Fait partie du dossier : Déplacement au Tchad

"Alors que beaucoup de nos compatriotes prennent un temps de repos et se retrouvent pour les fêtes, je pense aujourd’hui à vos familles qui ne passeront pas Noël à vos côtés."

Emmanuel Macron, base de N'djamena au Tchad.

"La mission ici, au Sahel, est la marque d’un professionnalisme, d’un sens du devoir, qui font l’honneur et la grandeur de nos armées. Ce qui me frappe, aussi, c’est la fraternité d’armes, la camaraderie, cette solidarité à toutes épreuves, y compris dans les moments les plus difficiles."

22 décembre 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Repas de Noël avec les militaires de l'opération Barkhane engagés au Sahel

DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

BASE MILITAIRE KOSSEI – OPERATION BARKHANE

N’Djamena (Tchad) – Samedi 22 décembre 2018

 

Madame la ministre des Armées,

Madame la secrétaire d’Etat,

Messieurs les parlementaires,

Monsieur le chef d’état-major des armées,

Monsieur l’ambassadeur,

Messieurs les officiers généraux,

Officiers, sous-officiers et militaires du rang de l’opération Barkhane,

 

Vous retrouver en cette veille de Noël, ici à N’Djamena, dans ce camp « Sergent-chef Kosseï », sur cette BA 172, chargée pour les armées françaises, de tant d’histoire, de souvenirs, cette base qui est aujourd’hui le siège du poste de commandement interarmées de l’opération Barkhane et notre principale base au Sahel est pour moi, à la fois, un honneur et un bonheur.

 

Notre pays est présent ici même depuis 1960, presque sans interruption sur cette base. Et je veux ici avant tout rendre hommage au président Déby que j’ai salué à mon arrivée tout à l’heure et le remercier de m’accueillir ces deux jours dans son pays. La France et le Tchad sont liés par cette histoire commune, qui a fondé une relation de proximité, de confiance, d’estime mutuelle. Sur cette relation, nous avons bâti un partenariat stratégique fort qui nous permet aujourd’hui de lutter avec efficacité contre le terrorisme ensemble. C’est pourquoi je remercie très chaleureusement tous les militaires tchadiens qui nous font l‘amitié d’être présents ce soir, et je salue leur engagement. Nous serons dans la durée aux côtés du Tchad.

 

Il y a un an jour pour jour, j’étais au Niger, autre partenaire de la France, autre pays membre du G5, autre allié dans notre action contre le terrorisme. Peut-être certains, ici ce soir, étaient à Niamey il y a un an déjà.

 

Nous y avions partagé des instants forts et chaleureux comme à chaque fois lorsque nous nous rendons parmi les armées, à chaque fois que je vais à votre rencontre. Ces moments sur le terrain sont pour moi extrêmement importants, d'abord parce qu'ils permettent de pleinement se rendre compte sur le théâtre d'opération comme ici à Barkhane, d'éprouver concrètement la réalité des décisions que je suis amené à prendre depuis Paris, conseillé et entouré de vos chefs militaires parce que tout cela ici s'incarne, se matérialise et se décide in fine au plus près du terrain, du concret, de cette réalité.

 

Oui, lorsqu'on se rend sur un théâtre d'opération, on se trouve ainsi confronté à la vérité et à ses responsabilités. A chaque fois que je suis avec vous sur ces théâtres, ce qui me frappe, je dois dire, c'est la concentration extrême, la vigilance de tous les instants qui se lisent sur les visages. Engagés en opération, vous êtes, en effet, toujours en alerte pour les mois que vous passez ici, quel que soit le moment, quel que soit le lieu et on le voit et vous le savez.

 

Rien dans votre quotidien n'est jamais anodin. La mission ici est permanente, elle n'admet pas de trêve, elle est la marque d'un professionnalisme, d'un sens du devoir qui font l'honneur et la grandeur de nos armées.

