27 septembre 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration conjointe du Président de la République, Emmanuel Macron, et de Paolo Gentiloni, Président du conseil des ministres de la république italienne

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI.

LE PRESIDENT : Monsieur le Président du Conseil,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs,

Cher Paolo,

Je suis d’abord ravi que nous puissions nous retrouver tous et toutes dans cette belle ville de Lyon pour ce 34ème sommet franco-italien dans une période si importante pour l’Europe. Nous avons pu voir ensemble tout à l’heure une partie de la ville et nous allons, avec nos ministres, dans quelques instants pouvoir traverser une autre partie et partager un dîner amical dans cette capitale de la gastronomie française et nous pourrions presque faire croire aux Lyonnais que, l’instant d’une journée, elle est devenue la capitale.

En tout cas, nous avons vu tout à l’heure, au travers de ce parcours rapide de notre histoire cinématographique commune et de ce beau musée des Confluences, toute la symbolique et les harmoniques de ce terme qui est un peu de notre Histoire commune de part et d’autre de la frontière et, plus largement, en Europe parce que c’est bien de confluences dont il s’agit entre la France et l’Italie, parce que c’est bien de confluences dont il s’agit à travers nos constructions communes pour l’Union européenne.

Nous aurons ce soir l’occasion de rentrer dans le détail de la feuille de route partagée entre la France et l’Italie avec l’ensemble des ministres ici présents qui permettront de scander les prochains mois de notre travail conjoint. Nous avons pu, dans un premier temps, échanger ensemble sur les sujets bilatéraux d’importance – et là aussi, nous y reviendrons – sur lesquels, ensemble, nous souhaitons avancer, avec une feuille de route bilatérale et des projets concrets pour les prochains mois.

J’en citerai quelques-uns mais je vous invite à prendre connaissance du document complet qui a été diffusé. En matière de culture, l’Italie dispose déjà d’un pass Culture dont je me suis inspiré durant la campagne présidentielle et je souhaite donc que, nonobstant les échanges croisés de bonnes pratiques que nous pouvons utilement faire, nous puissions travailler concrètement à cette idée d’un Erasmus de la culture, d’un échange d’artistes croisé. Il y a déjà de grands établissements de part et d’autre de la frontière qui accueillent de nombreux artistes mais nous pouvons et nous devons aller en la matière plus loin.

Je souhaite aussi que nous puissions œuvrer ensemble, travailler sur un agenda conjoint et donner corps à cette idée d’université européenne pour que, là aussi, nous puissions avancer de manière concrète, déjà de manière bilatérale sur ce que nous souhaitons pour l’Europe. Notre document – et la discussion de ce soir le montrera –, c’est aussi une stratégie partagée en matière climatique et de lutte contre le réchauffement climatique. Nous avons des engagements conjoints au niveau international en Europe, pardon, mais nous pouvons faire aussi beaucoup plus au niveau bilatéral par des échanges industriels, des échanges de bonnes pratiques, des interconnexions renforcées et le développement d’initiatives conjointes qui sont détaillées dans la feuille de route.

C’est aussi une coopération militaire déjà intense qui sera développée encore avec le lancement d’une étude sur le rapprochement de nos industries dans le but de créer un champion mondial dans le domaine naval. L’idée extrêmement importante à laquelle nous tenons beaucoup qui va permettre de structurer cet agenda stratégique. Et au-delà de cela, la coopération renforcée que nous souhaitons également avoir dans le Sahel en décidant d’implantations militaires communes qui donneront corps à la coopération que nous avons d’ores et déjà sur le terrain.

Je veux plus particulièrement revenir sur deux dossiers qui sont illustratifs pour moi de la méthode qu’avec le président du Conseil italien, nous souhaitons mener. Une méthode dans laquelle les bons projets sont des projets qui font que l’Italie et la France sont gagnantes. Lorsqu’on a à mener une action politique et à présider ou à gouverner, on est toujours confronté dans un nos opinions réciproques à des commentateurs qui veulent savoir qui gagne quand on discute, qui l’emporte. Parfois même ceux qui disaient qu’il était scandaleux que l’autre gagne disent le jour d’après : « C’est moi qui, maintenant, l’ai emporté. »

Alors je vais vous dire, il y a deux projets sur lesquels on gagne ensemble parce que si on ne gagne pas ensemble, on perd tous les deux : c’est le projet STX et le projet du Lyon-Turin. Sur le projet STX, les dernières semaines ont été mises à profit par nos ministres et je les en remercie pour trouver une solution intelligente. Au printemps dernier, j’avais souhaité que nous nous donnions un peu plus de temps parce que l’accord qui avait été conclu ne permettait pas de garantir, en particulier pour les chantiers de Saint-Nazaire, l’absence de tout transfert technologique et des risques de transfert de charges qui auraient pu mettre en cause la pérennité de ce site. Il y avait de l’autre côté une volonté légitime de Fincantieri d’être l’opérateur industriel de ce site partagé.

