23 décembre 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe du Président de la République, Emmanuel Macron et de M. Mahamadou Issoufou, Président de la République du Niger.

Cher président Mahamadou ISSOUFOU, je suis très heureux d’être aujourd’hui au Niger.

Vous l’avez évoqué, nous sommes arrivés hier après-midi, vous avez eu l’amitié de m’accueillir avec votre Premier ministre et le gouvernement. Nous nous sommes ensuite rendus auprès de nos forces, ici présentes sur la base aérienne de Niamey, pour passer un moment convivial, pour aussi avoir un briefing détaillé de l’activité justement de nos forces présentes sur place, qui contribuent à la sécurité non seulement du pays et de la région, y compris ce matin. Et nous avons eu l’occasion à l’instant longuement d’échanger sur les sujets.

Le Niger, vous-même président, êtes un allié et un ami. Et pour toutes ces raisons, la vitalité de la relation bilatérale et notre capacité commune à régler les sujets régionaux sont des éléments décisifs à mes yeux.

Pour dire un mot de la relation bilatérale – mais le président ISSOUFOU a été très complet et non seulement je souscris aux priorités qu’il a définies pour notre coopération, mais je veux dire combien je soutiens la stratégie qu’il a déployée – l’objectif de la France c’est d’avoir une politique qui soit cohérente et qui réponde aux besoins exprimés par le président ISSOUFOU et sa stratégie.

C’est simple, c’est exactement ce que j’ai expliqué lors de mon discours de Ouagadougou. Ce n'est pas moi qui vais définir où sont les priorités au Niger, le président a un plan, le plan de renaissance.

Il a réussi – il l’a dit – à lever justement des fonds, avoir une confiance de la communauté internationale et Paris a facilité ce travail, mais c’est votre crédibilité qui a joué. Et la France est engagée dans ce cadre-là pour répondre aux besoins.

Sur le plan bilatéral strict, nous avons un engagement financier qui se montera à un peu plus de 400 millions d’euros sur la période 2017-2021, mais qui est nettement supérieure quand on considère la capacité – en particulier de l’Agence française de développement présente sur à peu près tous les sujets que vous avez cités – d’aller agréger des fonds de pays tiers ou en particulier de l’Union européenne. Ce qui fait que pour cette seule année, nous avons largement dépassé les 200 millions d’euros d’investissements et co-investissements.

Notre objectif, c’est de vous accompagner dans ce triptyque que vous avez expliqué à l’instant : sécurité, démocratie, développement.

Sur la sécurité, j’y reviendrai sur les sujets régionaux, mais au-delà de notre contribution pour les forces du G5 Sahel, la coopération de sécurité et de défense sur le plan bilatéral est structurelle.

C'est-à-dire que nous coopérons avec des crédits annuels qui sont versés, mais aussi des coopérations techniques multiples, en matière opérationnelle ou de renseignement, avec des éléments de formation et des projets d’appui à l’engagement opérationnel, en particulier je pense aux 3 hélicoptères Gazelle qui avaient été fournis dès 2012 et aux opérations complémentaires fournies récemment qui ont permis de donner justement une capacité à manœuvrer.

Nous poursuivrons ce mouvement tant la sécurité que vous assurez par la structuration de l’armée, sa formation est absolument essentielle.

La démocratie c’est vous et je veux ici le dire très clairement devant la presse nigérienne et la presse française qui m’a accompagné. Vous êtes un exemple, nous le disions tout à l’heure avec une partie de votre gouvernement, normalement quand il y a des problèmes dans le voisinage depuis des décennies, l’année après ou deux ans après il y a une crise au Niger. A chaque fois qu’il y a eu un problème au Mali, ce fut le cas.

Pourquoi ça n’a pas été le cas ces dernières années ? Parce qu’il y a ici un gouvernement solide avec un président qui a décidé de réformer son pays et de jouer le jeu démocratique. Et vous l’avez encore rappelé, vous avez un objectif qui est d’assurer la transition démocratique en 2021, ce qui sera la première expérience de transition démocratique au Niger. Et cela, nous ne pouvons pas seulement le saluer, mais aussi l’accompagner.

Et c’est pourquoi le cœur de notre réponse, c’est d’accompagner ce 3ème pilier de votre triptyque, la politique de développement.

Et donc dans ce contexte-là, c’est tout l’engagement de l’Agence française de développement. Nous allons poursuivre les projets en termes d’agriculture que vous avez cités, les projets de développement durable qui sont très structurants pour justement le Niger, et vous êtes constamment engagé dans cette bataille à l’international, tant l’économie nigérienne comme toutes celles de la région a été impactée par le rétrécissement du lac Tchad lié justement au phénomène de réchauffement, et tant vous avez conscience de l’impact justement des problèmes de développement durable sur les écosystèmes et les économies.