 

Ce qui me frappe aussi, c'est la fraternité d’armes, la camaraderie, cette solidarité à toute épreuve surtout et y compris dans les moments les plus difficiles, comme lorsque vous avez dû dire adieu il y a quelques jours au brigadier-chef El-Arabi, mort accidentellement.

 

Ici dans cette immensité du Sahel, en cette période particulière de Noël, vous êtes au plus haut de votre engagement pour la France, au cœur de ce qui fait sa beauté mais aussi son exigence.

 

Alors que dans l'Hexagone comme dans nos Outre-mer, beaucoup de nos compatriotes prennent un temps de repos et se retrouvent, je pense, en cette soirée en famille eux-mêmes. Je pense ce soir avec vous à vos familles. Vos familles qui cette année, peut-être comme d'autres années précédemment, ne passeront pas Noël à vos côtés, pour qui Noël sera un peu particulier et sans doute un peu triste parce qu'il manquera quelqu'un à la table, parce qu'il aura fallu envoyer un cadeau qu'on n’ouvre pas ensemble. Alors ce soir en étant parmi vous, je pense à vos familles, je sais le sacrifice que tout au long de l'année, elles font pour vous accompagner parce qu'elles accompagnent votre engagement avec toutes ses contraintes et toute sa grandeur, parce qu'elles sont le miroir quotidien de cet engagement pour notre pays. Je sais ce que nous leur devons.

 

Oui, la France sait ce qu'elle doit aux familles de ses militaires ; c'est pourquoi elles se trouvent au cœur, et vous évidemment avec elles, des décisions et des choix que j'ai voulus pour les Armées avec la ministre et vos chefs d'état-major.

 

En cet instant avec vous, je veux aussi m'incliner devant la mémoire de ceux qui nous manquent aujourd'hui car ils ont donné leur vie pour la patrie. Vingt-deux de vos camarades sont morts pour la France depuis le lancement de l'opération Serval en 2013. Je pense en particulier à l'adjudant Emilien Mougin et au maréchal des logis Timothé Dernoncourt, tombés au combat en février dernier. Leur souvenir nous oblige. J’ai longuement échangé avec leurs familles que nous avons reçues le 11 novembre dernier. Et pour ces familles, nous savons tous combien Noël désormais sera cruel.

 

Je veux également rendre hommage à vos camarades blessés au combat qui, eux aussi, ont versé leur sang et sont meurtris. Certains sont actuellement pris en charge ici sur le théâtre ; d'autres ont été rapatriés en France. A tous, je souhaite témoigner de la solidarité de la Nation. J’ai été à leur rencontre lors de la journée des blessés en juin dernier et leur image ne nous quitte pas, ne me quitte pas.

 

Je suis admiratif de leur force, de leur courage, de leur volonté de remporter ce nouveau combat, celui de se rétablir, de se reconstruire avec l'aide du personnel soignant, du service de santé des Armées dont je veux ici aussi souligner le travail exceptionnel pour réparer les corps comme les âmes.

 

Je pense avec vous ce soir à toutes celles et ceux qui, au-delà de vous, constituent cette fraternité d'armes que j'évoquais. Barkhane repose sur la force de votre engagement personnel, individuel mais l'efficacité de cette opération est le fruit d'une œuvre collective, d'une action commune. L’ensemble des composantes de nos armées sont présentes ici : l’armée de terre, la marine et l'armée de l'air évidemment mais également les directions et services de soutien que je veux citer, le service de santé, le service du commissariat, le service des essences, le service de l'infrastructure, la DIRISI… Le général Blachon pendant les heures qui ont précédé vient de me les exposer.

Placées sous son autorité, les différentes chaînes fonctionnelles sont toutes nécessaires. Dépendantes les unes des autres, elles sont solidaires et se complètent et c'est cela la force de nos Armées, l'engagement irréductible de chacun et la solidarité organique de tous. C’est cette intégration au profit de l'action militaire. Cette intégration, elle est le gage du succès en opération.

 

Quelle que soit votre spécialité, quelle que soit votre mission, quels que soient votre responsabilité, votre grade, votre place dans la hiérarchie, vous tous qui êtes ici vous êtes, en effet, un indispensable maillon d'une chaîne qui ne peut tenir que grâce à chacun, grâce à chacune de vos actions, fut-elle humble, fut-elle moins visible que d'autres.

