiques, se donner plus de visibilité pour limiter, encadrer les activités nucléaires, et avoir un dialogue permettant de contenir les ambitions régionales de l'Iran. Et à cet égard, j'ai évidemment rappelé notre plein soutien au président RIVLIN.

Concernant également la Syrie, j'ai évoqué ma vive préoccupation quant au tir ayant visé Israël depuis le territoire syrien le 20 janvier dernier. Plus globalement, j'ai rappelé, avec le président, que seule une solution politique inclusive, négociée sous l'égide des Nations unies, permettra de régler le sujet de la Syrie et permettra au peuple syrien de choisir librement son avenir. Sur ce sujet là aussi, notre feuille de route est claire depuis un an et demi, c’est celle que nous poursuivons. Et je pense qu’elle est parfaitement cohérente avec les intérêts sur le plan sécuritaire et politique d’Israël quand il s’agit de la Syrie. Notre souhait est que l’ensemble de nos partenaires internationaux comme l’ensemble des puissances de la région qui interviennent sur le sujet syrien puissent intégrer ces priorités dans leur prise de décisions.

Concernant le Liban, j’ai indiqué ma préoccupation face aux menaces, suite à la découverte par l’armée israélienne de tunnels sur le territoire israélien creusés par le Hezbollah depuis le Liban. J’ai enfin réaffirmé la détermination de la France à lutter sans merci contre le terrorisme, dont celui de Daech, et saluer le précieux atout que représente l’excellente coopération avec les autorités israéliennes dans ce domaine.

Sur un autre sujet, essentiel à la relation, à savoir le sujet israélo-palestinien, nous avons également eu une discussion extrêmement franche avec le président RIVLIN. La position française est connue, j’ai réitéré la conviction qui est la mienne, celle d’abord que la bonne solution se trouvera sur le terrain, au travers du dialogue et du respect mutuel, et je dois dire que sur ce point je trouve qu’il y a beaucoup de convergence entre nos visions, et je veux saluer ici la position extrêmement pragmatique et courageuse du président. Rebâtir une véritable confiance entre les parties sur le terrain est la condition pour que l’ensemble de celles et ceux qui ont cette région en partage puisse bâtir la paix. La France, conformément aux positions déjà plusieurs fois ici ré-exprimées, fera tout ce qui est son pouvoir pour qu’une solution puisse être trouvée sur le terrain et, lorsque cette solution évidemment sera trouvée, pour l’accompagner de toutes ses forces. Mais je considère pour ma part que, de là où nous sommes, ce que nous devons faire pour accompagner ces efforts, c'est véritablement d'œuvrer à lutter contre toutes les formes d'activité qui menacent le respect de l'un ou l'autre. Lorsque cette solution que nous prenons est menacée sur le terrain, comme c'est le cas aujourd'hui face à la progression continue de la colonisation, elle recule dans les esprits et elle nourrit des cycles de violence sans fin. Et donc à cet égard, je veux ici réaffirmer la position très claire de la France quand il s'agit justement de certaines positions qui sont prises. De la même manière que j'ai eu l'occasion de rappeler la position très claire de la France à l'égard de toute forme de boycott qui vienne aussi aujourd'hui enfreindre ce qui est notre position constante et constamment réaffirmée lorsqu'elles sont l'objet de groupes d'activités en France ou ailleurs et qui bousculent les intérêts d'Israël.

J'ai enfin pu remercier le président RIVLIN pour sa venue à Paris qui, à quelques jours des commémorations internationales en mémoire des victimes de l'Holocauste, rappelle notre engagement commun pour transmettre la mémoire de cette tragédie et faire de chacun de nous des passeurs de mémoire. Et je salue à cet égard le travail remarquable accompli par les institutions françaises dans ce domaine, alors que les grands témoins de la Shoah nous ont quittés et que les derniers survivants s'éteignent. Leur action est en effet plus que jamais essentielle. Il faut se rappeler non seulement de ceux qui furent les victimes de cette machine de mort, mais aussi de ceux qui, dans ces ténèbres, ont su faire prévaloir des valeurs d'humanité, de fraternité. Et c'est l'ambition de l'exposition que vous allez inaugurer aux côtés du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères que de raconter, justement, ces destins de diplomates qui alertent au-delà de leur devoir pour sauver des vies, et qui illustrent une part de notre coopération étroite et confiante sur ce thème. Voilà, Mesdames et Messieurs. Monsieur le Président, permettez-moi pour conclure de former le vœu que tous nos projets communs prospèrent et viennent nourrir non seulement l'année qui s'ouvre, dans laquelle je veux, à titre personnel, présenter tous mes vœux à vous-même, président, comme à tout Israël, mais nous permettent aussi, au-delà de cette année, de faire prospérer nombre de sujets que nous avons évoqués ensemble et que je viens de rappeler. Ils nous dépassent largement. Il faut les aborder avec beaucoup d'humilité certes, mais avec une immense ambition qui toujours accompagne cette humilité parce que je crois qu'ensemble nous pouvons beaucoup faire. Merci cher Président d'être là.

 

Reuven RIVLIN

Thank you so very much. Merci beaucoup.

 

Emmanuel MACRON

Thank you Mister president.