L’accord que nous avons trouvé, après que la France a exercé son droit de préemption pendant un temps – et cela a toujours été clair à cet égard –, c’est de pouvoir avoir la détention capitalistique que nous souhaitons et donc un 50/50, mais par un prêt de titres durable, que Fincantieri soit bien l’opérateur industriel qui consolide, décide et dirige aux destinées d’un vrai groupe européen avec la possibilité de garantir aux chantiers de Saint-Nazaire : qu’il n’y a pas de transfert de charges, qu’il n’y a pas de transfert technologique et qu’en cas de problème, ce pourcent qui est prêté est repris.

Aucun d’entre nous n’aura à conduire la destinée au jour le jour de cette entreprise mais nous créons ainsi les conditions d’une direction claire sur le plan économique et industriel et des garanties claires sur le terrain pour l’emprise industrielle en France comme en Italie. C’est pour cela que nous pouvons l’un et l’autre dire aujourd’hui que c’est un accord gagnant-gagnant. À ceux qui disent : « C’est terrible ! De fait, il y aura un opérateur industriel qui n’est pas français », je veux leur rappeler que jusqu’à il y a quelques mois, à une très large majorité, l’actionnaire et l’opérateur était coréen. Qu’on m’explique, lorsqu’on défend l’Europe chaque jour, qu’il vaut mieux avoir un opérateur et un actionnaire coréen qu’un opérateur italien et que ceux qui disent : « Formidable ! J’ai gagné ! L’Italie a la majorité » regardent la réalité de l’accord d’actionnaires : nous sommes à 50/50 avec des vraies garanties, ça n’est pas l’accord du printemps, mais nous avons construit les termes d’un accord qui permettent à l’opérateur Fincantieri de diriger les destinées de cette entreprise. Je crois donc que nous avons construit quelque chose d’intelligent mais nous souhaitons aller plus loin ensemble à travers ce partenariat sur le naval.

S’agissant du projet Lyon-Turin, nous sommes l’un et l’autre pleinement engagés aussi pour que la section transfrontalière de cette ligne, qui fait partie des réseaux transeuropéens de transport et dont la réalisation repose sur des accords internationaux, soit menée à bien. Des engagements ont été pris, des financements communautaires ont été décidés, nous devons là-dessus être clairs sur le tunnel de base et je veux ici réaffirmer notre engagement à l’un et l’autre. Nous pouvons juste l’un et l’autre regretter que d’autres aient fait avant nous des percées. Et donc, dans la stratégie que l’Italie et la France auront à conduire, il faudra développer sur le plan économique cet axe.

Sa dimension stratégique pour la France, l’Italie et l’Europe en tant que composante clé du corridor méditerranéen des réseaux européens est un critère essentiel dans la réflexion que nous voulons conduire et aussi d’ici le 1er trimestre 2018, en pleine association avec la Commission européenne, nos deux gouvernements, nous souhaitons pouvoir préciser les termes futurs, au-delà, du tunnel de base et c’est pourquoi nous avons décidé de mettre en place un groupe de travail entre nos deux ministères des Transports, en lien avec le coordinateur européen, avec l’objectif de faire conjointement des propositions communes précises d’ici la fin de l’année. Vous avez par ailleurs vu les accords industriels qui ont été signés à l’instant devant nous.

Nous avons ensuite évoqué des sujets internationaux communs et en particulier la Libye. Nous avons pris plusieurs initiatives ensemble ces derniers mois sur le sujet libyen et nous avons l’un et l’autre soutenu la semaine dernière la feuille de route qui a été présentée par le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Ghassan SALAMÉ, en marge de l’assemblée générale.

Cette feuille de route, je crois pouvoir le dire, retranscrit fidèlement l’ensemble de ce à quoi l’Italie et la France sont attachées sur le règlement de la crise libyenne et donc nous ferons tout ensemble pour que cette feuille de route soit respectée et que des résultats concrets puissent être obtenus afin de stabiliser politiquement la Libye et de pouvoir construire le cadre des élections à venir.

Dans les prochaines semaines et prochains mois, nous agirons de concert principalement dans trois directions, au-delà de cette feuille de route. La première, conformément au sommet du 28 août à Paris, afin de prévenir les migrations et les trafics migratoires dans la bande sahélo-saharienne et dans la route de l’Est à travers justement notre action conjointe, celle de nos partenaires et de l’Union européenne et des pays de transit africains pour prévenir ces derniers, travailler avec le HCR, travailler avec les forces de sécurité principalement nigériennes et tchadiennes et prévenir l’afflux additionnel migratoire.

La deuxième, en ayant une action conjointe, en lien avec tous les acteurs sur le terrain, pour lutter contre l’implantation de tout groupement terroriste en Libye. Le risque, nous le connaissons, c’est que des groupements venant de la zone irako-syrienne n’utilisent la période pour venir s’implanter. Nous serons donc l’un et l’autre très vigilants par nos présences militaire, policière et nos coopérations pour éradiquer ce point.