 

Je compte avec la ministre, le chef d'état-major des armées et votre commandant d'opération, sur chacun d'entre vous et les Français comptent sur vous.

 

Votre mission, j'en suis conscient, est éminemment difficile, l'issue peut sembler lointaine encore et rien n'est jamais acquis et cela, vous le savez mieux que quiconque mais les succès sont là, la situation bouge, le Sahel avance et cela fait honneur à nos armées et à notre pays.

 

Vos camarades au Mali, au Niger, au Burkina Faso, ceux qui se sont succédé au cours de l'année écoulée et vous-mêmes avez tout au long de ces mois inlassablement traqué et réussi à neutraliser un grand nombre de nos ennemis, ces combattants djihadistes qui cherchent à asservir l'ensemble du Sahel à leur idéologie mortifère et je veux ici vous rendre hommage tout particulièrement pour les derniers succès et, en particulier, la réussite de l'ambitieuse opération du 23 novembre dernier contre les cadres de la katiba Massina dans la région de Mopti. Avec patience et détermination, avec force et audace, vous avez réussi à porter un sévère coup d'arrêt aux groupes armés terroristes au cœur du Mali. Vous me l’avez présenté, mon général, avec humilité et en rendant hommage à tous ceux qui ici vous ont précédé mais cette étape est décisive. Et c'est avec la même humilité et la même détermination que nous poursuivrons les étapes à venir partout où, dans le Sahel, nos ennemis sont là, terrorisent les populations et cherchent à faire triompher l'obscurantisme.

 

Cette seule opération que je viens d'évoquer ne résume pas tous les succès que vous avez obtenus au Sahel. Vous avez non seulement réduit le potentiel de l'adversaire en allant le chercher jusque dans les sanctuaires les plus reculés, les plus discrets, les plus dangereux mais vous avez aussi rompu ses approvisionnements ; vous l'avez bousculé dans les zones où il se croyait libre d'aller et venir comme il voulait ; vous avez profondément affaibli ces groupes islamistes radicaux qui embrigadent, asservissent, sèment la terreur et le crime.

 

De ces succès, soyez fiers comme je le suis car en combattant ici côte à côte avec nos alliés du G5 Sahel, au premier rang desquels nos amis tchadiens, en les aidant à relever le défi de la lutte contre le terrorisme, vous protégez les populations contre le règne de la terreur et de l'arbitraire. En combattant ici, ce sont aussi bien sûr vos compatriotes que vous protégez parce que partout où nous combattons ce terrorisme, nous protégeons les nôtres parce que c'est ce même terrorisme qui, il y a quelques jours encore, a frappé notre pays à Strasbourg parce que c’est vous qui, au quotidien, à force de courage et d'engagement, hissez haut l'étendard de la liberté.

 

J'évoquais un instant nos partenaires africains. Notre collaboration à tous les niveaux est essentielle. Elle fonde le principe même de notre présence ici et constitue le socle de notre légitimité. Nous sommes là pour aider, former, accompagner, soutenir, appuyer et vous êtes les premiers artisans et vous le vivez au quotidien.

 

Je sais que je n'ai pas besoin de vous convaincre de la nécessité de faire vivre ce partenariat militaire opérationnel ; vous me l'avez parfaitement décrit, vous le vivez, vous le faites vivre. C’est même, je dois le dire, pour l'avoir vu depuis les premiers jours de mon mandat, ce qui fait la spécificité de nos armées françaises et leur force parce que nous savons mettre notre expérience au service d'autres armées, évoluer au contact de la population et travailler en lien avec les structures locales. Vous construisez chaque jour cette indispensable confiance sans laquelle nous ne pourrions pas travailler. Cette coopération et ce partenariat, nous y tenons profondément.