 

Reuven RIVLIN (traduction de l’hébreu)

Je souhaiterais vous remercier, Monsieur le Président, pour votre accueil chaleureux depuis que nous sommes arrivés sur cette terre de France. Nous célébrons lors de cette visite 70 ans de relations entre deux démocraties, entre ce vieux pays de France et le jeune Etat d'Israël, ou plus jeune en tout cas. Ce sont des relations étroites et stratégiques, une amitié véritable qui se révèle mise à l'épreuve dans des moments de vérité. Et ce fut le cas de l’amitié entre la France et Israël et ce depuis toujours.

Israël doit reconnaissance à la France, Monsieur le Président, pour son aide historique à la fortification de notre sécurité dans notre plus, dans nos premières années. La France partage avec Israël aujourd'hui cet engagement à un monde plus sûr, à un monde égalitaire et libre. Israël et la France de concert sont sur le front du combat contre le terrorisme mondial.

Cette coopération intime et profonde entre nous est un multiplicateur vital dans cet effort global. Ce n’est que dernièrement que cette coopération a mise en échec une tentative d’attentat sur le sol de Paris, récemment. Il est important d’approfondir et d’élargir ce partenariat entre nous, pour assurer la défense de nos valeurs communes et leurs préservations. Aujourd’hui, le régime iranien et ses succursales sont une source centrale d’instabilité et pour les demandes du terrorisme au Proche-Orient et en Europe.

Pour nous, pour Israël, le régime iranien est un régime ennemi, qui ne cache pas son intention de détruire Israël. Il le dit à toute occasion sur toutes les scènes internationales. Ce n’est pas notre droit mais notre devoir de prendre très au sérieux ces menaces. Cette menace iranienne ne se résume pas au nucléaire.

C’est ce qui se poursuit par un programme balistique qui n’est une menace pas moins existentielle et par cette extension de l’influence de l’Iran au Proche-Orient, et en particulier en Syrie, au Liban, par l’intermédiaire du Hezbollah et autres. Israël ne pourra pas accepter et ne pourra jamais accepter ces arsenaux de missiles de précision qui ont une seule adresse dans leur déploiement, un seul objectif : les citoyens d'Israël.

Si nous sommes menacés à partir du Liban, nous ne pourrons pas rester quoi. Le Liban est responsable de sa souveraineté et sera responsable de toute activité du Hezbollah depuis son sol. Monsieur le Président, la France est une puissance influente et déterminante dans notre région. Et comprendre que Hezbollah fait partie du système libanais général est vital pour le Liban.

Le Liban doit savoir, le président du Liban doit savoir qu'il ne pourra pas se prétendre innocent si des missiles iraniens sont lancés vers Israël à partir du territoire libanais. Et nous venons de détruire 6 tunnels terroristes creusés par le Hezbollah du territoire libanais vers Israël, tout en violant la souveraineté israélienne et les résolutions de l'ONU, en particulier la résolution 1701. Nous disons de manière claire au gouvernement libanais et à ses alliés à travers le monde qu'il faut freiner l'agressivité du Hezbollah avant de nous voir entraînés tous dans une guerre que ni le Liban ni Israël ne souhaitent.

La stabilité du Proche-Orient est extrêmement importante pour Israël. C'est une importance stratégique. Aujourd'hui, il y a une coopération stratégique au quotidien entre Israël, la Jordanie, l'Égypte et d'autres pays arabes et musulmans pour préserver la stabilité de la région. C'est une tragédie, c'est une véritable tragédie que le Liban ne fasse pas partie de ce large cercle de coopération.

Votre Excellence, Monsieur le Président de la République, la coopération entre nous ne se cantonne pas au domaine sécuritaire. La coopération culturelle florissante extraordinaire entre nous, une coopération technologique scientifique entre nos États va, s’approfondissant. Et c'est le cas aussi pour les relations commerciales entre Israël et la France. Israël aspire à approfondir la coopération dans le domaine de l'innovation et j'espère que lors de cette visite, nous pourrons élargir encore les canaux existants et même en ouvrir d'autres. Nous vivons ici les quelques jours avant la Journée internationale du souvenir de la Shoah et malheureusement, nous sommes les témoins d'une réalité où l'antisémitisme en France relève sa tête hideuse et cela surtout cette dernière année.

Ce n'est que dernièrement que nous avons pleuré l'assassinat de Sarah HALIMI et de Mireille KNOLL, de mémoire bénie.

Monsieur le Président, cher Monsieur le Président, je voudrais vous remercier personnellement, au nom de tous les citoyens d'Israël pour votre leadership dans votre combat contre l'antisémitisme. Par vos paroles qui relient l'antisionisme et l'antisémitisme, en en faisant le lien, comme la reconnaissance de la responsabilité des crimes du régime de Vichy sont l'expression de ce leadership. Le programme sur la mémoire de la Shoah, qui a été mis en place par votre gouvernement dans le système éducatif et mis en œuvre sont un élément et un message extrêmement importants à cet égard. Le positionnement de votre gouvernement contre l'antisémitisme est particulièrement éloquent alors que des politiques de premier plan, membres de gouvernement européens n'ont plus honte d'être antisémites et de réécrire l'Histoire.

Monsieur le Président, l'état d'Israël apprécie à sa juste valeur l'engagement de la France pour sa communauté juive si ancienne et enracinée ici depuis deux siècles.

Les citoyens Français Juifs sont une source de fierté pour la République française et aussi pour nous en Israël.

J'attends avec grand plaisir la poursuite de cette visite et des discussions que nous allons avoir dans ce cadre.

Et encore une fois Monsieur le Président, merci infiniment de tout cœur pour cet accueil extrêmement chaleureux. Merci beaucoup.

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