Nous allons donc poursuivre l’engagement en ce sens, mais je souhaite tout particulièrement marquer l’engagement de la France dans le domaine de l’éducation.

Si nous voulons aider le Niger à réussir, il y a l’éducation et l’agriculture comme priorités absolues, pour – comme vous l’avez dit – permettre à chaque jeune, moins jeune d’être formé dans son pays, de s’y développer, de pouvoir s’y établir, nourrir sa famille et y construire un avenir.

Dans ce contexte là, je veux saluer le courage de la décision que vous avez prise avec votre gouvernement de renforcer la scolarisation en particulier des jeunes filles pour les raisons que vous avez vous-même rappelées.

Cette priorité en matière d’éducation que j’ai énoncée à Ouagadougou le 28 novembre dernier a conduit la France à engager à hauteur de 15 millions d’euros des investissements en matière de politique éducative à vos côtés avec un fonds commun sectoriel « éducation » et j’ai souhaité en venant ici à Niamey marquer un soutien supplémentaire et particulier aux décisions récentes qui ont été prises justement par le gouvernement pour les jeunes filles par le biais de l’Agence française de Développement avec 10 millions d’euros supplémentaires pour appuyer cette politique précisément d’autonomisation des jeunes filles.

C’est, je crois, absolument déterminant que nous vous aidions à réussir dans cette bataille. Nous interviendrons en aidant directement les familles pour que le choix de la scolarisation prime sur d’autres considérations et nous interviendrons également en lien avec les autorités nigériennes en soutenant l’accès au planning familial et en prévenant les mariages forcés.

Je partage votre engagement personnel sur ce sujet et je suis très heureux du choix que vous avez fait en la matière. Au-delà, je souhaite que le Niger puisse faire partie des priorités justement de la relance du pacte mondial pour l’éducation que nous aurons à conduire en février prochain au Sénégal avec le président Macky SALL.

Sur les sujets régionaux, là aussi, nos convergences de vue sont fortes et il est indispensable que nous puissions renforcer encore sur le plan opérationnel cette convergence stratégique. La France est présente à travers l’opération « Barkhane », vous l’avez rappelé, non seulement dans toute la région mais tout particulièrement au Niger. Je ne reviendrai pas sur cette opération qui est essentielle pour lutter contre le terrorisme qui a d’ores et déjà permis non seulement à travers « Serval » de stopper les avancées au Mali des troupes terroristes mais de démanteler nombre d’entre eux, de stabiliser certaines régions, de reprendre du terrain.

Pour autant, le combat n’est pas gagné aujourd’hui et je l’ai dit hier soir à nos forces armées, il est indispensable non seulement de maintenir mais d’améliorer encore notre agilité sur le terrain, d’innover davantage et de concentrer nos priorités sur les régions identifiées comme les plus vulnérables, ce que dès le début d’année prochaine nous allons faire et la France est prête non seulement à maintenir mais si besoin était à renforcer son engagement dans la région parce que le combat contre le terrorisme au Sahel est à mes yeux essentiel.

L’opération « Barkhane » doit agir désormais en coordination étroite avec deux autres forces. La première, la MINUSMA, ce qui est le cas depuis désormais un certain temps qui a un rôle extrêmement important et je veux à nouveau saluer le lourd tribut versé par la MINUSMA dans ce combat et en particulier les Casques bleus nigériens.

Et le deuxième axe, c’est celui de la coopération avec les forces conjointes du G5 Sahel. Nous voulons, nous étions ensemble à Bamako au mois de juillet dernier quand ces forces opérationnelles ont été lancées, accélérer ce mouvement, ce fut l’objet de la réunion tenue le 13 décembre dernier à La-Celle-Saint-Cloud avec l’ensemble des chefs d’Etat du G5 Sahel, les ministres et plusieurs de nos partenaires. Nous avons mis en place ce que nous avons alors appelé la coalition Sahel dans un esprit de parallélisme justement avec la coalition internationale au Levant. Cette coalition a vocation à aider justement les forces du G5 Sahel, à travailler sur le plan opérationnel en coopération étroite avec l’opération « Barkhane » mais à agréger des financements venant justement de bailleurs internationaux, l’Union européenne, de différents pays européens, de pays du Golfe et de pouvoir se déployer le plus rapidement possible.

La ministre tiendra le 30 janvier prochain une réunion au niveau ministériel avec l’ensemble des parties prenantes pour que l’ensemble des détails opérationnels puissent être mis en œuvre dans les meilleurs délais et je souhaite que dès février, nous ayons à nouveau des opérations conjointes effectives sur le terrain.

Je l’ai dit, le premier semestre 2018 doit donner lieu à des victoires claires de nos armées contre les terroristes et le déploiement des forces conjointes G5 Sahel est indispensable à cet égard. Je sais votre engagement en la matière et je sais aussi l’engagement de tous vos collègues de la région.