 

C’est pourquoi depuis l'été 2017, nous avons de manière répétée construit pas à pas ces forces conjointes du G5 Sahel pour parachever notre partenariat, pour compléter ici notre action. Les prochains mois seront déterminants et je sais ici l'engagement de chacun dans les opérations à venir.

Cet esprit de coopération, ce partenariat, c'est aussi celui que nous avons avec nos alliés. Je l'ai vu physiquement et je vous remercie d'être là ce soir. Notre allié américain bien sûr dont le soutien est si précieux, si précieux et que je salue ici et avec lequel la coopération est ici exemplaire. Nous avons ce sens des alliés. Il suppose de la constance, de la durée et la capacité à se coordonner étroitement ; nous l’avons.

 

Je veux aussi saluer chaleureusement les représentants de nos alliés européens, Britanniques, Espagnols, Allemands et Estoniens qui nous accompagnent et avec qui vous agissez chaque jour. Je les ai rencontrés tout à l'heure et leur présence représente bien plus qu'une aide matérielle ou financière, aussi nécessaire soit-elle, ce sont des contributions précieuses pour nos marges de manœuvre. C'est un symbole fort et tangible de la coopération opérationnelle pragmatique à laquelle je crois et c'est aussi une fraternité d'armes décuplée.

 

Qu’il s'agisse de notre coordination avec l’EUTM, avec la MINUSMA, ici, vous travaillez en permanence avec des partenaires multiples et dans cet esprit.

 

Combattre et en même temps mener des actions de coopération et d'assistance technique, c'est là aussi votre mission. Se battre contre l'ennemi et aussi se battre pour les populations, c'est la grandeur de notre mission ici même. Intervenir face à la menace, aller au contact mais également former vos frères d'armes africains, intervenir pour eux et avec eux.

 

Nos ennemis, nous le savons, ont ici prospéré et prospèrent sur l'absence d'Etat, sur ce sentiment d'injustice ou d'inégalité qui vient de la faiblesse, parfois de la faillite des structures administratives et des services publics notamment dans les régions les plus éloignées, souvent transfrontalières, nos ennemis se nourrissent des trafics illicites les plus odieux, du crime organisé. C’est pourquoi la stratégie que j'ai définie pour le Sahel est une stratégie globale dans laquelle l'action militaire accompagne une action politique et diplomatique forte et un projet de développement technique, économique et éducatif sur le terrain. La défense, la diplomatie, le développement, sont ces trois piliers sur lesquels, ensemble, nous travaillons et que la présence ici à vos côtés des diplomates comme de l'agence française de développement traduit en actes.

 

C’est seulement ainsi que nous atteindrons nos objectifs. Vous êtes au cœur du premier de ces objectifs qui est de repousser la menace terroriste ; vous êtes aussi directement impliqués dans le deuxième qui vise à conférer l'autonomie aux forces sahéliennes pour qu'elles puissent remporter dans la durée leur combat contre la menace insurrectionnelle des groupes armés djihadistes et ainsi vous contribuez à l'atteinte de notre troisième objectif que nous poursuivons avec nos camarades du Sahel dans tous les domaines, politique, économique et bien sûr militaire. Il s'agit de l'objectif de stabilité et de paix, qu'attendent les populations dans cette région d'Afrique et du monde et dont dépend aussi une part du destin du continent africain et par voie de conséquence, de notre Europe.

 

C’est pourquoi je souhaite aussi rappeler au peuple du Sahel le désintéressement de notre engagement et de votre mission. Nous les aidons, le monde les aide, et nous devons aller ensemble de l'avant. Il s'agit d'un combat pour leur pays mais il s'agit aussi de notre sécurité à tous.

 

Mesdames et Messieurs, chers soldats, marins et aviateurs, avant d'avoir la joie de partager dans quelques instants le repas de Noël à vos côtés, j'adresse à chacun, à chacune d'entre vous, mes vœux de réussite dans la poursuite de vos missions pour le plus grand succès des armées de la France.

Je veux vous redire mes remerciements, ma confiance, ma fierté.

 

Vive l’amitié franco-tchadienne !

 

Vive la République !

Vive la France !

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