La troisième, en coopérant pleinement pour stabiliser la pression migratoire en Libye. Et sur ce sujet, il est essentiel qu’avec en particulier le HCR, l’ensemble des parties prenantes en Libye, les conditions aujourd’hui des camps de réfugiés soient améliorées, que les règles internationales soient respectées et que la pression qui s’exerce et qui s’est naguère exercée sur l’Italie soit cantonnée comme elle l’est depuis l’été.

Sur ces trois dossiers, nous travaillerons l’un et l’autre ensemble de manière extrêmement rapprochée. Plus largement, cette thématique me conduit à évoquer l’agenda européen dont nous avons également largement parlé. Nous souhaitons ensemble, sur les sujets d’actualité, prendre des positions communes et en particulier pour cette Europe qui protège. L’Europe qui protège, c’est l’Europe de la défense. J’ai évoqué les sujets bilatéraux sur lesquels nous souhaitons avancer plus vite mais qu’il s’agisse du Fonds européen comme de la politique que nous avons plus largement à quelques-uns de coopération structurée permanente, nous défendrons une vue commune. En matière de contrôle des investissements stratégiques, nous appuierons ensemble les initiatives conduites par le président de la Commission européenne.

Pour la réforme de la directive travailleurs détachés, nous portons ensemble tous les mêmes amendements et nous pourrons ainsi donner plein confort à la présidence du Conseil pour obtenir durant cette présidence un accord que je souhaite le plus rapide et le plus ambitieux possible. C’est également, cet agenda d’une Europe qui protège, celui qui nous permettra d’agir de concert sur les migrations et au-delà du sujet de la Libye, je souhaite que nous puissions ensemble travailler à une accélération et une plus grande cohérence de l’agenda européen en matière justement de contrôle aux frontières, d’asile, de reconduite aux frontières et de politique d’intégration.

Il y a aujourd’hui sept textes sur la table discutés qui font l’objet de blocages techniques parce que ces discussions sont éparses. Il est indispensable que, sur ce sujet, nous puissions redonner du sens politique et avoir une approche coordonnée qui correspond à ce que nous voulons faire, avoir une politique de développement ambitieuse à l’égard des pays d’origine parce que c’est la seule réponse durable, avoir une politique exigeante vis-à-vis des pays de transit – ce que nous avons lancé le 28 août –, avoir une politique de protection de nos frontières en commun et c’est la solidarité que nous devons aux pays justement d’arrivée, en particulier l’Italie, avoir une politique d’harmonisation de nos règles d’asile et une réforme en profondeur de Dublin, avoir une politique très coordonnée des reconduites à la frontière de celles et ceux qui ne détiennent pas les titres et enfin avoir une politique commune d’intégration des réfugiés là où ils sont accueillis.

C’est sur ces piliers que nous travaillerons ensemble dans les prochains mois parce qu’il est indispensable d’avancer dans cette direction ambitieuse. Au-delà de cet agenda de l’Europe qui protège qui est notre agenda de court terme, nous sommes revenus sur l’ensemble des propositions que j’ai pu faire hier à la Sorbonne pour une initiative européenne qui avait fait l’objet, je dois le dire et je l’ai dit hier, de beaucoup d’échanges amicaux politiques avec le président du Conseil italien et, sur ce sujet, nous avons l’un et l’autre la volonté de porter cette ambition de manière concrète et, dès demain soir à Tallinn, de pouvoir lancer ces initiatives du groupe d’amis de la refondation et de pouvoir avancer, de pouvoir aussi donner à nos ministres la possibilité de travailler ensemble, à nos équipes pour porter cet agenda européen d’initiatives et pour avoir une coordination bilatérale très forte dans le cadre de cet agenda européen parce que – je crois pouvoir le dire – c’est l’Histoire de nos pays et l’Europe ne peut se relancer que si nous avons ce degré d’ambition ensemble.

Et qu’il s’agisse des listes transnationales, qu’il s’agisse du projet de refondation sur tous les aspects de souveraineté, d’unité et de démocratie, je souhaite que nous puissions activement travailler ensemble dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Voilà, cher Paolo, Mesdames et Messieurs les Ministres, ce que je voulais rappeler après les échanges de la journée et avant le dîner de conclusion de ce soir et vous redire ici que cette coopération qui a une longue histoire est essentielle pour faire avancer l’Europe. Nous sommes aujourd’hui deux pays ambitieux pour l’aventure européenne, avec la volonté partagée de la refonder. L’année prochaine, l’Italie accueillera le prochain sommet mais je pense déjà à 2019, nous fêterons alors le 500e anniversaire de la mort de Léonard de VINCI qui est l’une des traces de cette Histoire partagée et nous nous retrouverons alors dans la vallée de la Loire pour célébrer notre amitié et la culture partagée. Je vous remercie.

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