Il devra s’inscrire dans une feuille de route politique que nous discutons en permanence et dont une partie est évidemment la bonne application des accords d’Alger pour ce qui concerne le Mali.

Enfin, dans la région, nous avons d’autres sujets de préoccupation, vous l’avez également mentionné, c’est la stabilisation durable de la Libye et notre travail pour lutter contre les migrations et les trafics d’êtres humains. Nous avons déclenché en marge du Sommet Union africaine / Union européenne à Abidjan une réunion de crise sur ce sujet après plusieurs réunions qui se sont tenues entre l’Union africaine, Union européenne et depuis le mois de juillet dernier à La Celles-Saint-Cloud, nous avions réuni le Maréchal HAFTAR et le président SARRAJ. C’est un jalon d'avancée que nous avons pu constater mais aujourd’hui, nous souhaitons nous concentrer sur deux aspects.

Le premier, trouver dans le premier semestre 2018 une issue politique permettant la stabilité en Libye et l’intégrité du territoire libyen. Je souhaite que les travaux engagés par le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies puissent aboutir et nous l’avons soutenu en septembre dernier, en marge de l’assemblée générale des Nations unies, le travail qu’il fait sur le terrain doit maintenant conduire à l’accord de toutes les parties pour trouver une solution institutionnelle, politique qui sera le cadre de la stabilité.

En attendant celle-ci et pour aussi la préparer, nous nous sommes engagés à agir de concert de manière extrêmement volontariste pour éviter l’afflux de personnes qui viendraient gonfler des camps dans des conditions indécentes et démanteler tous les camps où aujourd’hui des femmes et des hommes venant d’autres pays d’Afrique sont détenus dans des conditions inhumaines et font l’objet de trafics. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà mis en place et nous avons évoqué le déroulement opérationnel de ces missions une coopération policière, une entraide très forte entre les pays du G5 et la France et plusieurs partenaires pour démanteler plusieurs de ces réseaux de trafiquants avec durant les derniers mois des résultats extrêmement favorables et les dernières semaines ont permis à nouveau de démanteler plusieurs réseaux de trafiquants dans les pays voisins. C’est pourquoi nous avons aussi décidé en laissant la capacité opérationnelle à l’Office des migrations internationales en lien avec l’Union africaine de permettre de ramener dans leur pays d’origine les un peu plus de 3 000 ressortissants africains qui avaient été identifiés par l’Union africaine dans les camps en Libye.

Cette opération est en cours de déploiement et une large majorité de celle-ci a d’ores et déjà été effectuée et c’est pourquoi nous avons aussi mis en place ce à quoi je m’étais engagé le 28 août dernier à Paris et vous étiez venu à ce premier Sommet que nous avons tenu dans la région à permettre à toutes les personnes qui ont le droit à l’asile, de revenir sous protection vers le territoire français et pouvoir bénéficier de cet asile.

En début de semaine, les deux premières missions ont permis de ramener un peu plus de 55 personnes qui auront droit à l’asile et sont protégées en France dont 25 ont été évacuées de la Libye même. Ces chiffres montrent une chose, c’est combien les véritables demandeurs d’asile sont rares dans le cadre de la situation libyenne mais c’est notre devoir humanitaire, moral justement de répondre à cette situation mais combien c’est avant tout un sujet de trafiquants, de réseaux illégaux et de migrations économiques et bien souvent de la misère.

Enfin, sur les sujets régionaux, nous avons évidemment reparlé de l’Alliance pour le Sahel qui est le pendant en matière de développement de ce que nous faisons au sein des forces G5. L’Alliance pour le Sahel vise à rendre plus cohérentes, plus efficaces les actions que nous menons sur le terrain en termes de développement ; nous l'avons là aussi lancé en juillet dernier et nous allons agir sur cinq défis clés, l’agriculture, l’énergie, l’emploi, la décentralisation, et les services de base. Elle permet de coordonner non seulement l’aide bilatérale française mais également allemande, celle du PNUD, de l’Union européenne, de la Banque africaine de Développement et de la Banque mondiale. Dès début 2018, les premières opérations concrètes dans ce cadre seront déployées dans toute la région.

Voilà, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, ce que je souhaitais rappeler pour dire tout l’engagement qui est le nôtre. Et engagement personnel, politique se décline évidemment par le travail de nos gouvernements, de nos forces armées, par aussi le travail de nos parlements et nous nous sommes réjouis de voir les deux présidents des groupes d’amitié relancer justement des visites et des travaux bilatéraux entre nos deux parlements ; ce qui est absolument nécessaire pour aussi décliner dans le détail la vitalité de cette coopération.

En tout cas, je vous remercie à nouveau pour vos vœux, pour votre accueil, et pour ce que vous représentez dans la région, cher président, parce que votre réussite, ça sera aussi ici la nôtre, celle de la démocratie et de la liberté.

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